Luque / Clemente : ils nous ont fait rêver…
Lleno. Après le paseo, on rendit hommage à l’alguazil Yannick Boutet, le maire de Dax lui remit la médaille de la ville. Ce fut sa dernière prestation en tant qu’alguazil.
6 toros de Santiago Domecq, de présentation diverse, fils de quatre étalons différents, deux reçurent un tour de piste, le troisième « Reyesuelo », n°42, castaño, et le quatrième, « Mesdemayo », n°85, negro mulato. Ce dernier a été un toro exceptionnel auquel on a même demandé l’indulto.
Daniel Luque : oreille, deux oreilles après avis et applaudissements.
Clemente : silence après avis, deux oreilles et la queue et saluts après pétition.
On l’attendait ce mano a mano, entre une des figuras majeures de la tauromachie actuelle et le torero français qui monte, mais qui devait corroborer tout le bien qu’en pensent professionnels et aficionados. Devant l’un des élevages les plus illustres ces derniers temps, d’ailleurs, Clemente avait gracié l’un de leurs toros dans ces mêmes arènes l’été dernier. Cela aurait pu se produire encore une fois, le public le demanda avec insistance mais la présidence n’a pas suivi. En tout cas, Clemente a été à la hauteur des enjeux et il nous a régalé avec des passes inédites, sa créativité et sa personnalité hors normes et sincère. Les arènes ont vécu avec passion la rencontre entre le torero bordelais et un excellent Santiago Domecq, fougueux, impétueux et brave.
Clemente jouait gros aujourd’hui, Luque venait de couper trois oreilles et il a parié le tout pour le tout devant ce quatrième toro qu’il a reçu a porta gayola. Faena sans le moindre temps mort, il fut soulevé par le toro, qui le chercha à terre, mais Clemente est revenu pour continuer à toréer avec beaucoup d’emprise. Faena importante, avec des passes sublimes, les circulaires interminables furent très célébrées par le public. Mais ses passes au dernier toro seront encore plus belles, d’un temple ahurissant, très lentes. Naturelles de face, pieds joints, languissantes dont on se délecta. Clemente a prouvé encore une fois qu’il a plein d’atouts et pourrait bien devenir une référence à l’avenir : il nous a fait rêver.
Tout comme Daniel Luque, lors d’une lidia éblouissante au troisième toro. Un toro qui hésitait à charger à la cape mais la façon dont Luque l’a séduit, les temps qu’il lui a laissés, ce placement et cette distance parfaitement jugées, dans un dialogue qui personnellement me rappela ce que disait José Tomás à propos de sa rencontre avec « Navegante », quand la tauromachie devient un échange, même si l’un des deux n’est pas a priori convaincu. Ce pouvoir de Luque, ce magnétisme, ce temple, cette intelligence, cette suavité, ce « señorío », en font indéniablement l’un des plus grands toreros de ces derniers temps et le public dacquois une nouvelle fois s’est rendu à lui. Magnifique ! Quel grand moment !
La vuelta au toro fut excessive, tous les défauts qu’il aurait pu avoir furent effacés par le maestro de Gerena. Il coupa une oreille à son premier pour une faena à un toro de Santiago Domecq en ton mineur et face au cinquième, faible et éteint, il ne put, malgré toute sa maîtrise, en tirer que des passes isolées. Mais ne boudons pas notre plaisir, ce fut une grande corrida qui a tenu toutes ses promesses et augure de belles choses à l’avenir. Le public était ravi.
Corridasi – Texte Antonio Arevalo – Photos Bruno Lasnier.