De la négresse au torero de couleur…
Le mois dernier, la justice a ordonné à la ville de Biarritz de débaptiser le quartier de la Négresse et sa barrière de péage bien connue par tous les pèlerins-aficionados.
L’histoire voudrait que ce quartier aurait été baptisé « Négresse », autrefois dénommé « hameau de Harausta », par des soldats napoléoniens au début du XIXe siècle en raison de la présence d’une auberge tenue « par une femme très brune » et aurait supplanté de fait le nom basque à compter de 1851. Est-ce que la femme en question était une ancienne esclave ou une descendante d’esclave, c’est fort probable mais non avéré. D’autres sources rapportent que l’origine du nom viendrait d’un expression gasconne « Lane gresse » qui désignerait une terre argileuse présente sur ce quartier biarrot.
La cour a statué début février : « quelles que soient les origines supposées de cette appellation historique, le terme « La Négresse » évoque aujourd’hui, de façon dévalorisante, l’origine raciale d’une femme dont l’identité n’a d’ailleurs pas été formellement identifiée ».
« Agur esan » ou « adishatz » la négresse, reste à trouver un nouveau nom pour ce quartier.
En tauromachie, à la fin des années 1960, évoluait Ricardo Paulo Chibanga, né à Maputo au Mozambique et qui fit une belle carrière d’abord de novillero puis de matador de toros. L’histoire veut qu’il soit le premier torero africain, d’ailleurs les premières affiches sur lesquelles il apparait portent le nom d’ « El Africano ». Managé par un taurino de Séville où il a élu résidence, Ricardo Chibanga joue sur les affiches de sa différence de couleur : « El torero de Color », « El Cordobés negro », « El Negro ». L’Espagne, sous je joug du franquisme, se délectait de ce traitement racial.
René Chavanieu, grand aficionado nîmois pour l’éternité, aimait à raconter que le 21 mai 1971 en nocturne de la féria alors qu’il siégeait au palco, un assesseur allait faire des siennes.
Ricardo Chibanga était annoncé à l’affiche en compagnie de Galloso et Manzanares (qui faisait sa présentation) face à des Yonnet. Mal remis d’une récente blessure, « le torero Portugais », comme on disait chez nous en France, avait connu toutes les misères du monde pour venir à bout de son adversaire encasté qui avait bataillé sous le fer de la pique en promenant le cheval sur dix mètres. L’assesseur qui accompagnait Chavanieu, trouvait le temps long et, sans doute un peu raciste sur les bords, ordonna au président de faire sonner un avis au bout de quelques minutes de combat. « Chacha » inflexible sur le règlement s’y opposa bien justement. A la sortie de la course, il interrogea son collègue pour savoir quelle mouche l’avait piqué pour sonner un avis aussi rapidement. Celui-ci lui avoua que ce torero noir ne l’inspirait pas et qu’il fallait abréger le temps pour pouvoir aller faire la fête avec ses amis.
Cette anecdote prête encore à rire 45 ans après, avec toute la discrétion qu’impose notre époque…
Jean-Charles Roux