Partir…

 

“Quand on aime il faut partir.”

Blaise Cendrars.

 

 

Qu’il est doux de partir un matin d’été.

 

 

 

La route défile.

 

Et comme autant de passes, les paysages aussi.

 

 

 

Des lignes droites.

 

Longues et belles comme une arrancada.

 

 

 

Des virages.

 

Ronds et gracieux comme une naturelle.

 

 

 

A l’Est, le ciel bleu.

 

L’acier de la Ruhr, Moscou en flammes, les loups de Sibérie et, au-delà, la Chine des mandarins cruels et des gamines aux pieds bandés.

 

 

 

A l’Ouest, l’Atlantique de Colomb.

 

Et l’Amérique de Buffalo Bill.

 

 

 

A l’horizon du Nord, la Scandinavie des poupées blondes.

 

Et les pingouins noirs de l’Arctique.

 

 

 

Et au Sud, Cervantès, les moulins de la Manche, les pêcheurs de thon de Barbate.

 

L’Algérie de mes origines et l’Afrique des colonies.

 

 

 

Les arbres du bord de la route.

 

Sont des amis qui me saluent depuis leur burladero d’écorce.

 

 

 

Je donne mon afecto aux platanes.

 

Et mon cariño aux chênes.

 

 

 

Je traverse des ponts.

 

Sous lesquels coulent des rivières.

 

 

 

J’essaye de trouver.

 

D’où elles viennent et où elles vont.

 

 

 

J’aime

 

Leur errance éternelle.

 

 

 

Je traverse des villages.

 

Et lieux dits aux noms insolites.

 

 

 

Certains.

 

Pourraient être ceux portés par des toros.

 

 

 

Le café bu dans un bar de campagne.

 

A le goût de la liberté.

 

 

 

Comme les vagabonds de Gorki ou de Mirbeau.

 

Je vais seul et je suis bien.

 

 

 

Les cigarettes.

 

M’irritent la gorge mais je m’en moque.

 

 

 

J’aime l’acre.

 

De leur fumée.

 

 

 

Je pense aux amis.

 

Que plus tard je verrai.

 

 

 

Je pense au peu que j’ai réussi.

 

Et au beaucoup que j’ai manqué.

 

 

 

Je pense aux quelques faenas.

 

Qui me restent à faire.

 

 

 

Et qui maintenant tiennent.

 

Dans l’aune d’une demi-page d’un cahier d’écolier.

 

 

 

Je sais que bientôt j’arriverai.

 

Dans une ville aux couleurs de fête.

 

 

 

Je sais que dans la chambre de l’hôtel.

 

Aux volets fermés de fraîcheur je rangerai mes affaires.

 

 

 

Avec la même attention.

 

Que celle du mozo préparant la chaise.

 

 

 

Et puis, douché.

 

Rasé de frais, parfumé d’élégance.

 

 

 

Je sais que je sortirai.

 

Pour respirer l’air à l’odeur unique d’une ville en féria.

 

 

 

J’irai solitaire par des rues.

 

De soleil et d’ombre en caressant les murs.

 

 

 

Cette géographie de la dérive.

 

Me mènera aux arènes où tout bientôt commencera.

 

 

 

Sachant que lorsque.

 

Là, tout sera fini je repartirai autre part.

 

 

 

De la même façon.

 

Pour une autre aventure.

 

 

 

Rêve d’un ainsi.

 

Que j’aurais aimé être celui de ma vie.

 

 

 

Qu’il est doux de partir un matin d’été.

 

 

 

Patrice Quiot