Rencontré lors d’un récent passage à Nîmes à l’invitation de sa peña, plus précisément à la ganadería Turquay pour une tienta en compagnie de Solalito, nous avons évoqué le déroulement de sa temporada passée et surtout celui de l’actuelle, contrariée par deux blessures, mais relevée par un beau succès à Las Ventas, une arène qu’il va bientôt retrouver à deux reprises…

Il faut dire que Javier manie bien le paradoxe puisque cette année, alors qu’il n’aura à son actif qu’une dizaine de corridas, la moitié d’entre elles se seront déroulées à Las Ventas ! Une arène où il est déjà allé cette année à trois reprises et qu’il va retrouver encore deux fois sur son chemin courant septembre.

Cinq corridas à Las Ventas alors que pas mal de toreros n’y ont jamais mis les pieds, ou si peu de fois, ce n’est pas rien et seul Alejandro Talavante aura égalé ce chiffre cette année. La différence, c’est toutefois qu’à côté de ça, le nombre de contrats n’est pas le même et qu’y compris chez nous, il lui est encore bien difficile d’entrer dans les cartels. Cette année, si l’on excepte Alès où la corrida de Yonnet a dû être finalement annulée, il n’a pu se produire qu’à Céret le 14 juillet face au Saõ Torcato…

Pour autant, ce jeune maestro continue sa lutte pour avancer, pas à pas, comme il dit, et dans ce domaine, il est évident que ses deux prochains rendez-vous venteños seront déterminants…

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– Si tu es d’accord, on va revenir sur ta saison précédente. Quels en ont été les faits marquants ?

– Sans hésitation, le meilleur pour moi a été le Desafío Ganadero de Las Ventas dont je suis sorti triomphateur et qui m’a permis d’y retourner cette année pour la corrida du Dos de Mayo.

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– Cette année, sans compter les festivals, tu as toréé huit corridas, dont trois à Las Ventas, puis à Teruel, Céret, Santander, Cenicientos et Añover del Tajo… Pour revenir à Madrid, avec une oreille à la clé le 2 mai, mais surtout une certaine reconnaissance de l’aficion, que te reste-t-il de  ces actuations à Las Ventas ?

– Pour le moment, il me reste en septembre une corrida à Riaza et les deux de Madrid. Je ne pense pas aux histoires de groupes, de classements, mes pensées sont surtout tournées vers Las Ventas. Pour revenir en arrière, ma première a été justement celle du 2 mai à Las Ventas où j’ai coupé une oreille, mais où j’ai été aussi sérieusement blessé par un toro de Joselito, cornada à la cuisse gauche. La plupart des gens ne me connaissaient pas et j’ai tout fait pour qu’ils me connaissent un peu mieux. Dans l’ensemble, c’est une aficion qui me soutient, mais elle exige beaucoup de moi, comme il se doit dans la première plaza au monde.

Voir le résumé vidéo de la corrida goyesque du 2 mai en cliquant ICI

– Avec deux blessures, Madrid n’a pas été forcément un bon souvenir, non ? Aujourd’hui, es-tu totalement rétabli ?

– Après la première, je n’étais pas totalement rétabli quand j’ai repris au bout d’un mois environ, car le nerf sciatique était touché. Mais si je n’étais pas à 100%, j’étais tout de même en état pour tenir ma place. Et le 7 juin, pour ma seconde apparition à Las Ventas, j’ai de nouveau été pris au même endroit par un sobrero de José Luis Marca, avec aussi une blessure au poignet qui n’a concerné que les ligaments. Je suis retourné une troisième fois dans la Monumental le 24 juin pour une corrida de Montalvo, où j’ai salué et fait la vuelta, le public demandant l’oreille, sans effet sur le palco.  Mon apoderado, Manolo Campuzano, a alors pu traiter deux autres contrats pour ce mois de septembre, ce qui portera donc à cinq le nombre de mes engagements dans cette arène prestigieuse !

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– Un mot sur tes autres participations, en considérant que tu as perdu la corrida de Yonnet à Alès à cause des intempéries…

– A Teruel, pour la corrida de Los Bayones, j’aurais pu aussi couper, mais le président n’a pas concédé l’oreille. A Céret, où j’étais très content de toréer, j’ai coupé une oreille de poids… A Santander, j’ai coupé une oreille et à l’autre, si je n’avais pas pinché, je sortais a hombros. A Cenicientos, la corrida de Peñajara est mal sortie et m’a laissé sans options. Enfin, à Añover del Tajo, j’ai coupé trois oreilles aux toros d’Alcurrucén…

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– Si l’on considère l’ensemble de ta temporada jusqu’à ce jour, et malgré les deux blessures subies, on peut dire qu’elle a été plutôt positive, non ?

