Déjà que du côté du ciel, on était loin de la luminosité printanière, la piste ayant même été protégée par une bâche pour maintenir un état acceptable malgré les averses, ce ne fut guère mieux du côté du ruedo où les aficionados qui garnissaient presque totalement les travées ont dû se farcir une bouillie pour le moins indigeste. Car si à l’heure du paseo, ils espéraient que Morante et ses compañeros leur fassent vivre une tarde de grande musique, ils ont dû vite déchanter…
Avec des toros de Jandilla, le 2ème de Vegahermosa, même élevage, et le 1er suppléé par un Albarreal, il a été rapidement évident que l’on n’allait pas jouer dans l’excellence. Certes bien présentés, l’ensemble a toutefois manqué de forces et de vivacité au dernier tiers. Relation de cause à effet, malgré quelques gestes méritoires, la plupart des prestations n’a pas cassé trois pattes à un canard ! Seules les premières faenas d’Urdiales et López Simón ont sauvé cette bouillie de la quema, et encore, mais il serait bon que la Maestranza retrouve rapidement quelques couleurs car pour le moment, on va dire pour être gentil que c’est globalement décevant. Et même préoccupant !
Morante de la Puebla : silence aux deux.
Diego Urdiales : saluts et silence.
Alberto López Simón : vuelta et silence.
Morante ne put rien faire, sinon quelques pinceladas, avec un sobrero arrêté puis devant une saucisse aussi mobile que ma table de chevet !
Urdiales a fait un effort à son premier, distillant de splendides détails sans toutefois pouvoir enchainer, concluant par entière. Au cinquième, le Riojano eut du mal à s’accoupler et en termina d’une estocade.
López Simón put composer quelques séquences allurées à son premier, ce qui lui valut la musique, mais son trasteo s’étiola quelque peu, à l’image de son adversaire, et malgré un espadazo suivi de pétition, le palco ne broncha pas. Avec l’ultime, qui n’offrit aucune option à Alberto, le meilleur est venu du second tercio à charge de Domingo Siro et Jesús Arruga qui ont salué, et d’un nouvel estocodón en guise de remate à une tarde à bien vite oublier…
(Photos : Joël Buravand)
VERGÈZE
Avec Feria TV, retour en vidéo sur la novillada de dimanche dernier à Vergèze avec le triomphe de Tibo Garcia pour sa présentation en piquée dans le Sud-Est…
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TISSER
Tisseur ou Tisser ? That is the question… En effet, à l’annonce des cartels de la prochaine feria de Mont-de-Marsan, on a appris qu’un certain Laury Tisser faisait partie du cartel de la corrida portugaise aux côtés de Manuel Manzanares et Joao Telles.
Connaissant le jeune Laury Tisseur (voir ICI), je pensais qu’il s’agissait d’une erreur orthographique, mais renseignement pris, il s’agit bien du même qui à présent, pour des raisons de prononciation en espagnol, conservera son véritable patronyme pour les spectacles équestres et se fera appeler Tisser pour le rejoneo…
MONT-DE-MARSAN
Retour sur les cartels de la prochaine Madeleine…
DAX
Les cartels de la temporada dacquoise 2016 en détails…
TOROS Y SALSA
CHAMACO
Lors du récent Rendez-Vous en Terre d’Aficion, un hommage particulier a été rendu à Chamaco pour ce qu’il a représenté notamment à Nîmes au début des années 90…
Parrain de cette manifestation avec Bartolomé Benassar, il a été invité à écouter à la Chapelle des Jésuites l’interprétation par Arnaud Agnel d’un texte de Roland Massabuau (Roland M.), journaliste au Midi Libre, dont vous trouverez l’intégralité ci-dessous…
CHAMACOOOOOOO !…
Antonio Borrero « Chamaco ». A. B. C. Le début de l’alphabet. En l’occurrence d’une tranche de vie, d’un roman qui aurait Nîmes pour témoin de plusieurs scènes folles, et les arènes pour cadre de discussions enflammées.
Entre vous, maestro, et les toros, mais aussi entre les spectateurs qui, sur les gradins, se livraient à des empoignades comme venues d’un autre temps. Celui des vraies colères et des indignations, celui des enthousiasmes et des pertes de raison. Mais oui, maestro, un soir d’hiver, ce fut la canicule. On se serait cru dans les travées du stade Santiago Bernabeu quand l’ailier gauche du Barça envoie un Scud au fond de la cage du goal du Real. Presque une émeute !
