Rencontre avec Bernard Carbuccia, directeur des arènes d’Istres, qui a dressé le bilan de la Feria 2025…
Un résultat qui a fait quasiment l’unanimité pour reconnaitre que par rapport au caractère de l’arène du Palio, l’exercice 2025 a été très réussi.
Dans une discussion à bâtons rompus, Bernard Carbuccia a décortiqué chaque élément du puzzle, revenant dans l’ordre chronologique sur les faits les plus importants…
« L’heure du bilan a sonné et on ne peut être que satisfait puisque cette année, la Feria d’Istres a connu un grand résultat populaire, artistique, médiatique et économique. Une fois de plus, les planètes se sont alignées et on a constaté qu’il y a à Istres une régularité et un taux de réussite impressionnant. C’est un an de travail en se la jouant sur un week-end chaque année, on peut dire qu’il se passe des choses à Istres. A divers degrés, bien évidemment, mais cette année la feria a quand-même été d’un très grand niveau car tous les jours il y a eu quelque chose de fort, d’important et de différent.
Cette différence vient de la philosophie d’Istres, à savoir un vrai travail de recherche et de créativité dans la conception des cartels. Avec de la variété et à aucun moment, c’est une mauvaise copie des grandes ferias qui sont à proximité d’Istres, mais un concept qui reflète notre propre identité. La grande satisfaction, c’est qu’en montant des cartels différents, non seulement le public répond, mais on a aussi un résultat sur le plan artistique.
Outre les triomphes de pas mal de maestros, je pense que c’est dû aussi à la quantité de bons toros qu’il y a eu dans cette feria, survolée par les Montealto qui ont fait sensation. Il y a eu aussi trois toros de Zalduendo, deux toros de Yonnet qui se sont laissés, une grande corrida de la Ventana del Puerto et pour la clôture, ce toro de Jandilla et de La Quinta qui ont permis le triomphe…
Vendredi 13 juin : Corrida des banderilleros
Le paradoxe, c’est que ça n’avait pas très bien commencé… Cette corrida a été accidentée, des problèmes ont surgi trois semaines avant avec le lot de Jean-Luc Couturier dont il ne restait plus que quatre toros, d’où l’idée de proposer un desafío ganadero avec Yonnet. Mais cet élevage n’avait pas de toros non plus, c’était très compliqué. Finalement, ça a pu s’annoncer et alors catastrophe, sur les trois ou quatre toros qui auraient pu entrer dans cette corrida, il n’en restait plus que deux car deux autres sont morts chez Valverde. D’où la nécessité dans l’urgence de trouver une ganadería de repli, sachant qu’il n’y avait plus de toros disponibles en France pour ce desafío. Et même là, on trouve en définitive l’originalité de la présentation des Montealto dans le Sud-Est ! Ces trois toros ont fait sensation, en bravoure, en caste, en transmission, en noblesse… Une bonne surprise pour ce cartel de banderilleros.
Je tiens aussi à souligner la belle entrée enregistrée, ce qui n’est pas toujours évident pour une corrida d’ouverture un jour de semaine. Il faut savoir que 12000 personnes sont passés au Palio en trois jours, ce qui a comblé nos espoirs dans le domaine de la fréquentation.
Ce vendredi, la grande porte s’est ouverte pour deux toreros, Colombo et Solal et le mayoral de Montealto. Elle aurait même pu s’ouvrir pour d’Escribano, après une magnifique faena … J’aurais été content pour lui, compte tenu de l’épreuve qu’il avait eu à subir avec le premier toro de Yonnet qui n’avait rien à faire dans cette corrida.
Cette corrida a été animée par les trois toreros qui ont tenu à partager les banderilles…
Samedi 14 juin : Corrida de l’Art
Là encore beaucoup de monde. Il est sorti une corrida de Zalduendo bien présentée, bien roulée et homogène.
Aussi bien David Galván que Juan Ortega ont distillé des faenas de grande qualité, surtout à leur premier toro, mais ils n’ont pas pu lutter avec le grand moment que traverse Clemente. Il faut en être fier, Clemente a donné à Istres une dimension importante. Il a une maturité, une tranquillité, une sérénité et une torería d’atteindre les sommets. Il a survolé l’après-midi et je le dis, Clemente va être la prochaine grande figura du toreo français !!! Je l’affirme ! Istres l’a déjà épaulé depuis quelques années, il nous le rend formidablement bien puisque chaque fois qu’il a foulé le sable du Palio, il a triomphé !
