Blanco y negro…
« Il n’y a dans la nature que du noir et du blanc ».
Francisco de Goya (1746/1828).
Images «NO-DO» et photos Botán.
«Terre sans pain», Las Hurdes et les enfants de la consanguinité.
Manuel Benítez en loques entre deux Guardias Civils dans le callejón de Madrid.
Un curé en soutane, une nonne en cornette et un obispo en limousine et chauffeur.
Niños con muletas de trapo y otros con escobas a modo de palos.
Niñas en robes plissées les regardant.
Murs blancs et vieilles en noir.
le baiser volé de Manolete à Doña Angustias.
«El Verdugo» de Luis García Berlanga.
Signée Cano, la photo de Linares.
Les moulins blancs de la Mancha et les ânes sombres chargés de grain.
Le traje negro azabache de Rafaé le gitan.
Marins américains en calots dans le Barrio Chino de Barcelone.
Un galgo incolore au coin d’une rue andalouse déserte.
Lázaro Carmona gris de peur andando a la plaza de toros de un pueblo.
Les lunettes d’aveugle de «La Niña de La Puebla».
L’amidonné de la chasuble des monaguillos et les capuches de deuil des pénitents de la Semana Santa.
La blanche «Esplendida» d’Álvaro Domecq Díez et «Neptuno» le noir de Manuel Vidrié.
Bérets de laine brune, manches retroussées de camisas blancas en sourires de fenaison et mains calleuses des jornaleros qui n’ont pas connu l’école.
Buick noire et phares blancs.
Ernesto Guevara en boina negra en barrera et Francisco Franco Bahamonde en couleur de cadavre au palais du Pardo.
« Agujetas El Viejo » au visage d’un Fernandel jerezano et un verre de vin en una taberna de suie.
Le «Pueblo infestado por comunistas» sur un mur chaulé de La Carolina.
L’instantané blafard de l’interview du «Monstruo» par Matías Prats.
Le pain noir de Tempul.
La leche migas de una venta término de Santiponce.
La neige de Salamanque sur les murets sous les chênes verts.
Les ongles noirs des mineurs de Baños de la Encina.
Les moignons cendreux des culs de jatte et les yeux terribles des nains.
Le « con afecto y cariño » griffonné sur une nappe en papier.
Le sereno rescapé de la guerre civile qui accourt à la voix qui l’appelle.
Le napperon blanc brodé sur la télé en imitation acajou.
Les pigeons gris de la Santa Ana sous la statue albâtre de Calderón de la Barca.
Les vendeurs de cravates de segunda mano du Rastro.
Et tout le reste.
Comme une poésie désuète et bicolore.
D’une Espagne en blanco y negro.
Patrice Quiot
