La géographie souvent éclaire le paysage social, voire politique. C’est le sens de cette science récente et passionnante que l’on appelle anthropologie. Ainsi, on voit bien, et cela a été pointé par le gouvernement récemment, qu’à l’exode rural succède désormais une sorte d’exode urbain. Comme de nombreux concitoyens préfèrent la construction « horizontale » à l’habitat « vertical », contrairement aux recommandations, ils vont tenter leur chance à la campagne loin des centres ou des périphéries urbaines qu’ils jugent invivables.
 
Les plus fortunés choisissent le bord de mer. Retraités pour la plupart, ils se retrouvent entre eux et comme ils bénéficient de services (sécurité, propreté, culture) qui leur conviennent, ils s’en trouvent bien pour la plupart. Bien sûr, cela implique une sélection par l’argent, mais n’est-elle pas à la base même de notre société ? Près de nous, Biarritz est l’exemple type de cette destination qui a pour conséquence une hausse vertigineuse de l’immobilier local et une éviction des locaux qui chercheront fortune ailleurs. Ils s’en plaignent…
 
Désormais, pour d’autres raisons, les citadins, souvent jeunes, choisissent l’exil à la campagne et cela est vrai aussi dans le Béarn. Les conséquences de cet éloignement des centres sont négatives pour l’environnement et d’abord pour les budgets familiaux. On voit ainsi se former de longues files de voitures vers 17 heures à la sortie de Pau, route de Bordeaux notamment. Voitures occupées par une seule personne. L’automobile a, par conséquent, contrairement à ce que l’on raconte, un bel avenir devant elle. Mais cette migration a de graves inconvénients environnementaux et pèse de plus en plus sur le budget des familles avec la raréfaction du pétrole et l’affolement de son coût lié à des mécanismes subtils qui nous dépassent. L’abandon du centre-ville, touche Pau évidemment.
 
Cette population nouvelle a gardé sa vision de la campagne, comme Alphonse Allais elle rêve d’une « ville à la campagne ». Elle souhaite des services qu’elle n’a pas forcément et surtout, pour une part d’entre elles, elle a du mal à vivre les coutumes, les habitudes, les traditions rurales. Il en est ainsi de la chasse ou désormais de la course landaise : écolo je suis, écolo je reste et je compte convertir à mes valeurs les paysans qui m’entourent. On connaît l’histoire du coq qu’il a fallu passer à la casserole car il réveillait par son cri perçant les voisins venus s’installer dans ses parages. Il en est de même pour les chasses traditionnelles stoppées une nouvelle fois par le conseil constitutionnel pour une mise en conformité avec la loi européenne – on aimerait tant que l’Europe s’occupe de choses plus sérieuses… On sait que les prélèvements de ces chasses sont dérisoires : si les oiseaux disparaissent en effet, c’est dû à l’industrialisation effrénée et parfois aux fausses bonnes solutions écolos comme les éoliennes dont les pâles sont de véritables hachoirs à volatiles.
 
arz30h
 
Le pompon, c’est la démarche de l’antenne locale de la Fondation Brigitte Bardot qui, comme on a pu le lire dans La République des Pyrénées de lundi, a fait écho aux plaintes de cinq parents contre le club taurin d’Arzacq. Celui-ci rassemble une centaine de membres. Selon la fondation BB, les bénévoles du club auraient eu le tort de décrire dans un tract adressé à la jeunesse, les attraits de la Course Landaise, sport (il est répertorié comme tel auprès du ministère de la Jeunesse et des Sports) traditionnel de la région. Dans ce sport qui magnifie l’adresse et le courage des « coursayres », rien de violent, rien qui ne touche à l’intégrité de l’animal sauvage héros de la fête qu’il faut justement éviter à l’ultime instant (c’est le sens de l’écart).
 
Etaient-ils réellement cinq à protester ces parents, cela reste à prouver. Cinq sur les mille tracts proposés, c’est de toute manière bien peu. La confusion entretenue dans le communiqué de la fondation BB avec la corrida repose sur une méconnaissance profonde des territoires et de leurs coutumes. Arzacq est une place importante dans l’histoire de la « Course » qui est présente aussi à Morlanne, Orthez, Lembeye. La capitale du Soubestre compte un champion de France des écarteurs, Loïc Lapoudge (2016 et 1017). Il est d’ailleurs le parrain du club. Les arènes ont été reconstruites grâce à l’obstination du précédent maire avec un soutien important de la communauté européenne, c’est désormais un équipement modèle, multifonctionnel.
 
C’est donc de la part de la fondation Brigitte Bardot, encore une fois, beaucoup de foin pour peu de choses. Mais c’est surtout emblématique de cette guerre des territoires, de cette conquête des esprits par les nouveaux arrivants, un phénomène qui, si on considère l’Histoire de près, se répète si souvent qu’il semble être consubstantiel à l’être humain. Il s’exprime là encore à l’encontre des ruraux qui étaient près de 20.000 à protester contre ces attitudes méprisantes à leur égard, il y a quelques jours à Mont-de-Marsan…
 
Pierre Vidal – Corridasi