PATRICE
« Petit fils d’Etienne Boudin “Pouly I ” et fils d’Ambroise Boudin “ Pouly II ”, le dernier représentant de la dynastie taurine des “ Pouly ” vint au monde à Tarascon le 7 mars 1899.
Pierre Boudin grandira librement dans la manade familiale. S’il a peu de goût pour les études, il a par contre un véritable culte pour le cheval et le taureau. De quoi pourrait rêver l’enfant, sinon de suivre les traces de ses prédécesseurs. Nourri des exploits de son père, et des souvenirs de son aïeul, qu’il rêve de se vêtir de lumière à son tour.
Le jeudi de l’Ascension de l’année 1910, il va défiler à cheval, en tête du quadrille paternel.
Il a onze ans.
Le 20 octobre 1913, à Arles sur Tech, l’adolescent va user de l’épée pour la première fois, expédiant un becerro de Laugier. Il a pour compagnon de cartel Louis Laurent et porte un costume rouge et or qui appartint à son père et retaillé à ses dimensions.
Le 7 juin 1914, à Marseille, il entre en compétition avec Ambroise dans la lidia de novillos de Laugier, en función intégrale.
A quinze ans, Pierre étonne les aficionados par ses dons indéniables de torero et son habileté à manier la muleta. Intelligent, tenace, volontaire, têtu, il accomplit des progrès foudroyants qui laissent prévoir une belle carrière, que viendra interrompre l’entrée en guerre de la France.
Le 18 avril 1918, Pierre sera mobilisé au 3ème Chasseurs d’Afrique cantonné à Tarascon. Ce “ costaud” sera réformé pour faiblesse de constitution.
Le conflit terminé, Pouly III reprend le chemin des arènes.
En 1919, il participe à 13 novilladas sans mise à mort et se fait blesser à deux reprises: à St Rémy de Provence et Vichy.
A l’époque, Ambroise, imprésario des arènes de Marseille, a pour représentant en Espagne le banderillero Fermín Bernedo “ Valentín ”. Celui-ci qui a décelé chez Pierre les atouts de la réussite, incite fortement le jeune homme à tenter l’aventure en Espagne et Pouly va se fixer à Barcelone.
Le 28 mars 1920, il décroche un premier contrat bien modeste: il va estoquer deux “bichitos ” dans la partie sérieuse du spectacle comico taurin des Charlots de Pagès.
Le 4 avril suivant, il débute en novillada piquée, toujours à Barcelone en compagnie de “ Ginesillo ” Eladio Amoros et Manolo Granero.
Le 18 juillet, il va se présenter à Madrid avec “Jumillano ” et “ Almanseno II ” pour combattre du bétail Portugais de Netto Revello.
A l’idée de paraître devant l’exigeante et éclairée aficion madrilène, Pierre est paralysé par une frousse qu’il ne parvient pas à dominer. Sa besogne sera sans éclat, comme elle le fut huit jours auparavant à Valencia, où il reçut le premier avis de sa carrière.
Mais le 30 mai à Barcelone, il obtenait un tel triomphe face à des novillos de Surga, que le grand organisateur Eduardo Pagès décidait de chaperonner celui qu’il appelait: » l’étonnant Français « .
5 septembre 1920, Pierre Pouly va recevoir l’alternative des mains de “Francisco Martín Vázquez et de Joaquín Sanz ” Punteret » avec du bétail de Félipe Salas.
Cérémonie sans gloire et investiture non reconnue en Espagne. Pierre va continuer d’alterner en novilladas.
Le 19 septembre à Málaga, face à des taureaux de Rincón, énorme triomphe !
Le succès est tel qu’il fut promené sur les épaules de ses admirateurs enthousiastes des arènes jusqu’à son hôtel distant de trois kilomètres.
Une fois dans sa chambre, il dut paraître à son balcon à cinq reprises pour répondre à l’ovation incessante de la foule qui ne se dispersait point.
Chaque fois que Pouly en parle, les larmes lui viennent aux yeux.
Le 24 avril 1921, débuts au Portugal dans les arènes de Campo Pequeno à Lisbonne.
Le 7 août 1921, c’est enfin le grand jour tant espéré, l’alternative officielle à Barcelone avec “ Carnicerito de Málaga ” et le mexicain“ Juan Silveti”. Son taureau “ Bonito ” N° 99, de robe noire, appartient à la ganadería de Don Estebán Hernández. Le récipiendaire fera la preuve d’un métier déjà affirmé, bien que ne pouvant se débarrasser du trac qui l’étreint en présence d’un manso.
Don Ventura, critique taurin, écrira: « Pouly a su parfaitement s’adapter au taureau espagnol. Sans être Cayetano Sanz, c’est maintenant un grand lidiador «
En fin de temporada, dans son annuaire « Toros y Toreros 1921 », Luis Uriarte écrivait: » Pouly mérite tous les éloges pour l’indiscutable et titanesque effort que représente sa consécration à la popularité. «
Le 25 septembre, Pierre apporte son concours désintéressé à une corrida “patriotique” au bénéfice des œuvres sociales de l’armée du Maroc. Le roi Alphonse XIII le récompensera en lui offrant une bourse en or fin.
Le 16 novembre “Pouly ” s’embarque à Bordeaux pour le Venezuela où l’attendent deux contrats. Il débute le 3 décembre pour conférer l’alternative à « Grégorio Garrido », et son succès est tel que les contrats seront renouvelés. Il restera à Caracas jusqu’à la fin du mois de février 1922, prenant part à onze corridas.
Il rentrera en Europe avec 25 oreilles et 8 queues.
Le 28 mai 1922, c’est la confirmation à Madrid avec “Fortuna ” et “National II ”. Taureau de“ Pérez de la Concha”, N° 19 “ Madrilito ”. Tarde très honorable, consciencieux et vaillant, supérieur à l’épée.
Le 27 août suivant, à Colmenar Viejo, un taureau de » José García Aléas » lui infligera une grave blessure (quatre trajectoires dans la cuisse droite) qui lui fera perdre de nombreux contrats.
Le 17 septembre, encore convalescent, il paraît à Arles pour tuer les “Miura ”, ce qui n’est point une simple formalité. Estoquant ses adversaires de manière sensationnelle, Pierre fera le plein de trophées.
Cette reprise prématurée fut une erreur grave. La blessure est mal cicatrisée, et une phlébite viendra compliquer les choses. Il renonce à la campagne mexicaine qui s’annonçait fructueuse.
Il ne prendra plus jamais le chemin des Amériques. »
Sources :
Pas retrouvées ; avec nos excuses au rédacteur.
Patrice Quiot