PATRICE
Je préfère l’humble torero.
Qui méprise le vide d’un sueldo.
A une gamine maquillée en Jack-o’-lantern.
Qui sonne aux portes.
Je préfère la soupe de haricots.
Gagnée en trois passes dans une portative.
Aux bonbons.
Distribués à des faux mendiants bien nourris.
Je préfère un Camus.
Dont la mère était illettrée.
Et lui à l’écriture.
D’épée de mort.
A une Ernaux.
Grimée dans ses origines.
Et elle ressassant.
Le travesti de l’écrivain qu’elle a failli être.
Je préfère le vestido.
Loué la veille.
Aux oripeaux.
De la décadence.
Je préfère le rictus gris.
D’un mendiant en lumière.
Au sourire béat.
D’un quémandeur en outrance.
Je préfère.
Un Nîmes Olympique.
Au fond
Du puits d’Edgar Poe.
A une Coupe du Monde.
Au pays des palais de Blanche Neige.
Bâtis par.
Des esclaves.
Je préfère un estoconazo.
Malhabile de peur.
A un merci.
En dents noires.
Je préfère voir.
Couler du sang.
Que supporter.
Une ridicule pantomime.
Je préfère la vie.
Qui sourd d’une muleta rapiécée.
A la désolation.
D’un chapeau pointu.
Je préfère.
La parole incisive.
D’un Casas.
Qui défend la grandeur du toreo.
A celle en guimauve.
D’un anti spéciste.
Qui.
Larmoie sur l’âme du crapaud.
Je préfère les mains brunes.
Tachées de la boue des ruedos d’épouvante.
Aux fossettes idiotes.
Des joues pleines de bien-pensance.
Je préfère les cicatrices.
Des cornadas d’espejo.
A celles dessinées au charbon.
Sur des visages farinés de blanc.
J’aime Adèle première sorcière brûlée vive en Europe.
Agnès Sampson, étranglée sur son bûcher le 28 janvier1591 à Edimbourg.
Marie Navart, roussie en novembre 1656 à Templeuve.
Et La Voisin, qui subit le même sort le 22 février 1680 à Paris.
Anna Göldin, décapitée le 13 juin 1782 à Glarus.
Et Marguerite Tiste en 1671 au Pays-Bas espagnols.
Celles de Salem en 1692 aux Etats-Unis.
Et celles de Pendle en 1612 en Angleterre.
Mais aussi.
La marquise de Merteuil.
Libertine machiavélique.
Qui se joue du Vicomte de Valmont.
Le comte Orlock de Nosferatu.
Le vampire de Murnau.
Et Pepe Luis.
Le sorcier de San Bernardo.
J’aime les toros aux terribles cornes.
Et ceux qui les affrontent avec douceur.
En donnant des passes.
Exemptes de maquillage.
J’aime Montoliú, Soto Vargas.
Iván et Víctor.
Tués.
Dans l’arène.
Le ventre déchiré.
De Joselito.
Et la gangrène.
Dans la cuisse d’Ignacio.
« Quand le vent.
Chassa la charpie ».
J’aime les turpitudes de la vie.
Ses blessures.
Ses remates.
Ses cris de joie.
J’aime tout ça.
Et pas ce qui en est l’opposé.
Et qui fait croire.
Que la méchanceté des Sharon ou des Kimberley.
N’est qu’un déguisement.
A l’aune.
De la bêtise.
Et les postures accoutrées des animalistes.
Une valeur.
A l’insipidité.
De citrouille.
Patrice Quiot