Le manard en baskets de lumières…

 

A quelques exceptions près, il n’est pas fijo.

Il ne fait pas vraiment partie de la cuadrilla qui le considère pour ce qu’il est.

Un épisodique saisonnier local, un intermittent humble, un modeste serviteur.

Qui n’existe que par procuration d’utilité.

Une silhouette qu’on commande, du trottoir de l’hôtel au piso du callejón.

Du café con leche porté à la chambre du picador au coffre de la furgoneta.

Son visage est souvent ordinaire et sa voix souvent aigue.

Beaucoup ignorent jusqu’à son nom et ne le calculent pas quand ils récupèrent le capote qu’il leur tend après le «Voy, voy, voy !» qui le distingue.

Il porte les malles et essuie le sang ; l’éponge et la brosse métallique sont ses trastos.

Il tient la cigarette à disposition et époussette la poussière des alamares.

Bouteille d’eau en la mano derecha et chiffon sali dans l’autre, il va ainsi.

Servant du valet dans l’ombre duquel, derrière, il se tient.

Et dont il doit anticiper les ordres dans le mutisme qui convient.

Son allure ne doit dire autre chose que le dévouement.

La retenue est son corte, l’effacement sa faena.

Son état ignore la gloire.

Mais des toros et des hommes, il connaît l’écume.

Image désuète de la subordination, il se tient au bas bout de la table et n’accède pas à l’intimité du maître.

Qui, en metálico lui fait remettre ses gages ; 200€ mas o menos.

Comme prix mérité d’un travail accompli dans la sueur et la grâce.

Faisant d’un manard en baskets de lumières.

Une simple et belle figure taurine.

 

Patrice Quiot