Une gueule , comme on dit…
Une symétrie.
De saillant.
De sillons.
De creux.
Et d’aplats.
Une harmonie.
D’inquiétude.
De tranquillité.
De retenue.
Et de générosité.
Une gravité.
De rides d’interrogation.
De nez de faucon.
D’yeux d’esprit caché.
Et de bouche de secrets.
Une noblesse.
D’humilité de la naissance.
D’attachement à une origine.
De terre aride.
Et de nuit froide.
Une sobriété.
De dénuement altier.
De force sereine.
De charrue de bois.
Et de soc de métal.
Une densité.
De cendre grise.
De troublante expression.
De flamme brûlante.
Et de lumière d’humanité.
Une distinction.
De hauteur du sentiment.
De noblesse en quartiers.
De dédain du facile.
Et de quête du grand.
Une finesse.
De naturelle rugosité.
D’espérance étincelante.
De lendemain meilleur.
Et de moissons charitables.
Une proclamation.
De lumineux
De sombre.
De certitude
Et de mystère.
Une métaphore.
D’équilibre parfait.
Une allégorie vivante.
De concret quotidien.
Et de songe abstrait.
Une identité.
De visage de conquérant pacifique.
De détermination paisible.
De devin du pendule.
Et de prophète du temple.
Une gueule, comme on dit…
Datos
Dámaso González Carrasco : 11 septembre 1948, Albacete /26 août 2017, Madrid.
Attiré par la tauromachie dès 11 ans alors qu’il travaillait dans l’élevage de vaches de son père, il se mit à fréquenter les capeas des pueblos de la sierra d’Albacete et débuta en costume de lumières dans sa ville le 6 septembre 1964 sous l’apodo de Curro de Alba. Aidé par Pedrés, il se roda ensuite dans la partie sérieuse de spectacles comiques jusqu’à son passage en piquée le 8 septembre 1968, à Albacete, aux côtés de Santiago López et d’Antonio Rojas face à des novillos de Villamarta.
Avec Camara comme mentor, il explosa en quelques mois, triomphant notamment sous sa véritable identité lors de sa présentation à Barcelone le 19 mars 1969 en coupant quatre oreilles et une queue, triomphe qui lui valut d’y être répété à huit reprises les mois suivants et, pour ses débuts, Valencia, le vit couper une autre queue.
Présentation à Madrid le 1er juin suivant avec Pepe Luis Segura et Vicente Linares, se faisant blesser par un de ses novillos de Carlos Nuñez, mais laissant une bonne impression qui lui vaudra d’être répété le dimanche suivant. Séville le verra couper trois oreilles une semaine plus tard, mais le palco lui refusera la Porte du Prince. Le 23 juin, après avoir toréé une vingtaine de novilladas en quatre mois, il affronte six novillos de Benítez Cubero en solitaire à Valencia pour ses adieux de novillero.
Le lendemain, à Alicante, Miguelín lui cédait « Gañafote » de Flores Cubero en présence de Paquirri. Son second adversaire lui infligera une cornada à la cuisse gauche après maintes bousculades, ce qui ne l’empêchera pas de poursuivre sa saison avec 25 corridas supplémentaires. L’hiver suivant, il fera sa première campagne sud-américaine, confirmant le 20 décembre à Mexico des mains de Manolo Martínez qui lui cédera le toro « Amistoso » de Valparaiso en présence d’Eloy Cavazos.
Présentation de matador à Séville en 1970 puis le 14 mai, confirmation à Madrid avec El Viti et Miguel Márquez, «Barranquillo» de Galache, toro de la cérémonie laissant un pavillon dans sa main. 44 contrats cette année-là, puis une année 1971 où Dámaso consolide sa position parmi les leaders de l’escalafón.
Les années 70 furent marquées par de nombreux contrats (60 à 70 par saison) et de nombreux succès, mais il ne fut jamais un torero de Séville, ne se classant pas parmi les artistes et eut du mal à conquérir Madrid jusqu’à cette tarde de 79 où il coupa les deux oreilles d’un toro de La Laguna. En 81, il ouvrira une seconde fois la Puerta Grande de Las Ventas et sera proclamé triomphateur de la San Isidro.
Le 20 septembre 1988 à Valladolid, il se retire une première fois, revenant en 1991 à Nîmes pour donner l’alternative à son compatriote Manuel Caballero. Les trois oreilles coupées ce jour-là l’encouragent à continuer. Il revêtira l’habit de lumières jusqu’en 1994, sa temporada d’adieux.
Dernière corrida chez lui à Albacete le 16 septembre avec deux oreilles du toro « Artesano » de Daniel Ruiz. Il fera un nouveau retour dans les ruedos en 2003 pour donner l’alternative à Matías Tejela à Valencia en présence de Joselito. Après une quinzaine de contrats, il mettra fin à sa carrière le 17 septembre à Murcia après avoir coupé les deux oreilles d’un Torrestrella.
Entre la date de son alternative à Alicante et sa dernière corrida à Murcie, «Le Fakir d’Albacete» avait toréé mille cent quarante-sept corridas de toros…
Patrice Quiot