Joselito Adame, des adieux discrets…
On a beaucoup parlé des despedidas en 2025 de Morante, bien sûr, de Fernando Robleño, de Cayetano, de Javier Castaño, d’El Capea mais quasiment pas de celle du torero mexicain Joselito Adame huit jours après avoir toréé le 5 août, sa dernière corrida en France, à Châteaurenard où il a été le parrain d’alternative de Clemente Jaume et gracié « Adulador » de la ganadería Pagès-Mailhan pour sortir en triomphe avec trois oreilles et une queue symboliques.
Le regard malicieux comme à son arrivée à Arles en 2004, il est venu aux pieds des tours, il a triomphé, est sorti en triomphe pour sa 605ème corrida de toros, juste avant d’annoncer son retrait surprise des arènes… Joselito Adame, un torero certes mexicain mais qui est resté dans le cœur des aficionados arlésiens, un torero quand même un peu arlésien.
« Aujourd’hui est l’un des jours les plus importants et déterminants de ma vie, et c’est que depuis ce lointain 10 octobre 2000, alors que je n’avais que 11 ans, jour où je me suis vêtu pour la première fois de lumières, je n’avais jamais imaginé que ce moment arriverait.
Par ce communiqué, je souhaite transmettre ma décision de cesser de toréer, de mettre un point final et une parenthèse dans ma vie professionnelle. C’est une réflexion à laquelle je pense depuis plusieurs mois ; il m’a été très difficile de prendre cette décision. Cependant, à cette étape où je me trouve maintenant, j’ai la nécessité de faire une pause, de laisser pour le moment le toreo de côté pour me recentrer sur l’homme. J’ai consacré ma vie à la tauromachie pendant 26 ans de manière intense et ininterrompue…«
C’est par ces mots que commence le communiqué de presse annonçant sa décision d’arrêter…
José Guadalupe Adame Montoya, « Joselito Adame », est né à Aguascalientes au Mexique le 22 mars 1989. A l’âge de 10 ans, il toréait sa première becerra à Aguascalientes, à 12 ans il a indulté un novillo de Chinampas, son 1er. Issu d’une famille éminemment taurine, son oncle Efren était matador de toros et ses cousins Efren, Jorge et Gerardo novilleros, l’enfant torero est considéré comme un véritable phénomène à qui l’on promet tous les succès. Il intègre l’école taurine de sa ville aux arènes San Marcos et où sur quasiment toutes les affiches le nom d’ « Adame » est largement majoritaire. C’est sa mère Estela Montoya qui le menait aux entraînements, mère également de deux autres matadors de toros, Luis David et Alejandro Adame !!!
Au siège de l’Ecole Taurine d’Aguascaliente, dans la plaza de Toros San Marcos, il y a énormément d’affiches avec des “Adame” au cartel.
Beaucoup de personnes s’appellent “Adame” à Aguascalientes où presque tous les “Adame” sont ou ont été torero ?
« Ja ja ja, non nous ne sommes pas tous des toreros, seulement mon oncle Efren, mes deux cousins, Gerardo et Jorge et mes frères Luis David, Alejandro qui ont pris l’alternative.. «
Plus sérieusement, pourquoi et comment vous est venu l’envie de devenir torero ?
« C’était un rêve d’enfant, comme tous ceux qui ont rêvé de devenir footballeur. »
A 14 ans, il a tout lâché, sa famille, ses quatre frères et sœurs, le Mexique, l’école, les copains, pour venir en Espagne, avec l’aide de Roberto Fernández « El Quitos », ex-matador de toros. Il s’inscrit à l’école taurine de Madrid avant de rejoindre, après plus 110 festejos toréés, en 2004 Arles, la Camargue et le duo Luc Jalabert-Alain Lartigue qui vont l’apoderer jusqu’à l’alternative.
Comment et pourquoi, de l’Ecole Taurine de Madrid, vous avez atterri à Arles ? Et qu’avez-vous gardé de ces 4 années passées aux portes de la Camargue ?
« Je suis venu à Arles grâce à mes apoderados Luc Jalabert et Alain Lartigue. De ces années, j’ai gardé de très bons souvenirs, beaucoup d’anecdotes professionnelles et personnelles dont je me souviens avec beaucoup de plaisir. Entre autres de mon alternative. »
A Madrid où en décembre 2004, dans les arènes de Vista Alegre, son culot devant un becerro, est récompensé de deux oreilles lui valant le surnom du « El Juli mexicain ».
