Je suis un Jandilla d’antan…

Le caillou m’effraie.

La neige, la glace, la boue.

Une déclivité du trottoir aussi.

Je marche mâchoires serrées, regard fixe.

Et la barbe me pousse plus vite.

La pelure de légume sur le sol de la cuisine.

Le stylo à bille sur la marche d’escalier.

Le carrelage humide de la salle de bains.

Sont des dangers escondidos.

Des Aguirre, des Moreno de la Cova du peligro sordo.

Qui me filent grave les jetons.

Je ne peux pas andar suelto.

Je vais a mi aire celui de la cojera.

Mi baston comme muleta.

Y el miedo en mi cabeza.

Centrado, cruzado, siempre mirando.

Nunca relajado.

Je vais ainsi.

Toujours me questionnant.

Avançai-je bien la jambe ?

Trop près ?

Trop loin ?

Por dentro ?

O por fuera ?

Est-ce que mon zapateo n ’est pas trop tremblant ?

Suis-je bien colocado con el suelo ?

La poubelle renversée me fait perdre les papiers.

Le chat qui file entre mes jambes me dépiste.

Et la trottinette électrique me fait aller aux planches.

J’évite l’inconnu du cheminement.

Le piso de mala leche.

Le paseo de sentido.

Car chanceler, fléchir, tomber.

Perder las manos me hante.

Je suis une métaphore de la pezuña floja.

Une allégorie éternelle de la faiblesse de pattes.

Une apologie ambulante du mouchoir vert.

Je suis un Jandilla d’antan…

 

Patrice Quiot