Retour sur la blessure de Thomas Cerqueira à Mauguio le 3 juillet 2017…

Vuelta al ruedo pour l’équipe médicale réactive et compétente.

Tomas Cerqueira voit, ce jour-là, sa vie mise en danger et de fait, sa carrière compromise par une grave blessure à l’aine, infligé par le cinquième novillo de la tarde.

Une belle histoire qui se termine par une tragédie et une tragédie qui s’ouvre sur une belle histoire.

En quelque sorte, cet oxymore nous amène à réfléchir sur ce merveilleux malheur. Vous comprendrez plus loin pourquoi….

Le docteur Arnihac, membre de l’association des médecins d’arènes du Pays d’Arles, soucieux de souligner l’efficacité du corps médical, m’a permis de recueillir les précieux témoignages des praticiens présents ce jour-là et du torero lui-même. Il les a méticuleusement rassemblés auprès des principaux intervenants.

Le docteur Yvon Castor, anesthésiste, nous raconte :

« Nous sommes au 5ème novillo. Je suis dans le burladero des médecins avec le docteur Nègre, chirurgien vasculaire, et Jeannette Catala, l’ambulancière des Ambulances du Moulin.

On est à quelques mètres du torero Tomas…

Nous sommes au moment crucial de l’entrée a matar. A l’instant de porter l’estocade, nous précise le Dr Nègre… Le torero se profile puis un bruit sec « claquant »…

Le Dr Castor de reprendre : « Le toro charge Tomas avec le plat de corne au niveau du pli de l’aine. Le torero reste immobile quelques instants. Je vois « une bosse » apparaître à la partie haute de la cuisse droite, puis il s’effondre au sol. Il est aussitôt secouru par les banderilleros pour le porter à l’infirmerie.

Le groupe médical se dirige vers l’infirmerie qui était prête à recevoir un éventuel accidenté. C’est dire que tout le matériel de réanimation est sorti.

Et là tout va très vite.

Nous sommes gênés par le peu d’espace pour intervenir.

Le docteur Nègre, avec son poing, comprime le triangle de Scarpa.

Tomas est très agité. Il présente des signes de choc. Jeannette essaie de contenir son agitation afin que je pose un cathéter et une perfusion avec des antalgiques.

Une fois le contact pris avec les urgences de la clinique du Parc où exerce Georges Nègre, Tomas est dirigé vers l’ambulance avec toujours le poing qui comprime.

On part tous les trois dans l’ambulance conduite par le chauffeur Aurélien Pagès. Grâce à un policier qui ouvre la route en moto, le trajet ne durera que 15 minutes environ jusqu’à la clinique. Malgré cela, la douleur et l’agitation persistent, la tension artérielle se maintient à 9 grâce au garrot manuel, également au remplissage vasculaire et à l’oxygénation. Les extrémités restent froides et cyanosées.

On arrive aux urgences où il est attendu. Le bloc est prêt.

On souffle !!! Il a souffert et on a souffert nous aussi… La durée totale entre l’accident et l’arrivée au bloc a été relativement courte, une heure maximum.

Malgré la gravité de l’accident, je crois que la chance a été de son côté : du fait de la présence d’un chirurgien vasculaire et de la proximité de la clinique chirurgicale qu’il a pu prévenir.

Tomas sera endormi un peu plus tard et sera opéré par le docteur Mathieu Pécher, chirurgien vasculaire de la clinique, assisté du docteur Olivier Attard, anesthésiste, et du docteur Nègre précédemment cité.

Il sera constaté, lors de l’intervention, qu’il existait un éclatement traumatique de l’artère et de la veine fémorale (10 cm environ).

Le travail a consisté à la mise en place d’une prothèse veineuse le et artérielle (durée 4 heures). »

Les souvenirs de Tomas évoquent une douleur d’une grande violence. Il parlera aussi d’une forte crampe de la jambe droite ressentie au moment du choc… La clinique de Montpellier, la rééducation et quelques mois plus tard le plaisir de retrouver l’équipe médicale salvatrice dans le callejón, en septembre, lors de la Goyesque d’Arles…

Un Merveilleux Malheur !

Les accidents de la vie nous impactent tous à des degrés divers… selon ce que nous en faisons, car nous avons tous notre libre arbitre.

La résilience, le mot est lâché…

Par définition, c’est la capacité d’une personne à surmonter les difficultés, à rebondir face aux épreuves et à se réadapter face aux difficultés.

Cette qualité, Tomas la possède au plus haut point. Plutôt que de sombrer dans la nostalgie, voire la dépression, le Biterrois a décidé de s’ouvrir un nouveau chemin dans la tauromachie, en devenant le directeur artistique de l’école taurine de Béziers et plus particulièrement le mentor de Christian Parejo et plus récemment de Clovis.

Pour conclure, permettez-moi de citer Boris Cyrulnik :

« Personne ne prétend que la résilience est une recette de bonheur. C’est une stratégie de lutte contre le malheur, qui permet d’arracher du plaisir à vivre, malgré le murmure des fantômes au fond de sa mémoire. »

En transmettant son savoir et son expérience, nul doute que Tomas trouve ça et là quelques moments de joie… Se nourrira-t-il des oreilles coupées par toreros interposés ?… Ce fut le cas à Béziers le 15 août dernier.

Et pour ceux qui bénéficient de ce don généreux, savent-ils qu’ils le doivent en partie, à ce Merveilleux Malheur ?

Freddy Porte