A la manière d’Edmond…
En un exercice de style avec le nez pour sujet, Edmond a écrit :
« On pouvait dire… Oh ! Dieu ! … bien des choses en somme
En variant le ton par exemple, tenez » :
Agressif : Moi, monsieur, si j’avais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse,
Amical : Mais il doit tremper dans votre tasse
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap !»
Descriptif : C’est un roc ! … c’est un pic ! … c’est un cap !
Que dis-je, c’est un cap ? … C’est une péninsule ! »…..
A la manière d’Edmond ? mais avec les taureaux pour sujet, on trouve :
Analogique : « Il a affaire à une espèce de taureau, un Canadien lourd et trapu qui le renverse presque aussitôt » (Julien Green/Journal).
« On se met à causer des copulations d’Hugo: C’est un taureau, dit l’un » (Goncourt/Journal).
« Le marquis tape sur le ventre d’une femme enceinte et dit : C’est du bon travail, ça ! Moi aussi, je suis un bon taureau: j’ai sept enfants». (Jules Renard/ Journal).
« Carrure, corps, épaules de taureau. Cette brute stupide et contrefaite, aux muscles de taureau » (Zola/Terre).
« C’était un brave ! Il avait un cœur de taureau ! (…) Vous comprenez, mes amis ! Un homme courageux !» (Jules Verne/Les enfants du capitaine Grant).
« Une voix de taureau à faire trembler les vitres et remuer les verres sur la table » (Théophile Gauthier/Le capitaine Fracasse).
Antique : « Sa cuirasse se terminait (…) par une espèce de jupon en fer qui couvrait les cuisses et le ventre (…) les flammes montaient jusqu’à lui, échauffaient son armure et l’y brûlaient lentement comme dans (…) ce fameux taureau d’airain inventé par Phalaris » (Mérimée/Chroniques du règne de Charles IX.).
Astrologique : « En cette nuit du 21 avril, anniversaire de sa naissance, anniversaire de la naissance du monde, le soleil entrait dans le signe zodiacal du Taureau » (Montherlant/Bestiaires).
Juridique: Taureau banal. Taureau appartenant au seigneur et par lequel tous les vassaux devaient faire saillir leurs vaches moyennant paiement.
Métaphorique : « Le jeune homme fort comme un taureau qui aime la princesse » (A. France /Vie littéraire).
« Testevel était taillé comme un taureau, mais lent et méticuleux » (Duhamel/Le Désert de Bièvres).
Mythologique : « Le Dionysos des mystères était figuré sous la forme d’un taureau, ou le front armé de cornes… » (Montherlant/Bestiaires).
Tauromachique : « Le taureau, dans la corrida, tantôt s’absorbe lentement dans la nonchalance animale − s’abandonnant à la défaillance secrète de la mort − tantôt, saisi de rage, se précipite sur le vide qu’un matador fantôme ouvre sans relâche devant lui. » (G. Bataille).
« La bête qui est en nous se rue tête baissée vers l’appât ou l’obstacle, comme le taureau sur la banderille rouge, et cela sans plaisir, par une sorte de colère tétanique, ou pour être plus exact, par une véritable éclipse de raison » (Amiel/ Journal).
« Chez nous, un nouveau président du Conseil surgit dans l’arène comme un taureau de combat et il n’y aura plus de cesse pour lui jusqu’à la suprême estocade » (Mauriac/Bloc-notes).
Zoologique : « Habitués au sang, à son odeur enivrante, devenus rudes et grossiers par leur état d’assommeurs (…), les garçons bouchers semblent avoir emprunté du caractère du taureau. Le sentiment, la délicatesse, se sont éteints chez eux par l’habitude du sanglant métier qu’ils exercent» (Champfleury/ Le bourgeois de Molinchart).
Datos
La tirade des nez est le nom donné à la tirade située dans le premier acte (scène IV) de la pièce « Cyrano de Bergerac » du dramaturge français Edmond Rostand (1868/1918). Provoqué par le vicomte de Valvert qui se moque de son nez proéminent, Cyrano se lance dans cette tirade et montre à Valvert par vingt exemples successifs que l’affront qui lui a été fait manquait d’esprit et qu’on aurait pu le formuler de bien d’autres manières et avec davantage de talent :
« Ah ! Non ! C’est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire… Oh ! Dieu !… bien des choses en somme
En variant le ton par exemple, tenez :
Agressif : Moi, monsieur, si j’avais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse,
Amical : Mais il doit tremper dans votre tasse
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap !»
Descriptif : C’est un roc ! … c’est un pic ! … c’est un cap !
Que dis-je, c’est un cap ? … C’est une péninsule ! »…..
À l’issue de la tirade, Valvert ne parvient à répondre que par de piètres insultes, le traitant de « Maraud, faquin, butor de pied plat ridicule » puis de «bouffon» et enfin de «poète» ; un duel à l’épée s’ensuit, au cours duquel Cyrano improvise une ballade qu’il conclut par un envoi tout en blessant son adversaire avec son épée, mettant ainsi fin au duel et achevant de ridiculiser son provocateur…
Patrice Quiot
