« Aussi, tout en défendant les courses à l’intérieur des villes, une ordonnance royale du 16 février 1757 appliquée par l’intendant dans sa généralité d’Auch et de Pau, les permit, sous autorisation de l’autorité municipale, en dehors des agglomérations, en des endroits clos par des barrières.
Malgré cela, et suite aux multiples accidents, le maréchal de Richelieu, gouverneur de Guyenne, fut amené à interdire ces courses, avec ou sans barrières, dans toute l’étendue de son gouvernement, par une ordonnance du 22 juin 1766. Il cita notamment les villes de Dax, Tartas, Saint-Sever, Mont-de- Marsan, Aire, Grenade, Mugron, Montaut, Hagetmau, Villeneuve et Cazères.
Rien n’y fit.
Devant le manque de zèle des autorités locales (à Mugron par exemple, on invoqua que les valets de ville n’osèrent pas s’opposer à une course « de crainte d’être assommés par la populace ») le gouverneur dut s’incliner, considérant « le goût dominant et général ». Voulant tacher de combiner cette passion populaire et la tranquillité publique, une ordonnance du 30 mars 1773 toléra donc les courses dans les villes qui pouvaient construire des cirques entourés de barrières élevées et solides.
Son successeur au gouvernement de Guyenne, le maréchal Philippe de Noailles, duc de Mouchy, reprit la lutte en interdisant les courses dans chaque ville ou village où on les lui signalerait. Par une ordonnance du 19 juillet 1782, faisant suite à divers accidents, il interdit les courses à Dax, tant en dedans qu’au dehors ou les faubourgs.
Même la période révolutionnaire n’empêcha pas que la pratique des courses se perpétue. A Montaut, par exemple, un arrêté de l’assemblée des jeunes gens de la commune en date du 9 messidor An IV arrêta qu’il y aurait irrévocablement une course sur la place du Domanée, avec un bœuf, considérant qu’il en était ainsi de tous temps le jour de la fête de Saint-Pierre
Joseph La Vallée visitant les Landes en l’An V écrivit à propos d’Hagetmau : « On retrouve dans les habitans quelque analogie avec les mœurs espagnoles, même dans leurs amusemens. Les combats de taureaux y sont en usage. »
Dans une lettre du 8 germinal An VII au ministre de l’intérieur, Louis-Samson Batdedat, commissaire du gouvernement auprès de l’administration municipale de Saint-Sever, faisait une critique « des courses de bœufs, vaches et taureaux qui sont singulièrement en usage dans ce pays pendant une bonne partie de l’année ». Jugeant cette pratique barbare, coûtant chaque année la vie à plusieurs individus (8 tués dans les Landes durant l’An VII), il en sollicitait la prohibition, ou du moins la sécurisation de la menée des animaux.
Sous le Consulat, le jeune préfet des Landes, Méchin, interdit les courses dans tout le département par deux arrêtés des 9 thermidor et 16 fructidor de l’An IX, à la suite d’un grand nombre de blessés et plusieurs morts. Sans aucun succès, l’interdiction de « la jouissance d’un exercice qu’un long usage leur a rendu cher » fut finalement rapportée dix mois plus tard, le 14 Prairial An X.
De fait, paradoxalement, l’énergie des divers pouvoirs publics ou religieux à vouloir interdire puis à contrôler les courses ne fit que conforter la résistance de la population. Les premières restrictions imposant la construction d’enceintes fermées permirent ensuite à ce qui devint la course landaise de s’enraciner et se développer jusqu’à devenir une tradition populaire reconnue.
C’est sur cette base qu’au cours du XIXe siècle la course landaise s’organisa. D’une pratique libre dans les rues, puis sur les places de villages ou champs de foire fermés par des charrettes, elle se déroula uniquement dans des lieux délimités et clos donnant lieu à la construction des premières arènes.
A l’origine exclusivité des amateurs, elle s’organisa progressivement en une discipline sportive comportant des règles et des figures imposées : la course formelle. Cette forme moderne et plus professionnelle date des années 1830. De jeu, elle se transforma en spectacle et depuis reconnue par le Ministère de la Jeunesse et des Sports, et actuellement gérée par une Fédération Française créée en 1953.
Les pratiques anciennes de l’aiguillade consistant à aiguillonner le cou des bêtes, et du saut avec une perche, disparurent au milieu du XIXe siècle au profit de l’esquive par la feinte et l’écart, puis le saut au-dessus de l’animal.
L’arrivée de la tauromachie espagnole au milieu du XIXe siècle marqua l’apparition des vaches d’origine ibérique, femelles des taureaux de combat, jugées plus aptes et spectaculaires que le bétail local. Ce serait dans les arènes de Magescq qu’aurait été présenté ce premier bétail espagnol, en l’occurrence des taureaux, les 17 et 18 octobre 1852.
Inspirée de « l’habit de lumières » des toreros de corrida, la tenue des « écarteurs » landais, ne fut adoptée qu’à la fin du XIXe siècle (pantalon de toile blanc, ceinture rouge, chemise blanche, cravate, boléro et gilet de velours aux couleurs agrémentées de franges, perles, et chamarrures de paillettes d’or ou d’argent, bottines… et béret).
Après 1890, à la suite de nombreux et dramatiques accidents, on se résolut à « embouler » les cornes des vaches par des tampons de bois, cuir, puis chatterton – lesdites vaches étant par ailleurs guidées par une corde. Il n’empêche qu’entre 1887 et 1905, une douzaine d’écarteurs y perdirent la vie, et une dizaine entre 1905 et 2000. »
Extrait de : « Landes en vrac/souvenirs et témoignages du passé et petit patrimoine landais ».
Patrice Quiot