A l’annonce des cartels d’Istres la semaine dernière, si concernant la novillada de la feria de juin le nom de Pérez n’a pas surpris pour Vincent, le jeune novillero local, il n’en a pas été tout à fait de même pour un autre Pérez, Cristian, moins connu des aficionados, même s’il n’est pas tout à fait là par hasard.

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En effet, vainqueur du Bolsín de Nîmes Métropole en 2016, mais aussi de celui de Zamora, Cristian a quelques atouts dans ses mains. Mais alors qu’il pensait une fois être passé en piquée que les choses iraient aller de l’avant grâce à plusieurs courses où il s’était bien comporté,  il n’a pas hélas tardé à se retrouver sur le carreau. Avec une grève de la faim à la clé, la réaction de celui qui se sent blessé dans son amour propre et victime d’une injustice qui au fond, l’a incité encore plus à se battre. Récit…

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« Je suis né à Hellín, dans la province d’Albacete, et il n’y avait pas d’antécédents taurins dans ma famille. Mon grand-père aimait beaucoup les toros, j’allais aux corridas avec lui à Hellín, et bien sûr, on regardait aussi les retransmissions télévisées. J’étais très impressionné par ce que les toreros étaient capables de faire et quand j’ai eu une dizaine d’années, je me suis fait inscrire à l’école taurine de ma ville. C’est ce qui m’a donné l’idée d’y aller, même si pour moi, ce n’était pas encore très sérieux. En fait, je jouais au toro ! Quand je suis entré, les responsables étaient Manolo Martínez, un ancien novillero et banderillero qui à présent fait fonction de mozo de espadas quand je torée en public, et Sergio Martínez, un ancien matador qui actuellement est entré à l’école taurine d’Albacete. J’y suis resté jusqu’à environ seize ans, quand le maestro Sergio Martínez, voyant comme j’évoluais, m’a dit que je devrais partir à Albacete.

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En fait, quand j’y suis allé, je faisais tous les jours le trajet de 60 km en autobus aller-retour jusqu’à Hellín où je vivais encore ! A Albacete, les dirigeants étaient Sebastián Cortés et Antonio Rojas. J’ai surtout toréé des classes pratiques, puis l’année suivante, j’ai débuté en non piquée en habit de lumières à Albacete où j’ai surpris tout le monde ! J’ai pinché à mon premier, ce qui m’a fait perdre les oreilles, mais j’ai ensuite coupé les deux de mon second. J’ai été déclaré meilleur novillero et l’année suivante, je suis allé à Séville, Málaga, Salamanca… J’ai eu la chance de connaitre le maestro Dámaso González, j’allais m’entrainer parfois chez lui, je me suis lié d’amitié avec son fils, ma relation avec cette famille très respectée sur Albacete me permettant ainsi de faire pas mal de campo, et mon évolution a été encore plus rapide…

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A la fin de 2016, quand j’ai débuté avec picadors, j’ai été triomphateur de la novillada, et l’année suivante, à peine quelques jours avant, ils m’ont dit que je n’entrerais pas à la feria ! Ils ne m’ont pas vraiment expliqué pourquoi, sinon en me disant seulement qu’il y avait beaucoup de novilleros et qu’il ne pouvait pas y avoir de place pour tout le monde !

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Si j’ai fait la grève de la faim qui a suivi, c’était parce que je pensais que dans ce monde il y a beaucoup trop d’injustice et que le plus souvent, on a peur de le dire ! Je l’ai faite parce que je pensais mériter un poste à cette feria, et que si ce n’était pas eux qui me le donnaient, qui ça pouvait bien être ?

