Statique de toda la vida…

 

 

Marcher me porte peine.

 

Grimper sur une échelle m’est difficile.

 

Une côte pentue m’exténue.

 

Et courir une activité dont je ne connais que le nom.

 

 

 

Je vais lentement.

 

Je mange et bois lentement.

 

Je lis et écris de même.

 

Et réfléchis encore plus de même.

 

 

 

J’ignore la rapidité.

 

Cette composante qui en ennuierait beaucoup, m’enchante.

 

Dans la mesure où elle m’oblige à faire peu.

 

Et ce peu avec lenteur au rythme indolent que conseillait Álvaro Domecq Díez.

 

 

 

Je suis condamné à demeurer.

 

Sans trop bouger.

 

Et, si possible.

 

Sans bouger du tout.

 

 

 

Je suis un

 

Statique.

 

Un statique.

 

Alangui.

 

 

 

Un effet d’évanescence.

 

Un Balthus qui prendrait son temps.

 

Un Maigret.

 

Al ralenti.

 

 

 

Une sorte.

 

De koala.

 

De lémurien.

 

D’échidné de l’espèce humaine.

 

 

 

Je suis une antithèse.

 

De l’à coup.

 

Qui observe la vie, le monde.

 

Et le toreo avec langueur.

 

 

 

J’arrive aux arènes bien avant l’heure.

 

Et n’en sors bien après la mort du sixième.

 

Assis je me tiens.

 

Et me lève rarement.

 

 

 

L’immobilité.

 

Me sied.

 

Le feu rouge.

 

Me convient.

 

 

 

J’abomine l’aficionado qui gesticule.

 

Celui qui a la hâte du commentaire.

 

Pressé de se faire une opinion.

 

Et plus encore de la partager.

 

 

 

Les capotazos frénétiques me fatiguent.

 

Les piques exaltées m’insupportent.

 

La célérité du tercio de banderilles m’accable.

 

De sa véloce inanité.

 

 

 

Je condamne le brindis en agitation de bras.

 

Au centre de la piste.

 

Et soixante muletazos hâtifs.

 

Qui ne seront jamais le triple de vingt apaisés.

 

 

 

Je prohibe un ayudado sans attendrissement.

 

Ou une passe de poitrine sans respiration.

 

Et se profiler avec impatience.

 

Relève de la correctionnelle.

 

 

 

Tuer dans la précipitation.

 

Mérite les assises.

 

Le tour de piste au petit trot m’éreinte.

 

Et l’oreille secouée me pèse.

 

 

 

Je défends un capoteo comme une longue sieste.

 

Un puyazo comme un attouchement.

 

Un quiebro comme un baiser.

 

Un muleteo comme un beau sommeil.

 

 

 

Une mise à mort comme une lettre d’amour.

 

Et un triomphe comme la page tranquille d’un roman.

 

La pause et le soupir.

 

Sont ma musique.

 

 

 

Le point.

 

Clôturant la phrase.

 

Est.

 

Ma satisfaction.

 

 

 

J’aime l’arrêté des matins.

 

Le silence immobile de la nuit.

 

L’odeur figée d’une pluie de printemps.

 

Et les murs pétrifiés.

 

 

 

Je milite pour la douceur apaisante.

 

De la déambulation.

 

Et le calme d’une chambre.

 

Où rien ne bouge.

 

 

 

Je suis un Don Tancredo.du quotidien.

 

Je suis un statique de toda la vida.

 Patrice Quiot