Dimanche. Matin. Corrida hommage aux Abonnés
Il s’agissait d’une journée complète où il faisait très chaud, avec deux tiers d’arène pour cette corrida, soit environ 1900 personnes. On peut dire que Miguel Ángel Perera a de nouveau étalé toute sa science, c’est une valeur sûre dans un cartel. Diego San Román a lui aussi impacté, il n’a rien lâché. J’ai trouvé le public manquant de chaleur, ce qui n’a pas empêché les toreros de triompher.
Chritian Parejo aurait pu accompagner ses deux compañeros en triomphe s’il avait eu plus de chance à l’épée, avec un second toro un peu manso mais qui avait aussi de la transmission.
Il faut aussi noter que cette corrida s’est soldée en outre par deux blessures pour le mexicain Diego San Román. Il a été plus qu’héroïque puisqu’il s’est totalement tranché le tendon d’Achille avec l’épée de mort. Les chirurgiens n’en revenaient pas de le voir toréer son second toro car il était en grande souffrance. Il est allé de l’avant avec un immense pundonor… recevant une cornada de 10 cm dans le rectum. Depuis, il s’est fait opérer avec succès, ce qui sera suivi d’une rééducation intense afin de tenter d’être disponible pour la fin de la temporada, notamment pour la corrida de Margé à la Feria du Riz d’Arles avec Juan Leal et Samuel Navalón…
Au sujet de cette corrida, ce qui nous a aussi pénalisé, c’est peut-être d’avoir annoncé environ un mois avant qu’il n’y avait plus de billets pour l’après-midi, ce qui a eu pour conséquences que des aficionados qui avaient prévu de venir passer la journée complète à Istres se sont finalement abstenus…
Dimanche 15 juin. Tarde. Corrida de la Belle Histoire…
Cette tarde a été historique à plus d’un titre, à commencer par le no hay billetes. Il y a eu plus de monde que pour la corrida de Joselito ! C’était impressionnant de voir les gens en haut debout sur deux rangs… Donc déjà gros succès populaire et beaucoup d’émotion quand au paseo se sont avancés Juan Bautista et son protégé Marco Pérez. L’arène s’est levée et l’hommage rendu par notre maire François Bernardini, accompagné entre autres de celui d’Arles Patrick de Carolis, le Reine d’Arles et de Yoan Clément qui a réalisé les tableaux remis aux deux toreros, a été particulièrement émouvant.
Après, cette corrida a commencé très fort avec un Juan Bautista qui a coupé un rabo légitime à son premier car demandé par tous. Jean-Baptiste a pris un plaisir énorme, il a « cuajé » ce premier toro à la perfection et Marco a démontré son envie, ne voulant pas rester en retrait.
Il a été très bon à son second, de La Quinta, donnant des muletazos au ralenti, ce qui a constitué en définitive une après-midi rêvée qui ne pouvait pas mieux conclure cette feria. Le « Broche de Oro » d’une feria magnifique, avec cette sortie a hombros on ne peut plus émouvante.
Le trait d’union parfait avec la prochaine feria dont les cartels s’annonceront dès le mois de janvier et qui devra encore surprendre l’afcion. Cette année, nous avons battu des records avec 12000 personnes, 1800 abonnés, 7 grandes portes… Donc je suis très content de ce qui s’est globalement passé à Istres le week-end dernier. La tauromachie s’est pérennisée grâce à la volonté politique et peut-être que la bonne étoile qui a veillé sur nous cette année était celle de Guy Gual qui a maintenant son nom apposé à l’entrée de la chapelle du Palio. On a beaucoup pensé à lui et je lui serai éternellement reconnaissant car c’est avec ce précurseur que j’ai fait mes premiers pas dans les coulisses de l’organisation… »
Paroles d’empresa, paroles de celui qui tout au long de pas mal de mois de réflexion cogite dans l’ombre ce qui serait le mieux pour l’édition à venir, ce qui serait susceptible de déplacer les aficionados pendant trois jours. Avec des certitudes, certes, mais aussi des doutes, et même au moment de rendre la meilleure copie, des impondérables pour lesquels il faut trouver dans l’urgence des solutions. Bref, beaucoup de paramètres qui en définitive, pour cette session 2025, ont débouché sur une feria qui aura laissé un bilan positif. C’est bien là l’essentiel, non ?
(Photos non signées : Collection privée BM)