C’est également son premier habit de lumières qu’elle étrenne en compagnie de Fabien Castellani et Antonio Plazas devant les becerros de Gallon frères.
Raquel Martín, 17 ans, elle est conseillée par une grande dame torera Cristina Sánchez.
Raquel écrit par une « puerta grande » (la première pour une torera dans la cité rhodanienne) un chapitre important pour les Arènes d’Arles et Elle !
Raquel,
Compte tenu que je pourrais être ton grand-père, je me permets le tutoiement. Vu ton âge , le terme Madame serait pompeux, l’appellation Mademoiselle est devenue discriminatoire. La discrimination, sous prétexte de bienséance, a longtemps interdit aux femmes l’Art de Cuchares.
Francisco Goya rendra hommage dans sa planche 22 de la Tauromaquia à Nicolasa Escamilla « La Pajuelera », Gustave Doré fera de même avec Teresa Bolsi.
La lidia se déroulait exclusivement en jupe (falda). Dolores Sánchez « La Fragosa » cassera les codes en 1886 en revêtant le traje de luces, et engagera une cuadrilla masculine (1).
Le clergé (sic), puis le ministre de l’Intérieur d4Antonio Mauro interdit le 2 juillet 1908 le toreo à pied aux femmes, l’exécuteur s’appelle Juan de la Cierva. Un temps abolie, cette prohibition durera pendant les années quarante sous le régime de Francisco Franco.
La première femme à apparaître dans les cartels mixtes sera Juana Cruz de la Casa. Au-delà du sexisme, ses orientations politiques (dite rouge…) la feront s’exiler en Amérique Latine.
La première alternative féminine se fera au Mexique le 17 mars 1940 (2), pour « Juanita Cruz ».
Lola Gómez « La Murciana » (comme Juan de la Cierva !) sera la première « espontanea » le 19 décembre 1954 à la Condamina (Murcia) devant un toro dévolu à Manuel Cascales, elle a 20 ans.
Sous l’apodo « la Moratallera », la France lui ouvrira ses portes : le 13 mai 1956 à Manosque (Basses Alpes) avec Ramón Gallardo et Aguado de Castro. Pour un grand triomphe.
Mary Fortes (mère du torero Jiménez Fortes) toréa en France avant de couper une oreille le 11 juillet 1976 à Pampelune (San Fermín).
Tu vois, les toreras espagnoles ont peut-être « boosté» (vocabulaire jeune) les vocations dans l’Hexagone : Marie Gandia, Marthe Sabatier, Palmyre Camacho puis plus tard : Evelyne Fabregas, Marie Neige, Nicole Luchmaya « la India », Anne Cerda (liste non exhaustive).
Mireille Ayma Laget, pour la première fois en France, indulta un novillo de « Yerbabuena » (Ortega Cano) à Saint Vincent de Tyrosse le 8 mai 2000.
Pierrette Le Bourdiec « la Princesa de Paris » fut la victime d’une cabale de la part du Maestro Marcial Lalanda, plus par francophobie que pour son genre, puisque l’inventeur de la « mariposa » était supporter de Juanita Cruz !
Cosas de Hombres !
Tu vois, à ce stade là, la situation pour les toreras semblait sans issue, hormis le toreo à cheval avec interdiction de descendre… En 1972, l’Alicantine María Hernández Gómez « María de Los Angeles » (rejoneadora) accompagnée de l’avocat José Briones entamera une bataille juridique de longue haleine. L’abrogation de l’article 49, paragraphe C, du Règlement Taurin sera effective le 10 août 1974. Les femmes pourront toréer à pied.
Le Nouveau Monde (sans jeu de mots) a déjà consacré sa deuxième torera d’alternative, la Colombienne Bertha Trujillo « Morenita de Quindia ». Elle sera la première à étrenner son doctorat en Europe. Après 2700 toros estoqués, elle reste à jamais « l’Emperadora del Ruedo ».
La route est difficile, mais chaque étape est importante :
– premier cartel 100% féminin pour l’alternative de Lupita López à la Monumental de Mexico.
– Premier encerrona pour Hilda Tenorio, toros de Brito à Tepotzotlan (Mexique).
– six toreras pour six élevages différents à Aguascalientes (Mexique).
Ta mentor Cristina Sanchez gravera quelques dates en or :
– 24 juillet 1995 Puerta Grande (Madrid) première pour une novillera.
– 31 septembre 1995 : première présentation d’un torera à Séville.
– 25 mai 1995 :quatre oreilles pour son alternative nîmoise (première en France).
– le 12 mai 1998 : confirmation à Madrid (San Isidro).
– le 12 janvier 1997 : confirmation à Mexico (toro « Duende » avec Armillita Chico et Alejandro Silveti). Quel symbole !
Dans les faits moins glorieux , certains sont à la charge de grands toreros. Le Maestro Antonio Ordóñez « les femmes cuisinent et s’occupent des enfants » (à Maribel Atienza).
Le maestro Martial Lalanda « risquer de se trouver nue pendant la lidia » (Pierrette le Bourdiec).
Jesulín de Ubrique « les femmes dans les gradins ou à la cuisine » (à Cristina Sánchez).
El Ruedo, sous la plume du journaliste Don Antonio « c’est être païen de voir une fille blonde dans les cornes d’un toro » à l’encontre de Pierrette Le Bourdiec.
Heureusement, le grand Curro « La esencia de los toreros » le jour de l’alternative de Cristina Sánchez, balayera toutes ces scories par une media somptueuse verbale : « Le toreo est caresse, qui mieux qu’une femme peut le faire ! »
Raquel, à toi de rajouter un mot, une phrase, un chapitre à ce grand livre de la Tauromachie, tu as commencé ton texte à Arles ce 6 juin. Suerte Torera, Cariñoso abrazo.
Samedi 3 juillet 2021 – Jacques Lanfranchi »El Kallista »
(1) Généralement, les toreras avaient une cuadrilla 100% féminine pour faire attraction.
(2) Elle put toréer grâce à un permis spécial délivré par l’Union Mexicaine de Toreros et Banderilleros. Photos 1,2,3 DR – photo 4 Arles Daniel Chicot.
Bibliographie :
– La Fiesta Brava au Mexique, Heriberto Lanfranchi 1972.
– Taurologia.com. Juin 2016
– Pierrette Le Bourdiec, l’improbable parité. Octobre 2019 El Kallista