Mon petit frère.

Vingt-deux mois de moins.

Haut.

De taille.

Grand.

De cœur.  

 

Salle de sport.

Et stent cardiaque.

Voix usée.

Une oreille comme celles de Goya.

Lunettes de soleil.

Et des yeux avec un quicon de persienne.  

 

Les convenios de la banque.

Pour vivre.

L’art.

Pour bannière.

Les toros.

Pour le reste.  

 

Le boulevard Talabot de notre enfance.

La rue Fénelon de notre jeunesse.

Montpellier, Marseille, Mandelieu,

Nice et Cannes.

Au Sud.

Et les gradins des arènes, ensemble.  

 

Une allure de maestro en goguette sur la Croisette.

Une délicatesse de gestes.

Une retenue d’effets.

Une touche de décadence.

Un soupçon d’ailleurs.

Un cachet ancien.  

 

 

Elégant comme Roberto.

Méticuleux comme Enrique.

Raffiné comme José Mari.

Consensuel comme Hollande.

Lisse comme Ortega Cano.

Malin comme le «Chino».  

 

Tentador des brocantes d’amanecer.

Maletilla de musées aux lumières.

Aficionado à la daurade royale prise à la ligne.

Tendidos de Nîmes, Séville et Madrid.

Cocinero des poivrons, polisseur d’antiquailles et des bois flottés de la cabane.

Dévot de Morante et des boquerones fritos.  

 

Chavanieu du rangement.

Flamenco dans l’organisation.

Vêtements de soleil.

Anis au comptoir des amis des jours de fête.

Golfe-Juan, Vallauris et Grasse pour campo.

Et les étals des halles Forville comme mercado de abastos.  

 

Une détestation de l’ordinaire.

La plage et la mer qu’aimait Camus.

Le goût des belles choses et des points raflés à la pétanque.

L’Algérie des origines.

Et les montecaos à la cannelle.

Comme ceux de la pastelería «La Campana».  

 

Des phrases en adornos.

Sans doblones méchants.

Un lexique de plaisir.

De kikirikis.

De sourire.

Et de tendresse.  

 

Une syntaxe de la soie du capote de paseo.

Souple

Plissée.

Une forme comme un abandon.

Réservée.

Sans cuento.  

 

Sobre de manières.

Un Viti dans le mesuré.

Une douce préciosité.

Celle de Teruel.

Une rondeur exquise.

Un Margaux de 1951.  

 

Notre père en costume cravate.

Notre mère en exagération d’élégance.

Une grand-mère en marquise.

L’autre qui ravaudait nos chaussettes

Un grand-père en nœud papillon et monocle.

L’autre mort et connu seulement dans un cadre en bois de cèdre.  

 

Géraldine tout en culture et sourires.

Clément lumineux comme une passe de Thierry Henry. César de Paris à New-York.

Claude dans les pages des beaux livres.

Isabelle dans le scintillement des satellites.

Cristina comme Séville à la primavera.  

 

Et «El Rubio» de toute la vie.  

 

Un prénom.

En quatre lettres.

D’équilibre.

Deux voyelles au centre.

Deux consonnes en tablas.

Un tréma al cielo.  

 

Un nom.

En cinq lettres.

Trois voyelles au centre.

Deux consonnes en tablas.

Celui des faenas de l’aïeul.

Celui inscrit sur le pilier sud de l’Arc de Triomphe.  

 

Pas une ombre sur l’affiche de la fratrie.

Pas une ride dans l’encaste de l’affection.

Aucune cornada de jalousie.

Aucun susto de rancœur.

Une belle promenade de vie.

Un long paseo de ravissement.  

 

Mon petit frère.

Vingt-deux mois de moins.

De Constantine.

A Lamalou-les-Bains.

De Nîmes. A Cannes.  

 

Un hermano.

De bandera.  

Joël Jérôme.

Edmond.

Quiot.

 

Patrice Quiot