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L’aficion locale m’a beaucoup soutenu, je dormais devant les arènes, et parmi les responsables, la première personne qui est venue me rencontrer a été Manuel Caballero qui m’a dit qu’il ferait tout son possible pour arranger cette situation. Il y a eu aussi Manuel Amador, puis surtout Luisma Lozano, de la famille des gérants de la plaza, l’actuel apoderado du Juli après avoir longtemps été celui de Sébastien Castella. Il m’a promis qu’il me donnerait plusieurs tentaderos pour me préparer et qu’il me mettrait à la prochaine feria d’Albacete… J’ai confiance en eux, je pense qu’ils vont tenir leurs promesses et que les choses vont donc s’arranger cette année…

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En ce qui concerne le Bolsín de Nîmes Métropole, je me suis inscrit auprès de Gilles Raoux par l’intermédiaire du banderillero Merenciano. Et comme il manquait un novillero car il y en avait un qui s’était retiré, ils m’ont appelé quelques jours avant. Finalement, ce novillero est quand-même venu toréer, mais ils m’ont tout de même maintenu dans la liste !

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J’avais une course la veille et nous avons roulé toute la nuit avec mon frère et au final, la tienta de sélection s’est bien passée. Ensuite, la finale reste un grand souvenir pour moi puisque j’ai été déclaré triomphateur après avoir coupé une oreille à mon premier puis obtenu les deux oreilles et le rabo symboliques pour avoir indulté le novillo « Hablador », des frères Jalabert.

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Ce succès ne m’a pas vraiment aidé, mais j’ai eu la chance qu’il me permette toutefois de rencontrer des personnes importantes comme Gilles Raoux et Denis Loré, ainsi qu’un couple d’amis qui m’hébergent quand je viens chez vous et qui me traitent comme un fils…Avec notamment l’aide de Denis Loré, je suis très content car je commence à voir la lumière au bout du chemin, et je me dois maintenant de profiter des opportunités qui peuvent m’être données. En Espagne, comme je l’ai déjà évoqué, j’attends de pouvoir aller au campo et je vais me préparer par rapport aux promesses qu’ils m’ont  faites… En vérité, je ne vis que pour les toros au quotidien, je m’entraine beaucoup physiquement et de salon, je fais du fronton avec mes compañeros, je vais toujours chez Dámaso où il y a son fils et en outre, j’ai la chance de pouvoir m’y entrainer aussi avec Paco Ureña quand il vient de Madrid pour voir sa fiancée, qui n’est autre que la fille de… Dámaso González !!! Pouvoir m’entrainer avec lui et profiter de ses conseils est un véritable privilège…Mon style de torero ? Je crois que je suis poderoso, je cherche à imprimer beaucoup de pureté, à manifester le maximum d’entrega et de transmettre aux aficionados. J’ai évolué progressivement et j’essaie d’être meilleur de jour en jour en m’entrainant beaucoup de salon pour progresser encore. Si je devais citer des modèles, ce serait El Juli, Talavante, Paco Ureña et un autre que je trouve excellent… Emilio de Justo !Concernant le bétail, je n’ai pas trop d’idées préconçues, je pense que le bon toro est celui qui recèle de la caste et qui génère de l’émotion, qui est mobile et qui transmet grâce à sa force, sa bravoure et son allant… Bref, celui qui met tout le monde d’accord ! J’aime bien me confronter à des encastes variés…

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Pour le peu que j’y ai toréé, l’ambiance de l’aficion française m’a beaucoup plu, je l’ai trouvée sérieuse, exigeante, mais quand ils voient un torero qui manifeste de la sincérité et de l’entrega, ils réagissent positivement…

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Pour 2018, mon objectif  est d’aller encore plus haut comme personne et comme torero et qu’on m’offre la possibilité de m’exprimer afin de donner une bonne impression pour que les gens parlent de moi ! Et bien entendu, de me positionner dans les premiers novilleros du classement pour envisager d’aller encore plus loin et plus haut !

