Obituario : Leonardo de Paula… (2)
Au sujet de son triomphe du 5 octobre 1974 à Vistalegre :
«Ya mis rodillas eran de trapo y después de torear muy bien con el capote, mientras el mozo de espadas me cedía los trastos de matar, imploré a Unamuno, quien dijo que la inspiración es el pensamiento en conmoción. Bajaron ángeles y arcángeles y me susurraron: ‘No te preocupes, Rafael, tus rodillas están bien, y vas a torear como tú sabes ». El toro tenía una mirada dulce y transparente, y parecía decirme ‘llévame a tu ritmo y compás, que te voy a seguir’, y ahí nació la música callada del toreo”.
« Mes genoux étaient déjà en lambeaux et après avoir très bien toréé avec la cape alors que le valet d’épée me présentait les instruments pour tuer, j’ai imploré Unamuno, qui a dit que l’inspiration est la pensée en émoi. Des anges et des archanges sont descendus et m’ont murmuré : « Ne t’inquiète pas, Rafael, tes genoux vont bien, et tu vas toréer comme tu sais le faire ». Le toro avait un regard doux et transparent et semblait me dire « emmène-moi à ton rythme et à ta cadence, je te suivrai » et c’est là qu’est née la musique silencieuse du toreo ».
Quand on lui demanda s’il avait été le torero qu’il aurait aimé être : “No. Yo pude haber sido mucho más grande, pero mis rodillas me han impedido ser historia del toreo. Poseo un concepto de clasicismo y pureza, y permítame una osadía: como yo he toreado no lo ha hecho nadie, ni lo hará”.
« Non. J’aurais pu être beaucoup plus grand, mais mes genoux m’ont empêché d’entrer dans l’histoire de la tauromachie. J’ai une conception du classicisme et de la pureté, et permettez-moi une audace : personne n’a toréé comme moi, et personne ne le fera jamais. »
Sur le toreo actuel : « Ahora hay mucha cantidad y poca calidad. Ya no voy a los toros y a veces veo a Morante por televisión, porque tiene cualidades, y cuando cuaja un toro la gente sale toreando de la plaza. El arte es un misterio divino ; si no, no existiría. »
« Aujourd’hui, il y a beaucoup de quantité et peu de qualité. Je ne vais plus aux corridas et je regarde parfois Morante à la télévision car il a du talent et quand il « cuaje » un toro, les gens sortent de l’arène en toréant. L’art est un mystère divin, sinon il n’existerait pas. »
Sur le fait d’appeler la tauromachie «Fiesta nacional» : “La fiesta nacional es el 12 de octubre, el día de la Hispanidad y de la Virgen del Pilar ; la corrida es un acontecimiento o una celebración, y no una fiesta, donde corre el vino, el cante y el baile… ”
« La fête nationale est le 12 octobre, jour de la Hispanidad et de la Vierge du Pilar ; la corrida est un événement ou une célébration et non une fête, où coulent à flots le vin, le chant et la danse… »
Et pour conclure, cherchant ses papiers perdus dans les fils des micros et ne trouvant plus ses lunettes, le gitan lut en balbutiant un petit truc qu’il avait préparé : «Don José Ortega y Gasset dijo: ‘No puede comprenderse bien la historia de España sin las corridas de toros’; lo escribió o lo dijó en una entrevista que le hicieron, ya que la obra de Ortega y Gasset es muy extensa y está por todo el mundo. Fin de mis palabras. Muy buenas noches y que Dios os bendiga”.
« Don José Ortega y Gasset a dit : « On ne peut pas bien comprendre l’histoire de l’Espagne sans les corridas » ; il l’a écrit ou l’a dit dans une interview ; l’œuvre d’Ortega y Gasset est immense et a fait le tour du monde. Je n’ai rien d’autre à ajouter. Bonne nuit et que Dieu vous bénisse ».
Standing ovation.
Et le modérateur d’ajouter : « “Oyéndolo hablar es como verlo torear; uno está esperando, esperando, y, de pronto, la magia…”
« L’entendre parler, c’est comme le voir toréer ; on attend, on attend, et soudain, la magie opère… »
Sources : Antonio Lorca/« El Pais »/Sevilla le 17/11/2021.
Rafael de Paula, genio calé del toreo, est décédé le 2/11/2025
Datos
Rafael Soto Moreno « Rafael de Paula », né le 11 février 1940 à Jerez de la Frontera ; mort le 2 novembre 2025 dans la même ville.
D’origine gitane, il commence sa carrière comme maletilla et se fait remarquer par l’ancien matador Bernardo Muñoz « Carnicerito ». Il participe alors à nombre de novilladas à la fin des années 1950 et prend l’alternative à Ronda le 9 septembre 1960. Il ne la confirmera à Madrid que quatorze ans plus tard.
Au cours d’une carrière de plus de trois décennies, il fut une figure irremplaçable des arènes d’Europe et d’Amérique, alternant les bonnes corridas avec les pires. Mais même lors de ses pires prestations, il avait « quelque chose » en plus, qui faisait que ses admirateurs les lui pardonnaient, espérant que dans un jour, ou dans un mois, ou dans un an, il montrerait le meilleur.
En 2001, il reçoit la Médaille d’or du Mérite des Beaux-arts par le Ministère de l’Éducation, de la Culture et des Sports.
Entre novembre 2006 et juin 2007, il fut l’apoderado de Morante de la Puebla.
Débuts en public : 9mai 1957 à Ronda .
Débuts en novillada avec picadors : 2 mai 1958, à Jerez de la Frontera.
Présentation à Madrid : 6 septembre 1958, aux côtés de Curro Puya et de Juan Vázquez ; novillos d’Antonio Pérez de San Fernando.
Alternative : Ronda le 9 septembre 1960. Parrain, Julio Aparicio ; témoin, Antonio Ordóñez. Toros d’Atanasio Fernández.
Confirmation d’alternative à Madrid : 28 mai 1974. Parrain, José Luis Galloso ; témoin, Julio Robles. Toros de José Luis Osborne.
Patrice Quiot
