Tout auréolé d’un récent triomphe à Cantillana, entretien avec Juanillo Bohórquez très en verve lors de son passage en piquée…
Le samedi 15 février, les arènes de Cantillana (Séville) étaient pleines pour assister à la première novillada piquée de Juanillo, appelé à combattre successivement quatre novillos de Jiménez Pasquau, Santiago Domecq, Rocío de la Cámara et Ave María, ce dernier, « Mentiroso », étant indulté.
Résultat de la course : oreille, deux oreilles, silence et deux oreilles et rabo symboliques.
Pour un coup d’essai, ce fut donc un coup de maitre, meilleur stimulant possible pour Juanillo dans sa nouvelle catégorie. On verra ci-dessous qu’il semble avoir la tête bien vissée sur ses épaules. A l’évidence, le novillero sait non seulement d’où il vient, mais aussi où il veut aller…
Où es-tu né et où vis-tu actuellement ?
Je suis né à Madrid, mais la moitié de ma famille vit dans le Sud. Actuellement, je vis à Carmona, dans la province de Séville, plus exactement dans la finca « El Judío » qui a appartenu dans le passé à Antonio Ordóñez.
As-tu des antécédents familiaux liés au milieu taurin ?
Oui, ma famille, des deux côtés, est en relation avec le milieu taurin car notamment mon grand-père Bohórquez a été ganadero et ma mère, d’autre part, elle aussi.
A quel âge t’es-tu intéressé aux toros ?
Ce qui est drôle, c’est qu’en fait ce monde des toros ne m’intéressait pas du tout pendant longtemps, c’était mon frère qui voulait être torero, n’étant pour ma part même pas aficionado !
Finalement, comment t’es venue la vocation ?
En fait, je vivais alors au Pérou où je travaillais comme cuisinier, qui jusqu’à maintenant a été mon métier, et c’est là que j’ai alors rencontré le maestro de La Puebla !
Où as-tu appris à toréer et quel a été ton professeur ?
Après avoir accompagné Morante lors d’une de ses pires tardes, j’ai été conquis par ce monde le plus torero qui soit… Un pétard ! Mais je n’ai pas commencé à m’entrainer jusqu’au confinement.
Comment as-tu débuté en non piquée ?
Ces quatre dernières années, j’ai connu des professionnels ayant un véritable amour de ce qu’ils font, d’autres moins… Mais surtout avec une forte désillusion pour ce qui est des écoles, bolsines et institutions. Pourquoi ne puis-je pas entrer dans une école taurine parce que j’ai 21 ans ? Et dans un bolsín ? Avec 36 demandes refusées ? Sans ces opportunités, les novilladas non piquées sont difficiles à obtenir ou il faut pas mal d’argent pour les toréer.
Quand as-tu décidé de passer en piquée ?
Avec mon apoderado, le matador Álvaro Gómez, nous avons décidé d’obtenir les 10 bulletins minimum pour organiser mes débuts dans cette catégorie à Cantillana au début de la temporada suivante.
Pourquoi avoir choisi cette arène ?
Manuel, le fils du maestro Manili, est un de mes grands compañeros, d’où ma relation avec sa famille et ce pueblo pour lequel j’ai tant d’affection.
Quel souvenir gardes-tu de cette encerrona triomphale ?
Une journée rêvée. Comme personne ne misait un duro sur nous, c’était d’autant plus magique qu’on n’en attendait pas autant !
Les trophées obtenus et l’indulto ont-ils eu de la répercussion ?
Je ne crois pas au hasard, quand quelqu’un est fidèle à lui-même et croit en ses capacités, les choses arrivent, c’est tout.
Actuellement, as-tu des projets ? Des contrats ?
Cantillana a été le début d’un grand projet, mais nous gardons les pieds sur terre. Pour le moment, tout reste à faire et à apprendre. La meilleure qualité du toreo, c’est le temple, qui signifie d’aller au rythme que t’imposent les choses. Il faut d’abord se faire… le toreo est lenteur, rien ne presse.
Comment peux-tu définir ton toreo ?
Je ne comprends pas le toreo depuis la technique, sinon depuis le sentiment, la pureté, la sensibilité, dans la fragilité il y a aussi de la beauté. Il vaut mieux le « olé » que le « ay » car par les couilles, c’est le toro qui gagne ! Ce qui me fait le plus peur dans le toreo, c’est d’ennuyer. Par exemple, pour mon encerrona de Cantillana, j’ai voulu varier le plus possible les suertes, que ce soit avec capote et muleta, afin d’apporter quelque chose de différent avec chaque toro.
Connais-tu la France taurine ?
J’ai eu la chance de voir des toros en France et même de parer au capote une vache camarguaise ! En France, on continue de vivre le toro avec ce romantisme et cette passion qui nous manque tant par chez nous…
En définitive, quel est ton objectif pour la suite de ta trajectoire ?
C’est avant tout de me préparer pour toréer dans la Maestranza au cours de la temporada 2026, la suite restant à écrire… et pourquoi pas en France ? !
Le plus dur reste à faire pour Juanillo, évidemment, à commencer par la transformation de l’essai puis une marche en avant en cours de temporada qu’on lui souhaite la plus positive possible. A lui de s’imposer et convaincre… Suerte !!!
Photos : María Rosa Quintero.