En illustration de la mise à la forme négative de l’aphorisme d’Horace, cette reprise d’un article de l’ami Roland Massabuau dans le « Midi Libre » du 28/05/2020 et d’actualité à quarante-deux jours de la Pentecôte nîmoise.  

« Il y a exactement 53 ans, une annulation due aux événements :

Au plus fort des mouvements sociaux, autour de sept millions de grévistes ont été comptabilisés sur le territoire national, chiffre auquel il faut ajouter les salariés contraints au chômage technique. En mai 1968, la France a été secouée par des événements d’une incroyable ampleur et, sur certains sites, d’une extrême gravité. Si Paris, sans comparaison avec la plupart des villes de province, a connu des journées de violence, Nîmes a cependant été amenée à s’interroger sur le maintien de sa feria.

Puis annoncer sa suppression.

À Nîmes, le 13 mai, lancé d’abord par les lycéens d’Alès suivis par leurs collègues locaux, le mouvement s’est surtout traduit par des rassemblements imposants (20.000 à 30.000 personnes estimées), sans débordements inquiétants. Mais tandis que la fin du mois approchait, dans un contexte où les services publics étaient paralysés, les moyens de transport quasi inexistants et le carburant introuvable ou rationné, impossible d’imaginer une Pentecôte digne de ce nom.

Donc, aux oubliettes les abrivados du boulevard Victor-Hugo ou d’ailleurs, la Pégoulade avec majorettes ou le club des Allobroges nîmois en tenue de gymnase, et éteintes les musiques des peñas ou bandas espagnoles. Et enfin, en toute logique, écartée l’idée, aux arènes, d’organiser des après-midi avec face à face toros et toreros venant d’Espagne.

Pour cette feria de Pentecôte 1968, le prestige devait, à l’origine, être au rendez-vous trois jours durant.

Ferdinand Aymé, alors gestionnaire des arènes de Nîmes, avait, pour ce premier week-end de juin, affiché tout ce que la tauromachie d’alors comptait de plus brillant et attractif. Pour l’ouverture, le 1er juin, c’est avec la classe de Paco Camino que devait s’ouvrir le cycle. Au poste de chef de lidia, l’Andalou aurait dû partager l’affiche avec El Cordobés et Miguel Márquez (maestro un peu oublié aujourd’hui, mais qui, en 1968, honora 101 contrats !), face aux toros de Buendía. Le 2 juin, c’est Diego Puerta qui était annoncé, accompagné de Paquirri et Pedrín Benjumea pour combattre les Lisardo Sánchez. Et, le lundi de Pentecôte, place à Antonio Ordóñez, Palomo Linares et Santiago Luguillano devant des María Teresa Oliveira.

Mais, grilles des arènes fermées, ni paseo à applaudir, ni la domination des toreros à saluer. Décision fut prise de faire combattre le premier lot le 4 août (avec José Falcón à la place de Miguel Márquez), et de voir les toros de Lisardo Sánchez fouler le sable le 14 juillet. Ce jour-là, où Miguel Márquez était venu en substitution de Diego Puerta, les caméras de Claude Lelouch étaient présentes, comme le rappelle Marc Lavie, fondateur et éditorialiste de l’hebdomadaire Semana Grande. Des scènes de cette corrida figurent dans le film « La vie, l’amour, la mort ». Enfin, pour le bétail prévu le 3 juin, direction Fréjus (arène également gérée par Ferdinand Aymé), mais avec un cartel différent.

Ainsi se déroula, avec un autre paseo le 25 août, l’essentiel de la temporada. Saison 1968 qui connut d’ailleurs un épisode final explosif. En effet, au cours de la corrida des Vendanges, la colère du public gronda à cause du peu de force et de présentation du lot de Juan Pedro Domecq.

Au milieu du tumulte, Antonio Ordóñez, chef de lidia du jour, se retira de la piste et mit dans les mains d’un aficionado ayant sauté des gradins sa muleta et son épée. Dans un climat voisin de la folie collective, le jeune homme dessina quelques passes et estoqua le toro.

Il s’appelait Bernard Domb, il devenait définitivement Simon Casas…

Annulations liées aux événements du moment sont intervenues dans le cadre des Vendanges, en septembre.

2002 : (22 morts), des inondations survenues dans le Gard les 8 et 9 septembre.

2001 : Le vendredi 14 septembre, la corrida d’ouverture des Vendanges est annulée. C’est une journée décrétée deuil national à la suite des attentats du 11 septembre à New York.

1975 : La corrida des Vendanges du 28 septembre est rayée du calendrier. Une décision de la municipalité conduite par Émile Jourdan suite à l’exécution, la veille en Espagne, de cinq militants basques condamnés à mort par le régime franquiste. »

Datos :

– Prévue du 28 mai au 1er juin, la feria 2020 et toutes les festivités périphériques ont été officiellement annulées le 8/04/2020.

– « Bis repetita placent » est ce célèbre aphorisme inspiré par l’Art poétique d’Horace (circa 13 ap. J.-C.), dans lequel le poète déclare que telle œuvre ne plaira qu’une fois, tandis que telle autre répétée dix fois plaira toujours.

– Horace (en latin Quintus Horatius Flaccus) est un poète latin né à Vénouse dans le sud de l’Italie le 8 décembre 65 av. J.-C. et mort à Rome le 27 novembre 8 av. J-C…

– La carrière littéraire d’Horace peut se diviser en trois périodes. Dans la première, il composa ses Satires et ses Epodes, qu’il termina en 29 ou 30 av. J.-C., à l’âge de trente-six ans le premier livre des Satires avait paru avant Actium, en 34 ou 35; le second fut publié en même temps que les Epodes. La seconde période va jusqu’en 24 ou 23, époque à laquelle Horace a publié les trois premiers livres des Odes, les deux premiers livres formant probablement un seul recueil. Dans la troisième, il fit paraître successivement : le premier livre des Epîtres en 20, à l’âge de quarante-cinq ans, comme il le dit lui-même dans la dernière pièce, qui sert d’épilogue; le Chant séculaire en 17; et le quatrième livre des Odes après l’an 13. Quant aux trois épîtres du second livre, on ne peut rien affirmer de certain sur la date exacte de leur publication.

Patrice Quiot