Dans une tribune publiée par le JDD le 1er août, profitant de l’exposition médiatique du sujet « corrida » consécutif à une campagne de communication de la Fondation Brigitte Bardot, 35 parlementaires appellent à l’interdiction immédiate au moment où la quatrième vague du COVID, préoccupe les français.
Pour les habitants des cinquante villes et villages répartis dans les trois régions du Sud qui ont en partage cette culture ancestrale – les jeux taurins y sont documentés depuis le Moyen-Âge, mais la tauromachie au sens large y est très antérieure – cette culture est un patrimoine commun transmis au fil des générations et un facteur indéniable de lien social.
Cette culture est également une source de richesse primordiale pour l’économie locale, et cette dimension est tout particulièrement significative cette année, quand, en l’absence du phénomène « feria », le public qui se rend très nombreux aux arènes contribue à la relance de l’activité de secteurs commerciaux dévastés par la crise sanitaire.
La corrida est enfin, ne leur en déplaise, une culture légale, inscrite dans la loi validée par le Conseil Constitutionnel et dans son Patrimoine culturel immatériel par l’État français, au regard de sa dimension artistique et de son enracinement dans ses « régions de tradition ».
Un patrimoine hérité de la culture Indo européenne et de la civilisation méditerranéenne.
Les principaux signataires de la tribune du JDD sont des antispécistes convaincus, ayant revendiqué à diverses reprises leur volonté d’attribuer aux animaux des droits qui prévaudraient sur ceux des humains, mais dont les initiatives parlementaires non dénuées d’arrières pensées peu avouables se sont toujours fracassées contre le mur du bon sens.
Comme divers sociologues l’ont montré, cet antispécisme est un anti humanisme qui s’inscrit dans le mouvement woke et la cancel culture, deux excroissances d’un néo maccartisme fascisant né aux États-Unis ces dernières années, dont les effets dévastateurs inquiètent à juste titre les responsables politiques des démocraties occidentales.
Prétendre détruire, comme l’a écrit le porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot pour justifier sa croisade contre les corridas, tous les acquis « des religions, des traditions et de la culture », équivaut à souhaiter l’effondrement de notre civilisation.
Le zèle mis par les cosignataires de cette tribune à s’engouffrer dans cette démarche aux relents xénophobes, dès lors qu’elle stigmatise dans son ensemble la communauté des aficionados qui se rendent aux arènes, permet donc de s’interroger sur la nature de leurs motivations : sont-ils tous des antispécistes radicaux favorables à un changement de civilisation, ou peut-on accorder à certains le bénéfice du doute, en considérant qu’ils n’auraient pas saisi la portée du texte qu’on leur a proposé de cosigner ?
Leur implantation géographique apporte un enseignement précieux : tous sont élus dans des circonscriptions non taurines, très éloignées pour la plupart des régions de tradition où les présidents de PACA, Occitanie et Nouvelle Aquitaine manifestent un profond respect pour ce patrimoine qu’ils soutiennent. De là à voir dans cette offensive exogène une réplique de la croisade des albigeois, sous forme d’un jacobinisme liberticide et inculte qui prétendrait réduire une nouvelle fois le Sud au silence, il n’y aurait qu’un pas si l’initiative n’était ultra minoritaire et menée par des élus en manque de notoriété.
En effet, il est heureusement significatif que seulement 35 parlementaires français sur 925 aient accepté de soutenir ce texte dont l’opportunisme prémédité est la caractéristique principale.
Fort heureusement aussi, les formations politiques au sein desquelles ces signataires militent ont affirmé à diverses reprises leur volonté, conformément aux conventions de l’UNESCO dont la France est signataire, de préserver la diversité et la multiplicité des cultures présentes sur le sol français, dont la tauromachie est une des plus anciennes au regard de sa dimension cynégétique qui précéda son évolution artistique : Clovis, Pépin le Bref, Charlemagne, pour ne citer qu’eux, affrontaient déjà le taureau sauvage vivant sur les territoires qu’ils unirent pour contribuer à constituer la France à partir du VIIème siècle.
Mais peut-être s’agit-il surtout, treize siècles plus tard, en cautionnant la déconstruction globale prônée par l’intersectionnalité libéro libertaire dont le radicalisme peut provoquer des crises plus graves que celle occasionnée par le COVID, d’effacer de la mémoire des français l’idée de Nation pour les « aider » à s’intégrer dans une mondialisation mortifère dont les peuples attachés à leur histoire ne veulent pas.
Aveugles à ces menaces qui préoccupent tous les experts en géo politique de la planète, 35 parlementaires français estiment donc que l’urgence est d’interdire les corridas… ce qui en dit long sur la pertinence de leur pensée à long terme et sur le respect qu’ils professent à l’égard de leurs concitoyens qui pensent et vivent différemment d’eux-mêmes.
André Viard
Président de l’Observatoire National des Cultures Taurines