Le bref…

 

J’aime le bref d’un remate.

Du concis d’un haïku.

D’un crochet du droit de Carlos Monzón.

Du condensé de la poésie de Keats.

Du « Moi Tarzan, toi Jane ».

D’un coup d’épée radical.

 

Celui de la sonnerie des changements de tercios.

Du succinct de l’hémistiche.

Des quatre notes d’un sifflement coquin à l’adresse d’une gonzesse.

De l’abrégé de Jane Austen.

De la réplique « J’ai lu un livre une fois, ça m’a rien fait ».

Du «Suerte para todos».

 

J’aime le bref d’un brindis.

De l’éphémère d’une page blanche.

D’un baiser volé sur le pas de sa porte.

Du schématique de Li Chung Pei.

Du “Un penalty est une façon lâche de marquer” de Pelé.

D’un sourire en pierre sèche du Viti.

 

Celui d’un second tiers.

De l’immédiat de l’accord en genre et en nombre.

Du pincement affectueux de la joue d’un ami.

Du dépouillé de Vladimir Nabokov.

Du «Une nuit», réponse de Marylin à «Quel fut votre plus beau jour ?».

Du «Olé».

 

J’aime le bref d’un apretón de manos.

De l’élision qui impose l’apostrophe.

De la cigarette interdite allumée dans les chiottes de l’avion.

De l’instantané du bleu d’Yves Klein.

Du «  Pourquoi écrivez-vous ? ”, “Pour mieux vivre”.

Du « La cornada es fuerte. Tiene al menos dos trayectorias. Una para allá y otra para acá ».

 

Celui d’une mise en suerte.

Du qui ?, Quoi ?, Où ? Quand ? Pourquoi ? de l’interrogation.

Du revers de poignet pour s’essuyer la bouche.

Du subit d’un entrechat.

Du « Ça a débuté comme ça. Moi, j’avais jamais rien dit ».

Du geste du puntillero.

 

J’aime le bref du «Ahí» signifié au lidiando.

De la virgule, guichetière de la pause.

Des courts-circuits des soirs de fête.

Du rapide d’une esquisse.

Du c = d / Δt qui met en fonction la vitesse de la lumière.

D’un effluve de fumée du cigare de Morante.

 

Celui du café con leche de l’habillage.

De la césure qui rompt le vers.

De la répartie cinglante au mal éduqué.

Du soudain d’un drop de Camberabero.

Du  » Tiens, |Le voilà.| Marchons ».

Du visage taché de sang dans la serviette siglée de l’hôtel.

 

J’aime le bref de l’éclair.

De la foudre.

Du concis, du direct.

Du condensé, du succinct, de l’abrégé.

De l’éphémère, du schématique, de l’immédiat, du dépouillé.

De l’élision, de l’instantané, du subit, du rapide, de la césure, du soudain.

 

J’aime le bref qui n’est pas celui vulgaire.

Du pitch, du clip.

Du fast, du flash.

Du tweet, du snapchat.

Mais celui troublant.

De l’écriture, de la vie et du toreo…

Patrice Quiot