PATRICE
« … Maxine Faulk, par exemple, dans La Nuit de l’iguane…
Ava ne voulait pas tourner le film. John Huston, pour la convaincre, avait débarqué à Madrid. Ava n’avait pas revu le réalisateur depuis dix-huit ans. Elle se souvenait qu’il l’avait poursuivie autour d’une piscine et que pour lui échapper, elle s’était jetée dans l’eau, toute habillée. Huston est toujours aussi grand et dégingandé. Ava l’entraîne dans sa ronde. Nuit après nuit. Ensemble, ils ingurgitent des hectolitres de whisky, de cognac, de tinto ou de sangría. Ava adore aussi inventer des cocktails mortels. Au bout de quelques jours, John n’en peut plus. Il s’endort sur son Malt au Florida, mais il a gagné. Ava sera Maxine.
Son cachet s’élèvera à 400 000 dollars. Celui de Deborah Kerr, qu’elle déteste, sera de 250 000 dollars. Un argument qui a compté. Ava n’accepte de jouer que pour l’argent. Elle le dit, le répète, s’en vante. Le cinéma l’ennuie. Au fond, Ava n’a jamais aimé son métier. Elle l’exerce par pur hasard. Parce qu’un agent de la Metro Goldwyn Mayer a remarqué, un jour, ses photos.
Elle a détesté la Metro. Elle la haïra toujours. Parce que la compagnie traite ses acteurs comme des esclaves. Quel scandale le vieux Mayer avait monté quand Mickey Rooney a voulu épouser Ava ! Le jeune homme était déjà une star. Ava ne figurait, pour sa plastique, que dans des navets. Leur union ne risquait-elle pas de détourner de Mickey ses admiratrices ? La Metro a également poussé des cris d’orfraie quand Ava et Frank Sinatra, qui était marié, sont devenus amants. Toute l’Amérique puritaine la traitait de « voleuse de mari », de « putain » et personne, à la compagnie, n’a tenté de la défendre. C’est une des raisons qui avaient déterminé Ava Gardner à quitter les Etats-Unis pour vivre en Espagne, où elle s’était rendue la première fois en 1950 afin de tourner Pandora.
Le pays l’enchante. Evoluant dans un milieu démocrate, démocrate elle-même, Ava découvre la liberté au pays de la dictature. Le paradoxe ne l’effraye pas. Elle n’a peur que de la solitude. Surtout la nuit. En Espagne, elle conduit sa peña.
Et nul ne la contraint. Nul ne la surveille. Nul ne la condamne. »
(A suivre…)
Patrice Quiot