Et oui, Antonio, quand tu es venu pour la première fois… Excuse, tu vois, tu m’as déjà écouté depuis une minute et tu n’as pas montré le moindre signe de contrariété ou de lassitude. C’est peut être ça qui m’a donné le feu vert pour te tutoyer. J’ai même presque l’impression déjà de faire partie de ta famille. Ou de tes proches, tout au moins. Et puisque tu ne fronces pas encore les sourcils, je vais même t’appeler Tono. Comme tous ceux qui t’ont entouré depuis que tu étais môme. Voilà, c’est réglé, c’est bon, je continue.
Quand tu es venu pour la première fois donc, tu n’avais jamais vu la couleur d’une piste d’arène en France. Et pour cette feria de février à Nîmes, sous ce qu’on a vite appelé la « Bulle », en 1990, tu as réussi un coup de d’exception. Celui de mettre presque la ville à feu et à sang. Déjà, au paseo, on a cru que tu n’avais pas eu le temps de trouver le sèche-cheveux dans la salle de bains de ton hôtel. A côté de moi, un vieil aficionado que je connais bien, a même dit : « C’est pas possible, ce Chamaco, je l’avais encore jamais vu, mais il me semble qu’il se peigne avec un bâton de dynamite ». Mais ce n’était qu’un début.
Sous la lumière des projecteurs, tu ressemblais davantage au batteur d’un groupe rock qu’à un hidalgo surveillant sa démarche et la noblesse de son port de tête. Tu aurais roulé un joint avant d’aller saluer le président de la course que ça n’aurait pas étonné grand monde ce soir-là. Mais peu importe, l’essentiel n’est pas là. Il est dans ce que toi, Tono, tu as fait devant les novillos. Tu as déchaîné les passions. Ni plus, ni moins. Tu as transformé cette « bulle » en cocotte-minute et, sur les gradins, personne n’a pu rester assis bien longtemps. Ce n’étaient plus des faenas que tu inventais, c’était un tremblement de terre que tu provoquais, mais personne n’avait envie d’aller aux abris. Il y en a même qui s’engueulaient comme des poissonnières pendant que tu faisais une vuelta. Un séisme, je te dis. D’ailleurs, ce que tu ne sais pas, c’est que tard dans la nuit, dans les rues, on ne parlait que de « Chamaco », on ne buvait que du « Chamaco ». A la sortie des arènes, j’ai même vu un monsieur, un avocat respecté dans Nîmes, parka en mains essayer de t’imiter, en dessinant deux ou trois passes, devant des passants ahuris, complices, hurlant ton nom aussi, face à un toro imaginaire. Il s’est taillé un beau succès aussi. Remarque, il a raison, les toros imaginaires, ce sont ceux qui sont le plus nobles. En rentrant chez moi, tous ceux que je doublais ou qui me dépassaient évoquaient tes faenas, ta dégaine singulière, ta façon d’aller citer les toros, de te déplacer, de lier les séries de muleta, de provoquer les charges, de bousculer les codes. On aime bien çà aussi. Une histoire commençait.
Je crois que tu as dû venir ici pour une vingtaine de paseos, et chaque fois, la même attente. Celle d’être surpris ou enthousiasmé, irrité aussi pour certains qui auraient voulu qu’on leur récite toujours la même rengaine. Mais toi, Tono, quand ta famille t’a envoyé poursuivre une partie de tes études dans un collège anglais, ça a dû rapidement te gonfler, et tu as vite manqué d’air et de soleil. Devant les toros, c’était pareil. Il te fallait désobéir à la discipline, te moquer des règles trop strictes, et faire voler en éclats les frontières. De cette première novillada d’hiver, en 1990, à celle qui, deux ans plus tard a été sur la dernière ligne droite avant l’alternative, tu as fait, ici, l’objet de tous les qualificatifs. Baroque, punk, rococo, tonitruant, volcanique, vibrant, impétueux, survolté, insolent, rebelle et incontrôlable.
