Présence française à la « México » : Nimeño II, Varin, Milian, Loré…

 

Les mariachis ont rangé leurs trompettes, les hommes de piste ont balayé les confettis et les « olés de la México » se sont tus. La commémoration du 79ème anniversaire de l’inauguration de la Monumental de Mexico terminée, un bref historique sur la présence des toreros français à la Mexico s’impose.

 

Le premier à y avoir confirmé l’alternative au Mexique est Christian Montcouquiol « Nimeño II», le 28 janvier 1979. C’est face à « Visitante » N° 60 de la ganadería de Tequisquiapan que Manolo Martinez (en présence de Dámaso González) lui cède les trastos.

Christian se montre discret et sans chaleur cape en mains. Il ne peut guère briller à la muleta car l’animal baisse de ton. Ce sera mieux avec son second rebaptisé « Buen Pastor » à cause de la visite papale au Mexique en même temps que cette corrida. Bien toréé et supérieurement banderillé, vaillant et adroit avec la muleta, Christian donne un tour de piste fêté. Manolo Chopera dira plus tard : « Nimeño a saisi ce qui plait ici et, est bien entré dans la mentalité du pays ».

Il y fera le paseo à 8 reprises.

 

Il faudra attendre 12 ans pour revoir un français valider son alternative. Patrick Varin (qui n’a jamais confirmé à Madrid) habillé de vert bouteille et or est à l’affiche le 29 décembre 1991 en compagnie du matador Cruz Flores et des rejoneadores Don Pedro Louceiro et Rodrigo Santos. Les forcados de Mexico et de Queretaro accompagnent le lyonnais dans ce cartel original. Varin en mal de contrats en Europe s’exile en Amérique. C’est avec l’aide du président des arènes de Mexico (Juez de plaza) et ami des Nimeño, Heriberto Lanfranchi, qu’il saisit l’opportunité de ratifier son alternative palavasienne. 35 ans après, Varin se souvient de ce moment qui n’est pas un bon souvenir. « Je me retrouvais tout seul là-bas, j’étais complétement déprimé du fait de mon éloignement et de la mort de Christian un mois avant. La veille de la course, des personnages indélicats sont entrés dans ma chambre d’hôtel et m’ont dérobé tout mon argent pourtant enfermé dans ma valise. D’autre part, des amis venus me voir ont eu un grave accident et l’un d’eux est décédé là-bas la semaine suivante ». Le toro d’alternative portait le fer de « San Marcos », numéro 43 de 586 kilos (negro bragado salpicado) s’appelait « Regalo »… pour une course qui n’en était pas un !

 

Heriberto Lanfranchi donnera aussi un coup de main à José Manrubia qui sera programmé à trois reprises dans le coso de los Insurgentes en juin et août 1991 et août 1993. A partir de 1995, la présence de français à l’affiche de la Monumental va se faire d’une manière plus régulière. Il faut dire que l’ambassadeur de France au Mexique, Philippe Delaye, fait du lobbying pour que les Français soient programmés. Pour cela, l’ambassadeur n’hésite pas à organiser des soirées, souvent luxueuses (et dispendieuses), dans sa résidence privée avec tout le mundillo mexicain. On retrouve là des ganaderos, des matadors, des empresas qui vont répondre à l’appel de l’ambassadeur. En outre, une association nommée « Albero », dirigé par Xavier Cazaubon, chargée des échanges taurins France – Mexique est créée.

 

C’est ainsi que l’on pointe les présences, le 25 juin 1995, de Swan Soto puis une semaine plus tard (2 juillet) de Luisito en tête du paseo pour deux novilladas portant les fers respectifs de Cerro Viejo et San Francisco de Asis.

