PATRICE
« Au Mexique, la loi Fédérale délègue aux États les conditions d’application de la législation sur la protection animale. La loi de protection animale de l’État de Mexico « interdit d’organiser des combats d’animaux et de donner en spectacle tout type de combat privé ou public incluant des animaux, à l’exception des corridas de toros, des charreadas et des combats de coqs, lesquels doivent se soumettre aux règlements et aux dispositions adéquates ».
Il en va de même pour l’État d’Aguascalientes qui précise que « sont exclus de l’application de la loi de protection animale, les combats, les corridas de toros, les novilladas et les festivals taurins ainsi que les travaux des champs tels que les tientas nécessaires à l’élevage des taureaux de combat, de même que les charreadas, jaripeos, coleaderos et, en général, toutes les suertes du sport national ».
Par sport national, il faut ici entendre toutes les activités qui touchent de près ou de loin à la charrería.
Au Pérou, la loi de protection animale souligne en des termes équivalents qu’elle ne s’applique pas « aux corridas de toros, combats de coqs et autres spectacles à caractère culturel reconnus par les autorités compétentes ».
L’Institut national de la culture reconnaît sous le terme de « corrida de toros » les innombrables façons de courir les taureaux incluant toutes les tauromachies populaires. Parmi les « spectacles à caractère culturel » sont également inclus les combats entre taureaux (peleas de toros) de la région andine d’Arequipa, ainsi que les turupukllay de la Yawar Fiesta.
Le 27 juillet 2001, le parlement péruvien a adopté une Loi taurine nationale qui vise à réguler toutes les facettes de la tauromachie, depuis les normes administratives relatives au secteur du loisir, jusqu’à la promotion de la culture taurine, en passant par les droits et les devoirs des spectateurs, des toreros, des entrepreneurs de spectacles, des éleveurs ainsi que les régimes d’infraction.
Le texte introductif exposant les motifs de la loi signale que, jusqu’à aujourd’hui, aucune loi spécifique ne protégeait ni les aficionados, ni les acteurs du spectacle, ni les autorités compétentes. Il est ensuite précisé que « ce projet comble un vide juridique en la matière puisque, jusqu’à présent, aucune norme de rang légal ne régulait cette activité régie par des dispositions administratives ou municipales ».
En Colombie, au même titre que les législations précédentes, l’article 7 de la loi no 84 de 1989 sur la protection animale précise qu’elle ne s’applique pas « au rodeo, au coleo, aux corridas, aux novilladas, aux becerradas et aux corralejas, ainsi qu’aux combats de coqs ».
Depuis 2004, le congrès colombien a lui aussi décrété une Loi taurine nationale (loi 916) garantissant l’application d’un règlement taurin unique. L’article 1 précise que « les spectacles taurins sont considérés comme une expression artistique de l’être humain » et l’article 2 ajoute que « le règlement est applicable sur l’ensemble du territoire national ».
La tauromachie quitte ainsi le cadre dérogatoire par une reconnaissance positive et institutionnelle de sa pratique.
Equateur : Les cas de la Colombie et du Pérou contrastent avec celui de leur voisin équatorien où il n’existe pas de loi taurine de rang national. En 2004, un groupe de pression anti-taurin est parvenu à faire annuler les corridas prévues à Guayaquil. À la suite de cet événement, à l’occasion de la féria taurine de Quito, un groupe composé d’aficionados, de syndicats de toreros, d’éleveurs, de journalistes et de responsables d’associations taurines, rédigea un manifeste pour la défense de la tauromachie au niveau local et au niveau national. Le Manifeste taurin de Quito, du 1er décembre 2005, s’inspire d’une ordonnance signée par le gouvernement métropolitain de la ville, le 12 décembre 2003, qui « reconnaît que les spectacles taurins à l’espagnole sont une tradition inaliénable des habitants de Quito et qu’il est du devoir de la municipalité de les promouvoir et de les diffuser en tant que biens culturels et éléments irrévocables de l’identité historique de Quito »
Enfin, au Venezuela, jusqu’à l’adoption de la Loi taurine nationale le 14 décembre 2005, les courses de taureaux étaient jusqu’alors autorisées par une close dérogatoire au champ d’application des lois de protection animale et régulées par diverses réglementations propres à chaque arène, inspirées du règlement espagnol de 1930. Le projet de loi rédigé en octobre 2005 possède deux objectifs clairs : réguler l’organisation des spectacles taurins et promouvoir les activités tauromachiques sur l’ensemble de la filière, dans le respect des principes fondamentaux et des valeurs universelles contenues dans la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela. Ce texte souhaite combler un vide juridique au même titre que le texte adopté en Colombie une année avant.
