Madrid : Juan de Castilla, la grandeur de l’humilité…

 

Le lendemain de son alternative.

Juan de Castilla se leva à trois heures du matin.

Pour aller travailler dans une messagerie

Qui l’employait comme coursier.

 

L’année dernière.

A Vic, il tua un Pagès-Mailhan et un Prieto de la Cal à onze heures du matin.

Et deux Miura.

A Madrid à dix-huit heures.

 

A Madrid où il revenait.

Ce 27 mai 2025.

Pour le dix-septième festejo de la San Isidro.

Juan rematait le cartel avec les toros de Dolores Aguirre Ybarra.

 

Celle de «Dehesa Fría» à Constantina, près de Séville.

Morte il y a douze ans.

Mais dont le seul nom.

Sonne encore comme un glas.

 

Le sang bleu du peligro

L’aristocratie de la peur.

Une bataille de la Somme.

Un Chemin des Dames du toreo.

 

Et lui.

Piou-piou.

De la misère.

Devant.

 

Juan de Castilla.

Un plébéien de Colombie.

Qui veut devenir.

César.

 

Un deuxième classe.

En brodequins.

Qui monte à mains nues à l’assaut.

D’un saillant de mala muerte.

 

Il ne sait pas encore.

Bien faire.

Les passes qui réduiraient

La violence de la chose noire.

 

Mais il les fait.

Il les fait.

Il les fait comme il peut.

Avec son cœur, avec ses couilles.

 

 

Qu’un schrapnell de cornes.

Faillit lui arracher.

Dans la violence.

D’un Verdun madrileño.

 

Caporal-clairon de la vaillance.

Andant sous la mitraille désordonnée.

Troufion admirable.

De courage insensé.

 

Juan de Castilla donna tout.

Même ce qu’il n’avait pas.

Il pouvait mourir.

Mais il s’en foutait.

 

Les yeux écarquillés.

Et la fleur à la muleta.

Une baston.

De chabola était son registre.

 

Lui qui n’avait rien.

Voulait tout.

Et toréait

Avec la grandeur du désespoir.

 

Son toreo de tranchées.

De rata.

De boue.

Et de sang.

 

Tragique de vermine, de morsures de rat.

Et magnifique de barbelés.

Disait l’infâme de la misère.

Et la noblesse du combat pour s’en sortir..

 

Juan de Castilla ne sera jamais galonné.

Il ne sera pas décoré

Il ne sera pas Ferdinand Foch.

Juan de Castilla ne sera jamais figurón del toreo.

 

Mais, ce mardi là à Madrid.

En pantalon court taché de sang.

Il donna à voir l’image grandiose et tragique.

De l’humble héroïsme d’un torero de chair à canon.

 

Et moi, devant mon écran de télé.

Je l’ai applaudi à m’en faire saigner les paumes.

 

Datos 

 

Juan Pablo Correa Sanchez «Juan de Castilla»

Né le 7 septembre 1994 à Medellin (Colombie).

Débuts en novillada piquée le 31 août 2014 à Sacedón ; novillos de José Luis Pereda ; compartiendo cartel avec Alfonso López Bayo (rejoneador), et David Martin Escudero.

Alternative le 28 janvier 2017 à Medellín ; toros d’Ernesto Gutierrez ; parrain : Enrique Ponce ; témoin : Andrés Roca Rey.

Confirmation le 17 septembre 2023 à Las Ventas ; toros de Partido de Resina ; parrain  : Octavio Chacón ; témoin : Ángel Sánchez.

 

Mardi 27 mai 2025

 Plaza de toros de Las Ventas (Madrid).

 Decimosexto festejo de la Feria de San Isidro.

 Más de tres cuartos de entrada.

 

Toros de Dolores Aguirre, desiguales de presentación y de decepcionante juego en su conjunto por su mansedumbre. Destacó, por encima de todos, el quinto.

 

FERNANDO ROBLEÑO, silencio y pitos.

 DAMIÁN CASTAÑO, silencio y ovación

 JUAN DE CASTILLA, vuelta al ruedo y silencio.

 

Patrice Quiot