Publiée le 25 février 1912.

Adressée à « Corrida Si » par Michel Marcos, « El Quijote » et mise en ligne sur le site.

Avec coquilles d’époque et annotations de MM…

« Oncle et neveu (2)

Après avoir donné quelques courses dans différents départements français, il vint en Espagne où il alterna avec El Gallo, Fuentes et Bombita à Valencia, Barcelone et Bilbao. Mais désireux de se soumettre au jugement des aficionados madrilènes, il décida de venir à la Corte, comme il l’a fait enfin, recueillant des sympathies unanimes et d’enthousiastes applaudissements.

Robert est très content de l’accueil affectueux que lui fit le public le jour où il prit l’alternative, et comme grâce à l’émotion très naturelle qu’il éprouvait à travailler pour la première fois dans notre plaza, il n’a pu faire valoir à son gré les qualités qu’il possède, il se dispose à nous faire une nouvelle visite dès qu’il aura satisfait aux engagements qu’il a contractés en France.            

« Après de brillantes courses en Espagne, en France et même en Italie [Vérone, 3 et 8 septembre 1893], notre matador landais vit sa fortune compromise lors de la malheureuse course d’Enghien en 1901 [en fait le 4 juin 1900, évènement marqué par des manifestations violentes et même un double tir de pistolet d’un Suédois contre Robert qui esquiva, les deux balles blessant le péon El Chato ; les “anti” sévissaient déjà…].

Vingt-deux procès furent le lot de notre malheureux compatriote qui dut s’expatrier.

Au Mexique, son succès fut considérable. Pendant plusieurs temporadas, il se mesura aves les meilleures épées d’Espagne. Il tuait une centaine de toros par temporada et ne fut jamais blessé [inexact ; Félix fut blessé par exemple, à Montfort-en-Chalosse, puis à Séville, en juillet 1895 ; mais il est vrai qu’il le fut rarement].

En 1908, le 20 avril [le 19 ?], il offrit à Ciudad Juarez sa course de despedida, coupa la coleta et se maria avec la señorita Trinidad Ochea, fille du député et grand capitaliste de Juarez [Don Inocente Ochoa. En fait, Félix Robert toréa encore deux fois en 1909 – Tijuana, Mexique – et deux fois en 1911 – dans l’Utah, USA].

Il vint en Europe avec sa dame et put assister dans nos Landes aux courses de Cazères, Samadet, Saint Pierre, Dax, St-Sever, etc…

Il offrit à Samadet au vaillant matador provençal, Le Pouly, un magnifique portefeuille qui lui avait été donné par une charmante artiste italienne Luiza Tetrazzini en plaza de Chihuahua, le 8 mai 1905 [je n’ai pas trouvé trace de cette course ; peut-être celle du 23 avril à Ciudad Juarez, état de Chihuahua ; Luiza Tetrazzini, célèbre soprano, se trouvait effectivement au Mexique de 1903 à 1906].

Notre compatriote, F.Cazenave [(sic) le véritable patronyme de Félix Robert était Pierre Cazenabe] revint ensuite au Mexique où il est impresario [correctement écrit cette fois !]. Depuis peu, il a acheté une écurie de courses.

Il n’aspire qu’au jour heureux où il pourra venir se reposer dans ses chères Landes [il mourra en fait à Marseille, le 19 janvier 1916, 52 allées de… Meilhan !] »  

Datos :

Pierre Cazenabe naît le 4 avril 1862 à Meilhan, près de Tartas, dans les Landes. Il fait ses débuts dans la course landaise jusqu’en 1891, année où il s’oriente vers la course hispano-landaise. Après une tournée aux États-Unis, il s’inscrit dans une école de tauromachie de Séville qui lui délivre un « diplôme de matador français ».

Il prend l’alternative le 18 novembre 1894 à Valence (Espagne), face à des toros de la ganadería Conradi. Il semble être le premier matador français à avoir ainsi pris une alternative espagnole. Il est également le premier français à confirmer son alternative à Madrid, en 1895. À cette occasion, orthodoxie oblige, il est obligé de couper ses célèbres moustaches.

La même année 1894, face à l’interdiction préfectorale relative à la loi Grammont, la ville de Dax maintient sa corrida. Les forces de l’ordre interviennent et le désordre s’installe. En intervenant sur la piste, le toro se fait un devoir de déloger le clairvoyant commissaire de police. Effrayé, l’intrus, le « diable » aux fesses, laisse échapper le toro. Semant l’effroi et la terreur, le toro, traversant le parc, poursuit son chemin en direction de la fontaine et Félix Robert réussit à le rattraper et à le tuer dans une rue dont le nom (rue du Toro) commémore l’incident.

En 1895 à Barcelone, le taureau navarrais de la ganadería de Ripamilan entre en piste et… saute dans les gradins, mais fort heureusement ne blesse personne. Alors qu’il est immobilisé par la cuadrilla, la garde civile l’abat tout en tuant un employé des arènes.

Félix Robert torée en France, en Espagne, et même au Mexique à partir de 1897. Dans ce dernier pays, il épouse Trinidad Ochoa, fille d’un banquier et parlementaire, organise près de la frontière des parodies de corrida pour la clientèle yanki, fait combattre des toros contre des ours et amasse un pactole. La révolution zapatiste le chasse du Mexique. Il dirige alors un cirque de cent chevaux, aux États-Unis, dans l’Utah. Il possède aussi une écurie de courses de chevaux, et Dale Pierce le cite comme une des soixante personnalités de l’Ouest américain, aux côtés de Billy the Kid, Butch Cassidy, Geronimo et Kit Carson.

Il revient en France et s’établit à Marseille en 1913 où il épouse Anne-Marie Rebuffel. Il tentera en vain de doter la ville d’arènes. Il y meurt le 19 janvier 1916 et est enterré au cimetière Saint-Pierre.

Alternative : Valence (Espagne) le 18 novembre 1894. Parrain, Fernando Gómez « El Gallo ». Taureaux de la ganadería de Conradi.

Confirmation d’alternative à Madrid : 2 mai 1899. Parrain, Enrique Vargas « Minuto » ; témoin, Francisco Bonar « Bonarillo ». Taureaux de la ganadería de Pérez de la Concha.

Patrice Quiot