Un de mes copains, qui allait à ce moment-là au moins cinquante fois aux arènes par an, m’avait un jour avoué : « Lui, c’est le seul pour qui je suis prêt à casser ma tirelire, remplir un dossier pour obtenir un emprunt, à ne pas me présenter à mon travail et à faire du stop toute une nuit devant le poste de péage d’une autoroute pour aller le voir se mettre devant deux toros pour enchaîner trois séries de muleta. » Je le comprends car il faut bien dire que pendant ces deux premières temporadas, tu nous as réservé un sacré spectacle ! Oh, tu n’étais pas le seul, bien sûr, il y avait Finito de Córdoba, Denis Loré, Sánchez Mejías, Manuel Caballero, Antonio Manuel Punta, Erick Cortes et tant d’autres. L’époque bénie de la novillada, diraient les nostalgiques qui voudraient toujours que l’avant soit plus flamboyant que l’aujourd’hui. Difficile de leur tenir tête pourtant car, ces années-là, toi et tes copains, c’est la fête et l’ivresse que vous avez déversées. Rends-toi compte, c’est des torrents de jouissance que vous avez lâchés. En ouvrant toutes les vannes et les portes des écluses. Crois-moi, quand tu prenais ta muleta, toi encore presque un gamin n’ayant encore connu, mais je me trompe peut-être, que des plaisirs nocturnes solitaires dans des draps difficilement épargnés par ta fougue, sur les gradins des arènes, personne ne s’attardait plus sur le décolleté opulent et charnu ni la chute de reins accueillante de sa voisine, ni, pour d’autres, sur le jean délicieusement moulant et prometteur de son amoureux d’un soir.
Car Tono, immobile au centre de la piste, tu étais un aimant.
Antonio, impossible de s’adresser à toi, de savoir que des images défilent aussi dans ta tête, sans se souvenir de tes combats aux côtés de Jesulín. Et de cette matinée où, en mano a mano, vous avez mis tous les deux la ville sens dessus dessous. En coupant des wagons d’oreilles et de queues. Ce jour-là, le soleil de juin brillait comme il l’a rarement fait et pour vous voir ensemble, Nîmes s’était levée plus tôt, peut-être avec le mal de crâne d’ailleurs, mais s’était rasée de frais et parfumée comme pour aller à un rendez-vous tendre et coquin. Sur le chemin des arènes, il y avait à la fois des odeurs de croissants chauds et d’eau de Cologne. Ce serait à vérifier, mais je crois savoir que bien avant l’heure du paseo plus aucun billet n’était à la vente. Pour retrouver une telle folie, un matin de feria, il faudra attendre José Tomas. Mais plus de 20 ans après…Tu sais, pour te montrer que le phénomène Chamaco n’est pas une invention, je te signale que les deux premières années où tu es venu toréer, six fois, en 90, puis en 91, tu t’es glissé dans un costume de lumière. C’est pas rien, non ? Bien sûr, ça n’a rien à voir avec les vingt-quatre paseos que ton cher papa a fait, en une seule temporada, à Barcelone, mais quand même …
En parlant de costume de lumière, il faut que je te dise aussi que tu n’es pas passé inaperçu. Un pote que je vois de temps en temps s’amuse à trouver une couleur pour chaque torero qu’il voit dans l’arène. Sachant que j’allais te voir aujourd’hui, je l’ai eu au téléphone et je lui ai demandé les souvenirs qu’il avait de ceux que tu as portés à Nîmes. Il m’en a évoqué un, tout bleu mais très légèrement soutaché de blanc, et l’a définit comme ’’ciel de printemps sur l’embouchure du rio Tinto’’, un autre d’un rose pâle. Celui-là, c’était ‘’peau de nouveau-né encore en couveuse’’. Puis celui de ton alternative, bien sûr. Je sais, Tono, que tu l’avais commandé à Christian Lacroix pour ce fameux jour du 6 juin 1992. Nîmes était en ébullition, partout on entendait ce fameux cri de ’’Chamaaaaaaacooo’’ qui a accompagné toutes tes venues ici et rythmé tes faenas. C’était presque un hymne, un chant de ralliement pour tous ceux, petits et grands, que tu avais fait vibrer. L’habit que Christian Lacroix t’a dessiné pour cette cérémonie, entouré de Paco Ojeda et de Fernando Cepeda, était absolument incroyable. Comme une armature sur un fond blanc. Mon pote avait eu l’idée de l’appeler ‘’ Cotte de mailles calcinée de Chevalier de la Table ronde, sur tapis de neige’’. Tu vois, ici, on est un peu fou aussi. D’ailleurs lui, un jour il m’a confié, en plaisantant je crois, que si par hasard, à l’avenir, il n’avait pas assez de fric pour se payer une bonne place aux arènes ou si ses jambes ne le portaient plus pour grimper dans les gradins, trois-quarts d’heure avant le paseo, il irait dans le hall des hôtels où descendent les toreros, uniquement pour voir comment est leur costume.
