Es la hora…
Au petit matin.
Des condamnés à la Veuve.
Mon bureau me regarde.
Ami et échafaud à la fois.
C’est mon champ de lice domestique.
Mon ruedo de circonstance.
Où lié sur la bascule du doute.
La main dans la lunette de la peur.
Encore tremblant de la torture du sommeil.
Compulsivement.
Je m’essaye.
A y faire des gammes au vent de l’amanecer.
Tapie dans le noir de sa violence enfermée.
Tapant sur la porte de mes tempes.
L’écriture m’y attend.
Immense.
Secrète.
Et noire.
Quel que soit son encaste.
Cunéiforme de la Basse Mésopotamie, hiéroglyphique de la pierre de Rosette.
Scripte ou cursive.
Solennelle comme les bois de justice.
Ses cornes
Comme un couperet.
Depuis longtemps.
Et pour toujours.
Elle me tourmente.
Du « Je vais présenter au monde/ Celui qui a tout vu
Connu la terre entière/ Pénétré toutes choses
Et partout exploré/ Tout ce qui est caché », premiers vers de l’épopée de Gilgamesh née il y a 4 500 ans au bord de l’Euphrate.
Au «Lolita, lumière de ma vie,
Feu de mes reins »
Incipit du «Lolita» de Nabokov.
En passant par le « Quand la caissière lui eut rendu
La monnaie de sa pièce de cent sous,
Georges Duroy sortit du restaurant. », première phrase de «Bel Ami».
Et me terrifie dès son entrée en piste.
Par la grâce.
De sa force brute.
Qui pousse.
Dans le cheval efflanqué.
De mes certitudes.
Qui serre.
Dans ma muleta accrochée.
Por dentro de la raison.
Et qui me tire.
Des hachazos.
Quand ma main veut la dompter.
C’est un fauve plein de fureur dévastatrice.
Qui fait que lorsqu’elle est là.
Plus rien n’existe.
Mais que je chéris.
Et respecte.
Tout en voulant l’asservir.
Alors chaque matin pour le faire.
Je deviens enfileur de mots.
Scribouillard, barbouilleur.
Brodeur.
Écrivassier.
Placeur de clichés ou graffignoux.
Rêvant comme un vieux secundón.
D’ouvrir la Puerta Grande.
De la NRF.
Et qui.
Sur un tapis de fleurs.
D’adjectifs galvaudés, de phrases en guimauve et de sentiments de quincaille.
Un pasito en avant
Deux atrás.
Force la belle dans le coin des mots.
Et au centre de la piste.
Loin du burladero.
De la convenance.
Comme un soudard.
Converti en torero.
Trousserait une bergère.
Fol amoureux d’elle.
Sans honte aucune.
En abuse.
Mais « La colère de Dieu se révèle du ciel
Contre toute impiété et toute injustice des hommes qui retiennent injustement la vérité captive ».
Dit la Bible (Romains 1:18).
Et « Est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, sans excuse légitime, est nu dans un endroit public ou est nu et exposé à la vue du public. »
Dit l’article 14 du Code Criminel.
Au petit matin.
Des condamnés à la Veuve.
Mon bureau me regarde.
Et je sais qu’un jour, assis à ma place.
Les Sanson, Desfourneaux, Deibler et autres «Messieurs de Paris» du texte.
Me pasaran factura de cette récurrente amoralité langagière et matutinale.
Quand me présentant le verre de rhum et la dernière cigarette.
Tous à l’unisson me diront.
«Es la hora »…
Patrice Quiot