PATRICE
Couleurs d’automne.
Ciel de traîne.
Luminosité molle.
C’est joli.
Plaisant.
Mièvre.
Avec le pauvre charme.
De la nostalgie.
Du doux.
Du tranquille.
Du reposant.
Du confortable.
Un poème.
De François Coppée.
Un gracieux tableau.
D’un habile peintre du dimanche.
Qui s’essaierait à faire l’artiste.
Un paysage.
Conformiste.
Attendu.
Certifié.
Estampillé
Officiellement dans la forme.
C’est léger.
Frais.
Aérien.
Un opus.
D’Edvard Hagerup Grieg.
Salonnard.
Et de bon ton.
Un empilage de coquetterie.
De maniérisme.
De mignon.
Redoutablement prévisible.
C’est ce que je vois le matin.
De la fenêtre de mon bureau.
Aucun tremblement.
Pas de dérive.
Rien qui surprenne.
Pas de noir.
Rien de sombre.
Pas de rugueux.
Que du feutré.
Du ouaté.
Du civilisé.
Le lisse académisme.
D’un sans faute.
Plat d’un bel ennui.
Celui du conformisme.
Du commun de pacotille.
De l’ordinaire du creux.
Une forme convenue.
Consensuelle.
Œcuménique.
Un style sans ride.
Sans excès.
Sans rien ou peu.
Parfaitement digeste
Comme une soupe de verdure.
Présentée à un convalescent.
Ça ne mange pas de pain.
Ça ne dérange aucunement.
Et c’est même assez plaisant à voir.
Petit vertige pour les couillons.
Par défaut de vigilance.
Appauvrissement du sens critique.
Ou primauté de la bouffée de sensation.
On peut s’habituer.
A cet esthétisme complaisant.
Et quelquefois y prendre goût.
Comme, si on n’y prête pas attention.
On risque, sur le moment, de prendre plaisir.
A la mièvrerie d’une faena.
Qu’on oublie.
A jamais.
Dès qu’on a fermé la fenêtre du goût.
Patrice Quiot