Cuando un amigo se va… « Ab imo pectore »…
Il habitait en France, au numéro 6 de la rue des Marronniers à Saint-Avold dans le département de la Moselle.
Il s’appelait Dominique.
C’était notre voisin du 6.
Il y habitait depuis 52 ans.
Un amigo del barrio nuestro.
A la saison veraniega, il s’asseyait au soleil de sa terrasse.
A la mauvaise saison, je ne sais pas ce qu’il faisait.
Plus jeune, Dominique s’était marié avec Marie-France.
Et exerçait le métier de menuisier-ébéniste.
Un amigo en mode simple.
Dominique avait près de quatre-vingt-dix ans.
Dominique était né au Piémont et, tout jeune, était venu en Moselle avec ses parents.
Pendant la dernière guerre, Dominique avait servi dans les FTP.
Il avait été arrêté et envoyé dans un camp en Silésie.
Un amigo en mode de lutte.
Dominique avait commencé à exercer le métier de menuisier-ébéniste à 14 ans, avait rencontré Marie-France le dimanche de Pentecôte de l’année 1940 à Cocheren et l’avait épousée en 1949.
Marie-France ne travaillait pas et faisait des gâteaux.
Marie France était morte, Dominique n’exerçait plus le métier de menuisier-ébéniste et n’allait plus à Cocheren.
Un amigo en mode sombre.
Dominique avait quatre frères et deux sœurs.
Trois de ses frères étaient morts.
Et une de ses sœurs aussi.
Dominique avait un fils de 67 ans qui vivait à Saint Avold et venait occasionnellement le voir.
Un amigo sans amis.
Dominique était mince et avait les yeux bleus ; il était très beau, très élégant et parlait le français avec douceur.
Il savait la langue allemande, la lisait et l’écrivait.
Il savait la langue italienne, la lisait et l’écrivait.
Il savait la langue platt, la langue qu’on parle Moselle -Est, celle que parlait Charlemagne.
Un amigo d’un ordre ancien.
Dominique marchait lentement.
Dominique se levait.
Et se couchait tôt.
Il faisait les choses doucement.
Un amigo con temple.
Dominique avait un jardin.
Quand Marie-France était encore en vie, ils y entretenaient 232 variétés de fleurs et avaient gagné le concours du plus beau jardin de Moselle en 1974.
Dominique avait encore un jardin.
Le même.
Un amigo qui aurait aimé les coquelicots de Benalup.
Il faisait pousser des légumes et nous donnait des salades.
Le matin, des mésanges s’invitaient dans son jardin.
Et dans son mirabellier, le soir un rossignol chantait.
Il faisait aussi éclore des roses dont il nous offrait les plus belles.
Un amigo qui aurait aimé la primavera.
Souvent, je rendais visite à Dominique ; dans la maison de Dominique, tout était propre et bien rangé.
Pas de poussière sur le sol, sur l’écran de télé ou sur les objets vieillots qui ornaient les étagères du salon.
Chez lui, on buvait une bière ou un petit verre de whisky canadien.
Chez lui, je ne fumais pas ; Dominique ne fumait jamais.
Un amigo formal.
Le dimanche, j’apportais un millefeuille à Dominique.
Et quand nous revenions de voyage, nous lui ramenions un souvenir.
Je lui avais fait cadeau d’un cigalon en porcelaine et d’un encadrement de la vierge du Rocío.
Dominique accrocha l’insecte à la grille du portail et la sainte au mur de sa chambre.
Un amigo qui connaissait le sens d’un brindis.
Quand je m’en allais pour rentrer au 8 rue des Marronniers, sur la table de sa cuisine, le repas de midi attendait.
Avant de partir, sur le pas de porte on s’embrassait en se disant : « A bientôt ».
Il habitait en France au 6 de la rue des Marronniers à Saint-Avold dans le département de la Moselle.
Et il s’appelait Dominique.
C’était notre voisin du 6.
Je n’ai jamais dit à Dominique que j’aimais voir tuer des toros dans des arènes de soleil.
Un matin d’avril 2013, un jour de farolillos.
Al amanecer.
Dominique est mort.
C’est Germain qui m’en avait informé.
Patrice Quiot