Parmi les mesures importantes, signalons que les spectacles taurins sont déclarés d’intérêt touristique national et qu’ils dépendent d’une Commission nationale des affaires taurines, sous tutelle du ministère du Tourisme.
Remarquons également qu’au Venezuela, la législation interdit aux personnes de moins de quatorze ans d’assister aux spectacles taurins, en raison de leur caractère violent. L’histoire de la tauromachie au Venezuela se caractérise d’ailleurs par de nombreuses mesures visant, sinon à abolir la corrida, tout au moins à en réduire le niveau de violence. C’est ce que montrent le décret de 1894 qui « interdit formellement de donner la mort à des taureaux durant ou après un spectacle public » et le décret de 1899 qui « interdit la pique des taureaux afin d’éviter les lésions et la mort des chevaux ». La suite de l’histoire montre que ces décrets restèrent lettre morte, mais un récent projet de loi de protection animale, déposé en 2007, soit deux ans à peine après l’adoption de la Loi taurine nationale, entend revenir sur les acquis du texte de 2005.
Les États-Unis constituent un cas atypique dans une géographie des corridas interdites, établie par pays, puisqu’elles sont autorisées en Californie sous une forme portugaise adoucie.
En effet, les corridas californiennes désignées par l’appellation de bloodless bullfighting se caractérisent, comme leur nom l’indique, par l’absence de sang animal durant le spectacle.
En 1960, le gouvernement américain avait pourtant interdit les courses de taureaux en adoptant des mesures de protection animale, alors que les californios, mexicains et descendants des Espagnols de la Haute Californie, organisaient encore des corridas notamment à Los Angeles.
Il faut dire qu’avant que les États-Unis ne s’approprient les terres septentrionales du Mexique, des villes comme Los Angeles, ou Santa Fe et San Antonio au Texas, organisaient, au moins depuis le début du XIXe siècle, des courses de taureaux, au cours desquelles se mêlaient corrida à l’espagnole et jeux dérivés des travaux de l’élevage, jaripeo et coleo.
En 1852, c’est même un Anglo-américain, un certain H. L. Kinney, rancher et ancien Texas Ranger, qui organise à Corpus Christi au Texas plusieurs jours de corridas avec au programme le matador Don Camarena et sa cuadrilla venus spécialement de Mexico.
Dans le dernier quart du XIXe siècle, les interdictions répétées et le poids de la American Society for the Prevention of Cruelty to Animals (ASPCA) semblent avoir considérablement limité le maintien de la pratique dans le Sud précocement hispanisé, ainsi que les tentatives d’introduction plus au nord.
Un article de 1933 de Kirke Mecham, nous éclairant sur ce thème, identifie en effet seulement quatre courses de taureaux avec mises à mort au cours de cette période : celles des 4 et 5 juillet 1884, à Dodge City, la célèbre ville du bétail, et celles des 24 et 25 août 1895, à Gillette, dans le district minier de Cripple Creek, situé dans les Grandes Plaines également, pour lesquelles ont été vendus plus de 3.000 billets à un public venu principalement de Colorado Springs et de Denver.
Au tournant du siècle, on note d’autres exemples, non exhaustifs, de courses de taureaux sans mise à mort, comme le 9 juillet 1901 à Omaa dans le Nebraska ou le 27 novembre 1902 à Kansas City dans le Missouri, toujours suivies de nombreuses protestations.
Kirke Mecham recense ensuite de 1922 à 1927, à partir du New York Times comme seule source, une douzaine de courses « modifiées », « simulées », « burlesques » ou bloodless, prouvant une nouvelle fois que la tauromachie, et ce jusqu’en Amérique du Nord, n’a pas disparu d’un seul coup sans de multiples adaptations et réemplois partiels. »
Source :
Casa de Velázquez
« Terres de taureaux »
Jean-Baptiste Maudet
Chapitre IV. Limites et discontinuités de l’espace tauromachique.
Patrice Quiot