Beaucoup de monde au Grand Temple de Nîmes ce mercredi 23 mai pour célébrer les obsèques d’André Floutier, dit « Fritero »…

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Derrière sa famille, ses nombreux compañeros, dont certains ont porté son cercueil, et pas mal de personnalités et d’aficionados, un dernier hommage lui a été rendu par le pasteur Jean-Christophe Muller.

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Au cours de la cérémonie, j’ai eu l’occasion, ou plutôt l’honneur, de prononcer quelques paroles retraçant sa personnalité et sa carrière de picador dont vous pourrez lire l’intégralité ci-dessous. Puis Hélène, sa compagne, a évoqué à son tour l’homme, ses passions, ainsi que son combat contre la maladie avant qu’un moment de recueillement n’ait plongé le temple dans le silence, seulement rompu par les arpèges de Constant Aubry.

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A l’issue de la cérémonie et avant de regagner sa dernière demeure dans le cimetière de Redessan, Fritero a fait une ultime vuelta très émouvante sur la piste des Arènes de Nîmes, précédé par un cheval de picador guidé par Philippe Heyral, suivi de sa famille et de tout le cortège.

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Repose en paix, Amigo…

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Dédé,

Ta vie a été tellement intense que la résumer en quelques phrases ressemble à une impossible faena. Pour autant, dans la tristesse, il faut aguanter, et permets-moi d’évoquer d’abord, en guise de premier tercio, ta personnalité. Car tu as été un sacré personnage, Dédé, éminemment populaire et charismatique, haut en couleurs, au profil rabelaisien, au verbe haut, imagé, parfois excessif, grand spécialiste des rigolades comme des engueulades… Avant tout, tu as été un homme singulier, entier, ambigu, atypique, râleur, frondeur, moqueur, hâbleur, volontiers caustique, mais aussi volubile, généreux, très serviable et fidèle en amitié, bref, une grande gueule au cœur d’artichaut !

Avec tes passions, ta bougeotte, ta soif de découverte, et pas que de découverte d’ailleurs, et ton envie de saisir la vie à pleines dents, tu as fréquenté entre autres la Faculté de la Petite Bourse, où tu rencontrais notamment certains de tes compañeros, mais tu as aussi côtoyé quelques grands établissements qui t’ont permis de te perfectionner dans un domaine que tu adorais : la cuisine.

Ce fut une de tes nombreuses professions, et outre celle de cuisinier et gérant de restaurant d’entreprise, tu as été aussi camionneur, chauffeur de bus, du petit train de Nîmes, cocher avec ton attelage, taxiteur, poseur de verrous et même… détective ! Et en parfait touche à tout et étonnant autodidacte, tu étonnais encore les autres par tes talents de musicien ou de photographe car aucun domaine ne t’était inconnu.

J’allais presque oublier ta principale passion, celle des chevaux et des toros, depuis le temps où Loulou Heyral t’a mis sur les rails et permis de mieux connaître ton métier. De là est venue ce qui fut de loin ta principale activité : picador de toros bravos. De l’avis de ceux qui t’ont engagé dans leur cuadrilla, depuis Nimeño II, Jaquito, Patrick Varin… jusqu’à Richard Milian et Denis Loré, sans oublier entre autres quelques figuras du toreo comme El Cordobés, César Rincón et Joselito, tu as été un piquero talentueux et sécurisant, tu es passé dans la plupart des grandes arènes où tu n’as reçu que très peu de broncas, mais où tu t’es taillé certains triomphes mémorables, aux côtés le plus souvent de ton ami Michel Bouix. Bref, tu as fait partie des meilleurs !

Il t’est même arrivé par défi d’arracher les devises, tu as dû aussi te remettre avec courage de blessures qui sont le lot de tous ceux qui se mettent devant un toro, à pied ou à cheval, et on ne t’entendait jamais te plaindre, sauf si à l’apéro il manquait les glaçons !

Dur au choc, mais volontiers fantaisiste, les anecdotes à ton sujet ne manquent pas. Comme ce jour où à Béziers, lors d’une corrida de Miura, alors que Denis était venu remplacer Richard mal remis d’une récente blessure, tu as administré le plus long puyazo d’une durée de sept minutes sous les clameurs. Et pendant que les aficionados t’applaudissaient pour ta virtuosité, tu ne trouvais rien de mieux que de dire à ta cuadrilla : « Mais levez-le moi ce toro, vite, que j’aille boire une bière » !!!

Plus tard, on est venu te chercher pour venir faire la vuelta en compagnie de Denis, tu étais dans le patio, la chaquetilla dépenaillée, la chemise ouverte, une bière à la main ! Et c’est comme ça que tu es reparti en piste pour ta vuelta triomphale…

Il y aurait encore tant à dire sur toi, il y aurait certainement un livre à écrire, mais aujourd’hui, devant les tiens, tes compañeros, tes amis, le cœur n’y est vraiment pas. Les clarines ont sonné, on passe au tercio suivant, non sans t’adresser une dernière ovation, toi qui auras sans aucun doute ta place parmi les plus grands maestros qui nous ont quittés, dans ce paradis taurin où Christian et Jacky t’attendent. Tu dois avoir tant de choses à leur raconter… Et puis avec Loulou, qui t’avait trouvé l’apodo qui t’a suivi toute ta carrière, Fritero, avec qui tu pourras désormais faire le quatrième à la belote…

Dis-leur aussi qu’on ne les oublie pas, tout comme on ne t’oubliera jamais.

Adieu La Frite, Adieu l’Ami, Adieu Maestro…

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(Photos : Daniel Chicot, Bernard Planchon et Paul Hermé)