Ce « Gitanillo de Paris » et quelques anecdotes supplémentaires…

Quelques-uns se rappellent que son prénom était Patrick, mais la majorité ne se souvient pas de son nom.

Son nom, c’était Macet.

Patrick Macet, il s’appelait, l’ami.

Il venait de Paris, voulait être figura du toreo et, à sa façon à lui, le fut.

Il restera dans nos mémoires comme le «Gitanillo de Paris».

Teint d’argile, chevelure noire coiffée en arrière, yeux de goudron, nez fort et menton en galoche il avait une «pinta» qu’auraient adorée Federico Fellini ou Jérôme Savary.

Il était persuadé qu’il était torero.

Par essence.

Digne comme un prélat de la curie romaine, grave et tragique, il faisait en sorte que son allure affichât les attributs de la profession et même si ses pull-overs moulants à col roulé en lycra contredisaient la chose, il s’attendait à ce que la profession lui en donne l’onction.

Il allait seul et depuis qu’une vache Camargue lui avait tiré une grosse branlée, il ne s’adressait  presque plus aux autres, s’enfermait dans sa solitude, s’affichait avec une vieille dame souvent vêtue de couleurs pastel qui, disait-on, exerçait la profession de psychanalyste, usait d’un vocabulaire que n’aurait pas renié Chateaubriand, chantait quand on le lui demandait le grand air du toréador et écrivait des poèmes qu’il déclamait à haute voix.

A Nîmes, au snack «Hollywood», il déjeunait  exclusivement de steaks tartares.

Et payait avec des billets de cinq cents francs.

Il était magnifique.

Ainsi, à Seissan, au début des années soixante-dix quand les arènes se situaient au bas du village, proches de la halle et à l’époque où «El Boticario», Cosme Saens, «L’Indienne», Zocato et bien d’autres encore y firent le paseo, le «Gitanillo» s’habillait à l’hôtel Samaran et, de la fenêtre de sa chambre, demandait aux aficionados des conseils pour le choix de son costume de lumières.

Ainsi, à «La Belugue», au cours d’une tienta où il venait de práctico après J.A Campuzano, il donna une seule passe à l’issue de laquelle il  vint à Hubert Yonnet et, le visage défait,  lui dit en le toisant  : « Ganadero, la vache est toréée ; me voy ! »

Ainsi, à Michel Nodet qui s’intéressait à son errance et qui avait dit à Patrick qu’il pouvait l’appeler au cas où il aurait besoin de quelque chose, il  répondit : «Je vous appellerai tous les jours. »

A Caissargues, son amie psychanalyste l’ayant interpellé du haut des gradins d’un : «Tu n’as pas de c… », il se retourna très lentement  vers elle et, muy torero, lui répliqua : « Je sais, chérie ! »

Il était d’une extrême minutie.

A Caissargues où il venait quelquefois s’entrainer, il demanda à Patrick Varin de lui faire le toro en lui précisant : «S’il vous plait, un d’Espelly de trois ans et qui ne soit passé que deux fois ! »

Avec la précision d’un guide Chaix, il notait ses fechas sur un «Filofax» relié en crocodile.

Le coffre de sa voiture débordait de capes et muletas.

Et  à Lansargues, il fit la vuelta al ruedo des branches de platane à la main.

Jean Rossi en fit le personnage d’une nouvelle.

On raconte qu’il mourut dans la misère, on ne sait où, un peu avant les fêtes de Pâques de l’année 2006.

Loin de Belleville, mais proche de la calle Pureza, décadent et romantique, le «Gitanillo» était un chemineau immortel du mundillo.

On raconte aussi que lorsqu’il se présenta à la porte du paradis des toros, il y avait une enveloppe pour lui.

A l’intérieur, le «Gitanillo de Paris» y trouva le callejón de l’éternité…

Patrice Quiot