En parlant de fous sympathiques, Maestro, je ne peux pas oublier le geste irréel d’un bande de joyeux drilles, qui, pour te rendre hommage, on eu l’idée la plus insensée. Donner ton nom à une rue ! Mais pas n’importe où. A l’angle du bar Le 421 ! Tu te souviens de l’ambiance, quand tu es arrivé et que tu as vu la plaque ? Officiellement, et depuis longtemps, cette petite rue étroite du cœur de l’Ecusson s’appelle ‘’rue des Patins’’. Je ne sais pas trop pourquoi d’ailleurs. Je ne suis pas sûr que ce soit pour honorer un Nîmois champion olympique de patinage artistique, ou la performance d’un athlète du quartier ayant réussi en compétition internationale un triple axel ou une quadruple boucle piquée !
Rue des Patins ? Un drôle de nom, même si je sais parfaitement que les soirs de feria ou de 14 juillet, ils s’en roulent beaucoup dans ce coin, jusqu’au matin et au passage des véhicules de nettoyage. Mais bon, Il n’empêche que pour marquer à jamais ta faena de ce matin du 22 septembre 1990, ces infatigables fêtards aficionados sont allés jusqu‘au bout de leur envie. Te dire merci et bravo à leur manière. Et une plaque ‘’Calle Chamaco’’ a été scellée. Elle est toujours en place et si tu as deux minutes, je te conseille d’aller la revoir. Elle va te rappeler un grand moment, celle de l’un de tes triomphes mémorables dans nos arènes.
Ce matin-là, samedi de la feria des Vendanges, tu partageais l’affiche avec Manuel Caballero et Finito de Cordoba. Le dernier novillo de Jandilla, immédiatement tu l’avais trouvé à ton goût. Juste ce qu’il faut de mobilité et de race pour que tu lui réserves une faena d’un autre monde. Et là, Tono, tu n’as pas raté le coche. Debout ou à genoux, de face ou de dos, tu as livré l’un des plus impressionnants récitals de ta carrière. Avec deux oreilles et la queue pour récompense obligée et des clameurs qui ont du s’entendre au moins jusqu’à Huelva et peut-être au-delà. Dans la Calle Chamaco, ce fut du délire. Pense donc, des noceurs qui ont la passion des toros et qui, pour se rafraîchir ont depuis des lustres perdu l’habitude de consommer de l’Antésite ou du lait grenadine, parviennent à faire venir ‘’leur’’ torero, pour dévoiler la plaque d’une rue, c’était l’apoplexie garantie.
Tu venais d’avoir 18 ans et tu ne mettais jamais de l’ordre à tes cheveux.
Et te revoilà, maestro. Parmi nous. Imagine notre émotion. Imagine l’honneur qu’à tous tu nous fais. Imagine qu’ici tu as fait chavirer la ville et qu’elle t’a sacré matador. Imagine… Tiens, je vais te dire un truc. Quand tu es venu, dès la première fois, pour nous, ici, tu as foutu un vrai bordel, c’est sûr, mais tu as surtout tiré un coup de canon dans l’ordre des saisons établi depuis la nuit des temps. Toi, c’était le printemps toute l’année. Mais pas un printemps docile, attendu et apprivoisé. Tono, tu as été un printemps où tout se fissurait de toutes parts. Comme si, sur une terre un peu sèche, la sève montait dans les tiges et dans les troncs. Et que toutes les plantes et tous les arbres, faisaient exploser la croûte et trouvaient leur chemin entre les crevasses. C’était toi, « Chamaco », l’enfant du Sud, avec ton exubérance et ton insolence, ta superbe et ta luxuriance, venu nous sidérer. Pour nous emporter ailleurs, loin. Là où les enfants désignent d’entrée leur héros. Eux, ils ne se trompent jamais.
Roland Massabuau
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(Photos Chamaco : Daniel Chicot – Photo soirée Jésuites : Ville de Nîmes)