Les clopes de Chenel.
 
Celle que fuma son père.
Prisonnier républicain.
Mort tubard en prison.
 
Celles que fumèrent ses frères.
Fusillés.
Par les mêmes.
 
Celle de la malnutrition.
Quand, à douze ans.
Il en parait six.
 
Celle interdite.
De la cour de l’école.
Fermée aux enfants des rouges.
 
Celle des mégots.
Ramassés dans les gradins de Las Ventas.
Pour les revendre.
 
Celle de «Manolete»
Qu’il voit, en blanc et or, appuyé au mur de briques.
Du patio de caballos de Madrid
 
Fumant.
« Le halo de son personnage hiératique et sacré se mêle à la fumée de sa cigarette.
Toréer, fumer, même encens » écrit Jacques Durand.
 
Celle du Castellón de l’exil.
Et celle de la gratitude.
Le jour où il y prit l’alternative.
 
Celle qu’il grillait.
Avant d’enfiler le terno.
Jamais bleu marine, couleur de la Phalange.
 
Celle qu’imaginant devenir banderillero,
Il alluma, désespéré, le huit août mille neuf cent soixante-cinq.
 
Avant les deux oreilles du toro de Felix Cameno.
 
Celle qu’il fuma.
Le quinze mai mille neuf cent soixante-six.
Après la mort d’«Atrevido», le toro blanc d’Osborne.
 
“Esto no es toreo de ayer, ni de hoy, sino de siempre; eso es torear sencillamente, pero con la sencillez de la elegancia, de lo delicado, de lo fino, de lo sutil”, écrivit Antonio Díaz Cañabate dans  « ABC ».
 
Celle qu’il fuma.
Le sept juin mille neuf cent quatre-vingt-quatre.
Avant «Cantinero» de Garzón.
 
Celle des faenas.
Au toreo.
En porcelaine de Ming.
 
Celle des cliniques pour y réparer des os de verre.
Qui se brisent.
En trente-quatre fractures.
 
Celle des tables de mus.
Celle du sixième doigt.
Qui aurait pu être une «Winston ».
 
Celle des décapotables de la richesse.
Et de sa mèche blanche en bamboche.
Sur la Gran Vía.
 
Celle de l’affliction.
Du « Dehors grand-père !»
De Bilbao en mille neuf cent quatre-vingt-un.
 
Celle de l’asphyxie.
Et de l’évanouissement en piste.
Le premier juillet deux mille un à Burgos.
 
Celle, la dernière.
Que probablement il fuma le vingt-deux octobre deux mille onze.
A soixante-dix-neuf ans.
 
Clopes.
D’une vie.
Comme une belle quinte de toux.
 
Cibiches de guerre.
D’un toreo.
De pétun d’élégance.
 
Cibiches des tranchées.
D’un toreo.
De perlot de grâce.
 
Clopes.
D’un torero.
Jamais assouvi.
 
Et celle, qu’étouffé de nicotine,
Et crachant ses tripes,
Chenel aurait particulièrement savourée.
 
Devant le monument de la Valle de Los Caídos.
Où séchait la dépouille.
De Francisco Franco Bahamonde.
 
Datos 
 
Antonio Chenel Alabaladejo « Antoñete », 24 juin 1932 Madrid / 22 octobre 2011, Majadahonda, Espagne
 
Débuts en novillada sans picadors : Madrid, Plaza de las Ventas en 1949.
 
Débuts en novillada avec picadors : Barcelone en février 1951.
 
Présentation à Madrid : 5 juin1952 aux côtés de Manuel Perea et de « Carriles ». Novillos de Nicasio López Navalón.
 
Alternative: Castellón de la Plana le 8 mars 1953. Parrain, Julio Aparicio ; témoin, « Pedrés ». Toros de Francisco Chica.
 
Confirmation d’alternative à Madrid : 13 mai 1953. Parrain, Rafael Ortega ; témoin, Julio Aparicio. Toros de de Alipio Pérez Tabernero.
 
Six Puertas Grandes.
 
Patrice Quiot