C’était le hasard.

Ils auraient pu choisir Caligula pour les méchants tigres.

Homère pour les sirènes nageuses.

Hannibal pour éléphants furieux.

Cyrus pour les noires panthères.

Hercule pour les lions.

Mycènes pour les graciles jongleurs.

Socrate pour le public et la ciguë tachetée.

Cicéron pour le «Quousque tandem abutere, Catilina, patientia nostra? ».

 

Mais ils s’arrêtèrent sur Bozo parce que c’est simple.

 

Court.

Pas bégueule.

Facile à prononcer ou à écrire.

Et que ça fait souvent sourire.

 

Ce fut donc Bozo.

Il n’y était pour rien.

 

Lui

Aurait aimé s’appeler :

 

Juan pour les cinq véroniques sans corriger la position du 12 juin 1913 à Madrid.

François-René pour la poésie des ruines et la fuite du temps.

José, comme «Gallito», né dans le ventre d’une vache.

Victor, celui de «L’expiation».

Manuel, comme celui de Palma Del Río, pour les poules volées.

Emile, celui du «J’accuse». Francisco, comme ceux de Camas ou celui de Sanlúcar, ceux du Grand Fleuve qui roule d’Hispalis à son embouchure.

Albert, comme celui de Mondovi, dont la mère était illettrée et à moitié sourde.

Antonio, celui de Ronda ou Luis Miguel, celui en barrera avec Ava…

John, celui de Salinas, celui de «Grapes of Wrath» ou «Uvas de la Ira» si on préfère…

 

Oui.

Il aurait aimé être torero.

Ou écrivain.

 

Mais.

Il savait qu’il ne le serait jamais.

Il mit ça sur le compte de son prénom.

 

Alors.

Il choisit une autre voie.

Et devint clown.

 

Destin en français.

Mìngyùn en chinois.

Fatum en latin.

 

Suerte l’appellent aussi certains.

 

Patrice Quiot