 

Le jour de Noël 1995, c’est au tour du gersois Michel Lagravère de confirmer son doctorat à la México. Pour l’occasion, il est accompagné d’Alfredo Lomelí et « Machaquito de Quiroga ». L’impétrant torée « Boticario » de la ganadería Espíritu Santo. Mis à part aux banderilles où il brille, il ne peut pas faire grand-chose face au peu d’options qu’offrent ses adversaires. Il est à noter que ses deux fils de nationalité mexicaines, ont confirmé eux aussi leurs alternatives. Michelito s’est présenté à la Monumental en novillada le 6 juin 2010 (Lupita Lopez et Paulo Campero, utreros de Miguel Alemán et Rafael Herrerías) et a confirmé le 10 février 2019, face à “Vencedor” (493 kg) de l’élevage Cieneguilla, parrain Arturo Saldivar, témoin Sergio Flores. Son frère, Andrés « El Galo », en a fait de même le 8 décembre de la même année en compagnie de Castella, Paco Ureña et El Payo (toro « Capitán », numero 12 de 519kg).

Dans la dynamique de l’amitié Franco-Mexicaine, Denis Loré confirme son alternative nîmoise le 10 mars 1996 en compagnie de Manolo Mejía et El Conde pour le Mexique et un portugais Manuel Moreno. Les toros sont de la propriété de San Marcos et celui de la cérémonie d’investiture se nomme « Pies de plata » (cárdeno oscuro bragado, n°175 de 494 kilos). Denis, vêtu d’un costume sang et or, tombe sur deux toros sans relief et se contente d’écouter deux timides ovations.

 

Denis Loré se retrouve à nouveau au programme de la Monumental pour accompagner la confirmation de Richard Milian le 16 novembre 1997. Ils défilent avec les mexicains Humberto Florés et « El Conde ». Dans le froid et l’adversité, le Catalan, qui porte un costume rouge soutaché de parements noirs, est bousculé par le toro de la cérémonie à la réception au capote. Lourdement heurté et projeté au sol, Richard, comme à son habitude, trouve la force de banderiller ce toro très bien lidié par « El Andaluz ». Passant par l’infirmerie pour être infiltré, Milian fait preuve de vaillance face à son second, manso de gala. Loré quant à lui fait face à l’adversité avec un premier toro qui se casse la corne et un second brusque et sans charge. Cette corrida a l’accent français puisque les toros sont rebaptisés des noms de : « Arlesiano », « Bayonés », « Nimeño » « Provenzal », « Embajador » ou encore « Normando » ou « Marsellés ». Celui de la confirmation porte le nom de « Bordales ». Pour l’anecdote, les mots prononcés par le Nîmois envers son aîné, le furent en français et Milian, toujours plein d’humour et de spontanéité, lui autorisa en disant de ses compagnons de cartels : « Tu peux y aller, ils ne comprennent rien ». A noter que Richard avait fait sa présentation en Amérique à Medellín (Colombie) le 20 août 1983 (Cinq jours après la fameuses Miurada de Béziers) en compagnie de « El Cali » et « El Villano » face à des toros de « La Rinconada ». Il avait toréé ce jour-là avec les points de suture de la cornada biterroise. Olé valiente !

Juan Bautista fait ses débuts en terre aztèque lors de la compétition « encuentro internacional » le 13 mars 1998 à Queretaro face à un lot de « Los Martinez ». Ce n’est que le 29 octobre 2000 qu’il confirme devant le toro « Jabato », numéro 173 de 485 kilos de l’élevage Rancho Seco, cédé par Federico Pizzaro en présence de Jorge Mora et Andy Cartagena à cheval. Par la suite, il retournera dans l’entonnoir à cinq reprises.

 

L’année suivante, le 18 février 1999, Sébastien Castella, après s’être présenté en novillada, ratifie son alternative biterroise face à des toros de Sante Fe del Campo avec pour parrain Rafael Ortega et pour témoin El Tato. Le toro de la cérémonie est baptisé « Buñuelo ». Sébastien retournera à la México à plusieurs reprises où son style en fera une véritable vedette. Inutile de préciser qu’il y triompha d’une manière majeure régulièrement, dont le 6 février 2016 où les « Vive Napoléon » et autre chant de la Marseillaise descendirent des gradins. Nous nous en souvenons, nous y étions. Un énorme souvenir !

 

Jean-Charles Roux