C’est en France que Joselito Adame fait ses premiers pas comme novilleros avec picadors, le 7 août 2005 à Millas, en coupant trois oreilles aux novillos d’Andrés Ramos. Ce sera l’alternative en costume goyesque à Arles le 7 septembre 2007 avec Julian López « El Juli » pour parrain et Juan Bautista pour témoin. Il coupe trois oreilles et une semaine plus tard, il la confirmera dans les arènes de Nîmes, coupant quatre oreilles tel un cyclone au nez et à la barbe d’un certain… José Tomás.
-De votre immense carrière, s’il vous fallait garder un seul souvenir, ce serait lequel ?
« Ouf… c’est une question très compliquée, mais en définitive il se pourrait bien que ce soit mon alternative à Arles... «
En 2008, il se sépare de l’équipe des arènes d’Arles pour rejoindre des apoderados espagnols Víctor López Caparrós et Eloy Lillo. Mais fin 2013, alors que Juan Bautista est apoderé par Alain Lartigue en Europe et Casa Toreros en Amérique, par un effet de chassé-croisé, Joselito Adame, apodéré en Amérique par Casa Toreros, confiera de nouveau ses intérêts européens à Alain Lartigue et Luc Jalabert pour les temporadas 2014/2015..
Torero tout terrain, il s’imposera tout au long de son parcours y compris dans les grandes ferias comme véritable figura del toreo du Mexique, son engagement lui valant de passer quatorze fois devant un chirurgien. Il est le torero mexicain qui a toréé le plus à la Monumental de Las Ventas de Madrid, 18 fois en 14 ans de matadors d’alternative, la dernière le 4 juin 2025, sa 600ème corrida de toros. Des arènes ou il a coupé 5 oreilles, mais sans connaître la grande porte
4 oreilles obtenues à la Real Maestranza de Sevilla et 37 dans celle de México, où il sortit 11 fois en triomphe.
Vous avez triomphé dans toutes les grandes arènes et ferias et pourtant les grandes portes de Séville et surtout de Madrid ne se sont jamais ouvertes. Des regrets ?
« Oui, mon histoire restera incomplète pour ne pas être sorti en triomphe de Madrid. Mais je me souviens de deux corridas ou on m’a étrangement refusé une seconde oreille, des faits, d’une certaine manière, qui me consolent un peu…«
Dans son pays, il a conquis la Plaza Mexico et celle de Guadalajara, les deux plazas de toros les plus importantes du Mexique, où il a pu toréer avec succès à plusieurs reprises. 29 fois à La Mexico et 28 fois à celles de Nuevo Progreso avec 30 oreilles et deux queues dans son esportón. À Aguascalientes, sa terre natale a tout emporté et il est aujourd’hui une véritable idole dans et hors des arènes…
Mais Joselito Adame en tant que figura del toreo est la figure de proue pour la défense de la tauromachie à Mexico. Le torero hidrocálido, s’étant érigé en opposant juridique à la « Loi Brugada », une loi promulguée par le gouvernement de la ville de Mexico voulant modifier les lois sur les spectacles publics et la protection et le bien-être des animaux pour interdire les corridas dans la capitale mexicaine…
Joselito n’a pas fermé la porte à un éventuel retour. Son “punto y aparte”, la conclusion de son communiqué ne sonne pas comme une retraite définitive, pouvant laisser penser à une pause pour retrouver de nouvelles perspectives et peut-être revenir plus fort. En tant que torero, il sait que les arènes et les aficionados ont un pouvoir d’attraction irrésistible… à suivre.
Et votre futur ?
« Apoderado de toreros ? Non, je souffrirais trop d’avoir à conseiller une personne qui va risquer sa vie devant un toro ».
En attendant, il s’occupe de sa ganadería “La Asunción”, qu’il a créée dernièrement à partir de bêtes d’origines Armando Guadiana et qu’il a installé dans sa finca de Guadalupe, en la province de Zacatecas, avec son associé Luis Morán…
Texte et photos : Thierry Ripoll




