PATRICE
Adolescent
Et vendeur de salades sur le marché de Foyos.
Figura du début des années 80
Banderilles de gloire.
Et Pozoblanco avec Paquirri et le Yiyo.
Vicente, seul survivant.
Le corbeau
Commençait à planer.
Série noire de succession de blessures.
Prothèse des genoux.
Quarante opérations.
Et béquilles d’invalide.
Une jambe bionique.
AVC à répétition
Urgences hospitalières
Et stents cardiaques.
Vingt années fuera des ruedos
Et plus de 100 kg.
Les toreros l’honoraient de leurs brindis
Vicente recevait cet hommage
Comme un signe.
Estropié, handicapé,
Il était condamné à ne plus se mettre devant un toro.
Déchéance physique.
Et chirurgie de guerre.
Pour un rêve.
Retoréer.
Simon lui refusa Valencia en 2014.
Il ne voulait pas qu’il soit ridicule dans une arène.
Par respect pour lui.
Il revient à Jativa le 17 août et coupe deux oreilles.
Et en décembre
Il donne l’alternative à Rafael de Foyos, celui de son village.
En ces deux occasions
Il essaye maladroitement, gauchement, de montrer
Que le «Sorismo»
Est toujours vivant.
Le 16 mars 2015, chez lui, pour célébrer ses trente-trois années d’alternative,
Exubérant, diminué, dramatique, Vicente reçut son second toro
A porta gayola
Assis sur une chaise.
Il tua les deux Juan Pedro.
Les derniers de sa vie.
Joyeux, Il avait banderillé le premier.
Al violín.
Et ses paisanos hurlaient son bonheur.
Il termina ainsi une carrière.
Condensé de ce que le toreo a de plus tragique.
De plus inattendu.
Et de plus pathétique.
Vicente a 60 ans.
C’est un infirme.
Malade.
Torero,
Il portait au poignet
Un élastique.
Celui qui lui servait à attacher les salades
Sur le marché de Foyos.
Aux heures de gloire de Vicente
Sa candeur ordinaire et simpliste me déplaisait
Je me gaussais de ses manières.
J’étais jeune.
Et idiot.
Depuis
Chaque fois que je l’ai croisé.
J’en ai eu honte.
Et j’ai baissé la tête.
Datos
Vicente Ruiz Soro « El Soro », né le 30 mai 1962 à Foyos (Province de Valence).
« El Soro » commence modestement en 1977, mais lorsqu’il aborde les novilladas piquées, c’est un triomphe. Le 5 mai 1980 à Puertollano avec Ángel Peralta face à des taureaux de Blanca Belmonte, il coupe quatre oreilles et une queue.
Après 45 novilladas, il prend son alternative à Valencia le 14 mars 1982 devant le taureau Agraciado de l’élevage Torrestrella, avec pour parrain Paco Camino et pour témoin Pepe Luis Vázquez (fils). Il confirme le 21 mai 1982 à Madrid avec pour parrain Rafael de Paula et pour témoin Pepín Jiménez, taureaux de Marqués de Domecq et de Joaquín Núñez del Cuvillo.
Il devient alors un matador incontournable qu’on retrouve dans les cartels les plus prestigieux : le 16 mai 1983, avec Emilio Muñoz et Paco Ojeda, il sort en triomphe des arènes de Talavera de la Reina après avoir obtenu deux oreilles et une queue. Il est célèbre aussi bien en France qu’en Amérique latine, en particulier pour sa dextérité à placer les banderilles dans des terrains réputés impossibles. On le retrouve souvent dans des cartels de maestros banderilleros avec Victor Mendes et Nimeño II.
Le 23 mai 1987, il est blessé à Madrid par un taureau de Baltasar Ibán. De nombreuses interventions chirurgicales ne réussissent pas à réparer son genou. « El Soro » ne peut plus marcher ; il se retire des arènes cette année-là. Après une brève réapparition dans le ruedo en 1993, il met fin à sa carrière le 9 mai 1994.
Il fait son retour dans les arènes de Xátiva (province de Valencia) le 17 août 2014 et triomphe en coupant deux oreilles à son second toro et revient à Valencia une dernière fois le 16 mars 2015…
Patrice Quiot