PATRICE
« La palabra pierde lo que el silencio gano ».
Cette excellentissime anecdote rédigée et relatée un soir de Pentecôte par l’excellentissime ami que fut Antoine Martin (1955/2021)..
Préalable 1: Cette petite fable taurine s’est déroulée dans les arènes de Nîmes quand le téléphone portable n’était pas encore un objet de consommation courante.
Préalable 2 : Pour mettre des noms sur les initiales :
C : Simon Casas, directeur des arènes de Nîmes ;
P : Enrique Patón, associé de Casas ;
L : Pepe Limeño, autre associé de Casas.
« … Alors, P, qui est assis juste derrière moi, me tape sur l’épaule et me demande : « Ça te ferait rien d’appeler L, là dans le callejón ? »
Moi, je lui réponds : «Tu me demandes si ça me ferait rien d’appeler L, là dans le callejón ? Mais au contraire, ça m’enchante. »
Donc, j’appelle L dans le callejón et je lui dis : « Ecoute ; P, là au deuxième rang, il te fait demander si ça ne te ferait rien de lui parler. »
Et L, il me répond : « Moi, si ça me ferait quelque chose à moi de parler à P ; au contraire, ça m’enchante. »
Alors, ils se parlent.
A L, P dit ceci : « Si tu vois C, ne manque pas, mais surtout ne manque pas de lui dire que c’est moi qui ai le téléphone portable. »
« J’ai pris bonne note » il dit L.
Un peu plus tard, il y a C qui m’appelle depuis le callejón.
« Dis donc, il me dit, ça ne te dérangerait pas de dire à P, là, juste derrière toi, que je voudrais lui parler ? »
Moi, je réponds à C que non, que ça ne me dérange pas une seconde de dire à P, là au deuxième rang, qu’il veut lui parler et qu’au contraire, ça m’enchante.
Du coup, je me retourne vers P et je lui dis : « Il y a C, là dans le callejón et il demande si ça t’emmerderait pas de lui parler. »
P, tout d’une pièce me répond : « Moi, si ça m’emmerderait pas de parler à C ? Jamais de la vie, au contraire, ça sera ma joie et ma fierté. »
Donc, ils se parlent.
A P, C dit ceci : « « Ça ne te ferait rien de me passer le téléphone portable ? »
Alors P, il me demande à moi, là au premier rang, si ça serait un effet de mon amabilité à faire passer le téléphone portable que voici à C, là, dans le callejón.
Moi, je lui réponds qu’aussi loin qu’il me souvienne, ma vie n’a jamais tendu vers plus noble ambition.
Et je fais passer le téléphone à C.
Encore plus tard, il y a C qui revient dans le callejón. Il me demande si mon urbanité irait jusqu’à ce que j’accepte de repasser le portable à P qui est juste derrière moi, au deuxième rang.
Moi je fais : « Tu me demandes à moi si je veux bien repasser le téléphone portable à P, là, juste derrière moi ? Mais, comment donc ; au contraire, ça sera un honneur dont le souvenir emplira mon existence jusqu’à l’orée de mes vieux jours. »
Alors, je me retourne vers P.
Dans le même mouvement, je lui tends le téléphone portable et prononce ces mots : « Il y a C, dans le callejón qui me demande de te refaire passer le téléphone portable. »
« Tu le remercieras de ma part », il dit P.
Et moi, en direction de C, dans le callejón : « P, il te fait dire merci. »
Cependant la corrida continue.
A un moment donné, P, qui en a sans doute assez vu, quitte sa place au deuxième rang, là et s’en va je ne sais pas où parce que P et moi on ne se parle jamais et même, pour bien dire. on ne se connaît pas vraiment.
L’instant d’après son départ, le torero Antonio Ferrera se fait attraper par son toro, assez sérieusement, semble-t-il.
Alors, il y a C qui arrive en courant, là, dans le callejón.
Il me demande : « T’aurais pas vu P, des fois ? »
Moi, je lui réponds que si, je l’ai vu et qu’il vient juste de partir, là.
« Merde, c’est con » il me fait C ; « C’est lui qui a le téléphone portable. »
Les choses se sont passées exactement comme je viens de les raconter.
Palabra de caballero cristiano.
Patrice Quiot