Sueño de gloria… (1)
En 1964, les frères José Luis, Eduardo et Pablo Lozano étaient les nouveaux impresarios de Vista Alegre, une arène dont Luis Miguel Dominguín était propriétaire depuis 1948.
Déterminés à donner une nouvelle allure à cette arène, les Lozano firent pendant l’hiver 1964 l’investissement de faire réparer la plaza qui, depuis son inauguration en 1947 (remplaçant la précédente, la “Alegre Chata”, détruite pendant la guerre civile), s’était beaucoup détériorée.
Les nouveaux entrepreneurs changèrent le sable du ruedo, le remplaçant par l’albero d’une mine de Valdemorillo ; les galeries furent refaites, le piso de même que le patio de caballos remis en état et l’installation électrique remplacée (la même que celle du stade Santiago Bernabéu, disait-on à l’époque).
A partir de janvier et février, la plaza devint ainsi prête à accueillir des spectacles de toros les samedis et dimanches, ainsi que des soirées de lutte libre et des spectacles de variétés les autres jours de la semaine.
Or, on ne sait pas très bien pourquoi et sans que rien ne le justifie si ce n’est l’impact de la confirmation d’alternative du Cordobés le 20 mai, de nombreux aspirants toreros commencèrent à se rassembler à Madrid fin mai.
Ces maletillas vivaient dans la rue, mendiaient aux entrées des métros, se regroupaient au «Cerro de los Locos», la «butte des fous», dans le parc de la Casa de Campo où s’entraînaient les toreros.
On y rencontrait quelques types bizarres tels «El Lobo», qui se promenait avec une peau de loup, «El Caimán», qui toréait en rampant, «Herrerita de Paíporta», qui se déplacait sur un âne, «El Mesias», le messie, ou encore «El Cáceres». Ce dernier ne payait jamais le train. Poursuivi un jour par la garde civile, il se vit sectionner les deux jambes par une locomotive.
Le journal franquiste «Pueblo» publiait le 29 mai 1964 une information intitulée «Concentration de maletillas dans notre capitale». L’article disait :
« Ils viennent de toutes les régions d’Espagne. Peut-être formeront-ils bientôt une association qui veille à leurs intérêts. Avec leurs chaussures fatiguées, avec la poussière collée au corps, avec le triomphe qu’ils espèrent, des dizaines d’aspirants toreros, des dizaines de maletillas sont arrivés à Madrid. C’est une sorte d’assemblée générale. Beaucoup d’autres les rejoindront. On dit que l’union fait la force. On ne peut plus être surpris par rien, pas même une association de maletillas. Que veulent-ils ? « Une opportunité (…) », nous ont-ils répondu ».
L’article était illustré d’une photographie de cinq maletillas sur la Gran Vía de Madrid avec la Torre de Madrid en arrière-plan : Jacinto Durán («El Cacereño»), Paco Barrera («Barrerita»), Manuel Gutiérrez («El Aventurero»), Ángel Gutiérrez («El Castellano») et Gabriel López («El Mancheguito).
Et comme les Lozano et les Dominguin avaient l’idée de faire quelque chose de différent, quelque chose de nouveau à Vista Alegre… « Je suis arrivé à Vista Alegre avec le journal ouvert à la page et je leur ai dit : C’est ce que nous recherchons ; así nació “La Oportunidad”, un sueño de gloria », racontait José Luis Lozano.
Un nom et une idée nés d’une photographie…
A suivre…
Patrice Quiot
