On va dire que cela ne fait pas loin de vingt-cinq ans que je la connais.

Depuis un après-midi à Béziers quand je l’avais dépannée d’une entrada extraite d’une enveloppe blanche que m’avait fait préparer le Commandant.

On va dire qu’une fois, dans sa voiture, elle me demanda  de lui parler de la corrida du jour et moi  des sols karstiques et de la formation des couches sédimentaires.

On va dire que sa grand-mère aimait les antiquailles.

Tandis qu’elle s’occupait à mesurer les préférences des consommateurs en matière de pâtes alimentaires ou à sonder leur opinion sur les nouveaux médicaments.

On ajoutera que je crois savoir qu’au petit-déjeuner, elle boit du thé.

On ajoutera aussi que dans le domaine de la géographie, elle en connait un rayon.

On ajoutera encore qu’elle a pu observer le vol des colibris.

On précisera que j’ai toujours adoré son rouge à lèvres et ses chemisiers échancrés.

On précisera aussi qu’elle connait mieux la Colombie, Manizales, Baranquilla, les indiens Wayu de la Guajira ou les Arhuacos que la composition du Nîmes Olympique.

On précisera encore qu’on se voit très rarement, mais qu’elle figure dans mes contacts comme sur mes applications «Messenger» et «What’sApp».

Si Dios quiere et si elle est bien sage, je l’ajouterai à mes favoris.

On va dire que les fois où on se rencontre, c’est après une corrida, souvent à Nîmes et presque toujours devant « Le Lisita » où le samedi soir de la Pentecôte 2006, nous avions partagé une brandade en soufflé et tombé une paire de bouteilles de blanc des Costières.

On va dire qu’elle s’est bien remise d’avoir égaré une médaille de la Vierge du Roco et qu’elle aime les œillets.

On va dire qu’elle m’attendit en vain à l’aéroport de Fréjorgues le jour où je m’étais cassé la jambe dans un pueblo de la Gross Allemagne.

On attestera qu’elle fut le témoin d’alternative d’aficionado de mon ami Cédric Bourges et qu’elle ne déteste pas se coucher tard.

On attestera que lorsque, du haut de mon tendido, je lui demande de me prendre en photo, elle le fait.

Comme on attestera que dans le monde des toros, elle se débrouille comme une cheffe et qu’elle est toujours déjà là.

On indiquera qu’avec d’autres, elle anime une émission de radio, fait vivre un site dédié et préside la section Sud-est des revisteros français, ce qui lui donne l’occasion de remettre des trophées de goût discutable à ceux qui les ont gagnés.

Une fois, elle m’a dit que je n’avais pas de rides.

On indiquera que nous fîmes partie de la cuadrilla de «Los Chicos» et des cafés toro avec l’ami psychanalyste Georges Philibert.

On indiquera aussi qu’elle fut oncques la Cristina Sánchez de «Télé Miroir».

On indiquera encore qu’elle les a presque tous interviewés en souriant.

Que son IMC est stable et qu’elle est fidèle à son eau de toilette.

Que rester droite dans le callejón ne la fatigue pas.

Et que le chapeau en paille griffé «France Bleu Gard Lozère» lui va bien.

On va dire qu’elle parle la langue de Cervantes avec l’accent de Laura Restrepo et celle de Chateaubriand avec un accent qui n’est pas celui de Calvas ou du Creux des Canards.

Bien évidemment, elle me vouvoie.

Et, bien évidemment, je la vouvoie.

Elle aime faire la sieste.

Elle adore la vie.

Je la crédite d’un million de «Like».

Her name is P, Agnès P.

Patrice Quiot