– Oui, d’abord parce que par rapport à l’année précédente où je n’avais toréé que trois corridas de toros, j’ai beaucoup plus toréé, puisque j’en suis à onze en comptant les trois à venir. Mais le plus important, c’est bien comment je me suis comporté devant le toro. Je pense que les aficionados l’ont vu, ainsi que les empresas.

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– Dans quelques jours, tu vas retourner à deux reprises à Las Ventas, ce qui va constituer un record pour 2018 avec cinq paseos dans cette arène… On évoquera après tes deux cartels, mais franchement, tu as postulé au tirage au sort pour l’Otoño ?

– Mon apoderado a demandé que j’y participe, mais on nous a dit que c’était compliqué car l’empresa avait pas mal de demandes. Je n’ai donc pas pu entrer dans cette feria, mais j’ai tout de même la perspective de deux corridas importantes, le 23 septembre pour le troisième défi ganadero, face aux toros de Palha et de Pallarés, puis le 12 octobre, Día de la Hispanidad, qui correspond à la clôture de la temporada à Las Ventas, avec une corrida de Partido de Resina. Ce sont deux rendez-vous importants, sérieux, et j’espère bien entendu y triompher…

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– As-tu un élevage ou un encaste de prédilection ?

– Cette année, j’ai tué des corridas correspondant à tous les types d’encastes, que ce soit du Domecq, comme du Santa Coloma, Pinto Barreiros… Il me reste à tuer des Palha, Pallarés, et ces deux fers me plaisent. Mais ce sont des « toros de Madrid » ! Puis l’élevage emblématique de Pablo Romero, aujourd’hui Partido de Resina, un autre challenge intéressant… De toute façon, d’une ganadería réputée bonne, il peut te sortir un mauvais toro, comme il peut t’en sortir un bon d’un élevage moins coté ! Concernant mon toreo, je crois avoir encore pas mal de choses à améliorer et je m’y emploie au quotidien.  Mais à présent, je pense être un torero qui a du poder et un concept très pur du toreo, en tombant la main et en étant encajado, et en imprimant si possible, quand c’est possible, une gestuelle artistique… Par aiileurs, je crois que je suis un torero qui peut affronter tout type de toros, mais je ne veux pas être enfermé dans une catégorie particulière.

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– J’ai évoqué le soutien de ta peña… Est-ce que tu te sens bien soutenu ?

– Oui, ici, en France, je me sens comme chez moi. Malheureusement, il n’y a pas chez moi autant d’aficion et d’être ici avec ce groupe d’aficionados avec qui j’ai tissé des liens d’amitié et qui me soutiennent, notamment pour ma préparation au campo, c’est primordial pour moi. Si on regarde bien, j’ai toréé très peu chez vous, et il est évident que j’aimerais entrer dans toutes les ferias et arènes importantes du circuit français. J’ai l’impression que paradoxalement, les gens croient que j’ai toréé en France plus que ce que je ne l’ai fait en réalité ! Je pense, par ma lutte et mes efforts, avoir mérité à présent d’être davantage engagé chez vous…

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– En définitive, par rapport à tes objectifs de début de saison, peux-tu dire qu’ils ont été atteints ?

– Tout est compliqué dans la mesure où la tauromachie ne se trouve pas dans un bon moment. Preuve en est que malgré ce que j’ai glané à Madrid, il m’est toujours difficile de toréer dans mon pays en dehors de la capitale. Avec ces deux contrats à Las Ventas, j’espère améliorer encore ma condition, mais l’heure est davantage à penser au présent plutôt qu’au futur ! Ce que je constate, c’est que pendant trois ans, je n’ai pas pu porter une seule fois le costume de lumières car je n’en ai eu aucune opportunité. Mais j’ai continué à avoir confiance en moi, à m’entrainer tous les jours et maintenant, le contexte est différent car j’ai des courses devant moi. Peu à peu, j’ai avancé. D’autres compañeros avancent plus vite, moi c’est petit à petit, et ça me plait beaucoup. En conclusion, j’aimerais que les gens qui vont lire cette entrevista sachent que quand ils iront aux arènes voir Javier Cortés, ils verront quelque chose de différent dont ils se souviendront longtemps…

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Suerte, Javier, que cette fin de temporada te soit favorable…

(Photos de Las Ventas : Plaza 1)