La consulta du docteur Sigmund… (1)

 

Hier en fin d’après-midi j’avais rendez-vous avec le docteur Sigmund.F au 1842 Miurastrasse à Bezouce.

Je souhaitais consulter l’Eminent pour évoquer avec lui les raisons de mes troubles comportementaux liés à une addiction juvénile aux bêtes irraisonnables, ainsi qu’à ceux qui les zigouillent de fer et d’estoc.

J’arrivais au cabinet du susnommé a las cinco y media en punto, l’horloge blanche du lieu me le confirmant ; des patients attendaient dans la wartezimmer (sala de espera en espagnol) ; six était leur nombre et leurs visages ne m’étaient pas inconnus.

En bon nimeño sociable et aficionado à la maïsse, je pris tout naturellement langue avec eux ; ils étaient tous ibères et paradoxalement parlaient tous la langue espagnole dans laquelle ils m’apprirent qu’ils exerçaient tous la profession de toréador.

On devint collègues et dans la wartezimmer du docteur Sigmund, nous fîmes connaissance.

Le plus jeune d’entre eux s’appelait José Gómez Ortega.

Il avait un peu plus de vingt ans et venait d’un village baigné par un fleuve. L’objet de sa consultation était une inquiétude concernant sa précocité à comprendre les animaux à cornes et une appétence toute particulière à jouer avec eux avant de les occire.

Mais José se questionnait surtout sur l’immense plaisir que prenaient les gens à le voir ainsi faire y diagnostiquant quelque chose d’obscur. La señá Gabriela, sa maman, danseuse de son état, n’ayant pas donné réponse à son interrogation, José ayant entendu parler des compétences du docteur Sigmund dans tout ce qui était relatif à la mère et à la mort, avait entrepris le voyage de Gelves à Bezouce où il descendait au camping «Les Cyprès».

José était venu accompagné de son frère aîné Rafael chez qui le  médico del cuerpo  de Gelves avait diagnostiqué un «flamenquismo crónico” inquiétant dans son quotidien, sa pratique professionnelle ainsi que dans son langage, le tout nécessitant une thérapie que seul «el austriaco flaco, de gafas y de barbilla» était à même de prescrire car “perfecto es lo que está bien arrematao” me précisa Rafael en allant se tirer un café con leche au distributeur et en allumant un deuxième cigare avant de passer un coup de fil à Ortega y Gasset pour expliquer au philosophe ce que «Tié q’haber gente pa’tó » voulait dire.

Rafael n’avait pas voulu partager la tente canadienne de son frangin et descendait à «L’Ibis budget Nîmes-Est» de Marguerittes, prenant ses repas au restaurant «Le Paseo», 5 Av. de la Madone, 30320. Bezouce.

Le troisième de la patientèle de l’Eminent s’appelait Juan. « Ju… Juan Ber… Belmonte» me précisa-t-il, «… de Se…Seviya, Ca… calle Fe..ria».

 La beauté ne faisait pas son charme, un peu bossu, prognathe, il avait les jambes torses, les yeux dans l’amer, le nez camus, la bouche comme une extrême onction. Un physique à se tirer une balle dans la tête.

 En fait, Juan ne venait pas consulter pour ses dysmorphies mais plutôt pour savoir pourquoi à près de soixante-dix ans, il était tombé amoureux d’une beauté cavalière née au pays du café et qui avait cinquante ans de moins que lui, car lui qui disait : « Si quieres torear bien olvida que tienes cuerpo » voyait soudain ce corps reprendre le dessus. Ce décalage entre le dire et le faire le troublait grave et il venait consulter l’Eminent à ce motif. Après avoir visité Aigues-Mortes et baroulé en Camargue, il avait pris ses quartiers à «Maison Albar L’Imperator», 15 Rue Gaston Boissier. 30900. Nîmes, d’où il était venu en taxi, bénéficiant au vu de son âge des services de «Taxi Jo et VSL».

A suivre…