Parution du N° 1460 : Le duende de Fortes…
García Lorca fut l’un des rares intellectuels à saisir un argument fondamental du toréo : « Le torero qui effraie le public par sa témérité ne torée pas. Et se jouer la vie demeure à la portée de tout être humain. En revanche, le torero visité par le duende donne une leçon de musique pythagoricienne et fait oublier au public qu’il est en train de mettre son cœur entre les cornes. » (1)
Dès que Fortes foula la piste des arènes de Madrid, mercredi dernier, le silence se fit. Le poignet brisant le geste, les jambes coulées verticalement dans le sol, le corps immobilisé en statue, il s’enroula les charges réticentes puis nobles du toro d’Araúz de Robles, et on vit alors toréer comme on le voit très rarement. Quand on est imprimé par une personnalité aussi affirmée, le corps criblé de cicatrices et l’âme muée par un sentiment profond, il n’est plus question de faire semblant. Le toréo d’une pureté cristalline jaillit comme l’eau d’une source, et c’est, pendant quelques minutes, un enchantement. C’est sans doute cela le «duende». Une apparition fugitive, qui fait aller les gens aux arènes comme tant d’autres vont à l’église…
(1) : «Jeu et théorie du duende», conférence de Federico García Lorca à Buenos Aires.
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(Photos Plaza1)