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Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont appuyé dans les moments difficiles, comme ma famille, mais aussi ma famille française en la personne de Manuel et Edith qui m’hébergent, bien sûr Denis Loré, mais encore Bernard Marsella pour l’importante opportunité qu’il m’a offerte à Istres, ainsi que toutes les personnes qui se sont montrées disposées à me donner un coup de mains, et chez moi, la famille de Dámaso González qui m’accueille comme un fils de plus ! »

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L’avis de Denis Loré

« J’ai  connu Cristian dans le cadre du Bolsín de Nîmes Métropole en 2016 dont j’étais le parrain. Lors des phases de qualification, j’ai décelé chez ce jeune que je ne connaissais pas d’énormes qualités, je l’ai trouvé très « puesto », on aurait dit qu’il était déjà en piquée ! Du coup, j’étais persuadé qu’il irait loi dans cette compétition et en définitive, il l’a remportée en indultant en outre un novillo de Jalabert. Quand je lui ai remis le trophée, je lui ai dit que je pensais que ce serait une bonne publicité pour lui et que ça devrait l’aider pour l’Espagne, notamment pour la personne qui s’occupait de lui. Mais il m’a alors déclaré qu’en fait, il n’avait personne pour d’occuper de lui. Il m’a fait comprendre qu’il aimerait bien que ce soit  moi, mais avec mes diverses occupations, je n’ai pas pu donner suite.  On s’est alors un peu perdu de vue, puis il a insisté à plusieurs reprises et finalement, j’ai fini par accepter de lui donner un coup de mains…

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Quelques mois après le bolsín, il avait débuté avec picadors à Albacete où il avait été bien, mais ça n’a pas eu de suite. Il a eu de bons échos dans la presse, mais l’empresa l’a fait tomber du cartel sans lui donner de raisons seulement deux jours avant. On connait la suite, face à cette injustice, il a réagi par sa grève de la faim, ce qui demande beaucoup de volonté et un certain courage. Et ça, ça m’a beaucoup touché et c’est à partir de là que j’ai commencé à le suivre.

Cristian manifeste beaucoup d’envie, c’est ce qui m’a beaucoup plu en lui, il n’hésite pas à prendre sa voiture pour rouler longtemps afin de se rendre à un tentadero pour sortir de second… Je lui ai dit que j’essaierais de faire quelque chose pour lui et j’ai demandé à mon ami Bernard Marsella qu’il pense à lui dans le cas où il ferait une novillada. Il n’en a pas monté une, mais deux !!! Du coup, Cristian est entré dans le cartel de la feria aux côtés d’Adrien Salenc et du local Vincent Pérez pour affronter les novillos de Virgen María. Bernard avait vu Cristian toréer à Saint-Gilles et il lui avait beaucoup plu. Ce qui l’a en outre touché, c’est cette fameuse grève de la faim qui a prouvé sa détermination à se sortir de l’ornière et tout en la dénonçant, à surpasser une injustice !

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Rien n’était acquis, son succès au bolsín n’a pas eu non plus la répercussion attendue, c’était décourageant et c’est en cela que cet engagement d’Istres représente pour lui un sacré challenge, une cartouche à bien exploiter pour lui ouvrir des portes. On va bien sûr essayer de lui trouver d’autres courses, mais pour l’heure, le point de mire est vraiment centré sur le Palio ! Pour revenir à ses atouts, il faut ajouter que Cristian a beaucoup d’oficio par rapport à ce qu’il a toréé, il fait pas mal de campo et ça lui a permis d’aller de l’avant. J’y crois, son histoire me  plait car la facilité, ça n’a jamais été mon truc ! S’il n’y a rien de concret pour le moment et si Istres constitue sa principale cartouche chez nous, de nombreux contacts ont été pris et j’espère que nous enregistrerons bientôt quelques bonnes nouvelles ! 

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Cristian est parti quelques jours chez lui, mais il va revenir vers la mi-février et à partir de là, on accentuera sa préparation avec un entrainement qui passera aussi par le campo, le but étant évidemment qu’il soit fin prêt lorsque le moment sera venu de se produire en public… »

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Avec cette trajectoire un peu cahotante, mais qui a eu le mérite de le faire sortir quelque part de l’ornière et qui l’a forcément aguerri pour la suite, avec les appuis qui sont les siens et son indéfectible volonté, il ne serait pas étonnant de voir Cristian franchir un pas supplémentaire en 2018. C’est en cela qu’on peut lui souhaiter qu’enfin la chance l’accompagne…

ETA

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Triomphe de Dorian Canton face aux erales de Paco Galache dans une arène bien garnie…

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(Photo : Nicolas Couffignal)

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