Il y a quelques temps, Patrice Quiot, dont on connaît la fraîcheur juvénile malgré le nombre important de kms au compteur (mais le véhicule est bien entretenu), s’étonnait presqu’émerveillé par le projet sorti du chapeau par le nième tenant du titre Juan Pedro Domecq « Bravo Data Base ».
 
Où se mêlent génétique, algorithmes et intelligence artificielle.
 
Bravo, surtout pour la communication, car l’objectif est de prédire le comportement des toros dans l’arène en fonction de variables génétiques.
 
Entre Madame Soleil, ChatGPT et toro cyborg, reste-t-il une goutte de sangre brava dans la circulation artificielle des produits de JPD ?
 
Artifice, artificiel : « fabriqué, factice, faux », JPD dans son désir faustien de maîtriser le vivant franchit la limite symbolique qui fonde le toreo et surtout son art : se jouer de la mort en faisant du beau face à un animal dont la sauvagerie a encore un petit quelque chose à voir avec le naturel.
 
Sauvagerie devenue bravoure, tempérée de noblesse avec le temps, compromis délicat entre les origines, l’exigence croissante de virtuosité au détriment du combat et le respect de l’animalité. Certes un compromis, mais pas une compromission. De l’animalité chez JPD, plus du tout, plutôt de la domesticité et même des éléments de langage suspects pour la légitimer.
 
Le « toro artiste », qui viendrait prendre la place de l’homme en face, simple faire valoir, inversion perverse de la proposition : le torero n’est plus le sculpteur, il serait le sculpté.
 
La réalité selon Lacan, c’est quand on se cogne la tête sur le coin d’une étagère.
 
La réalité pour les baudruches de JPD, ce sont les gens qui sont sur les étagères et qui souffrent d’ingestion devant cette malbouffe insipide qui a contaminé 80% des élevages.
 
Même les toreros, surtout ceux d’en haut, n’en veulent plus.
 
Peu propices au succès.
 
Du coup, les encastes qui ont résisté à cette vampirisation reprennent du poil de la bête, notamment les Santa Coloma, les Albaserrada, mais aussi ceux du Campo Charro, avec un coup de main de certaines vedettes, citons Morante.
 
A quand les Baltasar Ibán et les Samuel Flores ?
 
Dans la dernière livraison de sa lettre (Atelier Baie), Jacques Durand (son immensité insurpassable) revient sur cette fin de règne :
 
« Au rencart.
 
À Séville cette saison, on ne verra aucun toro de J. P. Domecq quand dix-huit, à peu près tous minables, ont été combattus l’an dernier.
 
Les figuras qui jusque-là se les disputaient n’en veulent plus. Il y aura un lot à Madrid mais pour des seconds couteaux, Ángel Tellez, Francisco de Manuel programmés également avec eux à Valencia en mars. 
 
Les J. P. Domecq, plus la cote. Leur affligeante médiocrité n’offre aux cadors qui font la loi aucun gage de succès. 
 
Le 19 janvier à l’association El toro de Madrid, conférence de Sébastien Castella.
 
Un aficionado l’interroge sur le goût des figuras pour cet élevage. Castella : « Et vous m’avez vu avec beaucoup de toros de Juan Pedro Domecq à Madrid ? Non. »
 
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Francisco Galache…
 
En octobre 2021, dans une interview à La « Gaceta de Salamanca » publiée sous le titre « Il y a une vie en dehors de Domecq », il parlait à propos de son élevage « d’un oubli injuste » de vingt ans. 
 
Sans citer le nom de Domecq, il en voyait la raison dans l’uniformisation des ferias à partir de toros d’une seule origine, ce qui condamnait le toreo « à devenir un spectacle prévisible contraire à son essence ». 
 
« Le problème actuel de la corrida, c’est qu’elle a perdu la variété (des races de toros) et que l’aficionado a perdu celle d’être surpris. Elle a perdu son incertitude.
 
Si la matière première est variée c’est une motivation supplémentaire pour venir aux arènes. Si c’est prévisible, ça devient du théâtre. »
 
Serge Navel.
 
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Datos 
 
Serge Navel «El Rubio », né à Nîmes le 28 mai 1951 ; grand aficionado, fenomenal cocinero, éminent connaisseur du vin, figura de la pétanque, extraordinaire chauffeur d’automobiles, immense bricoleur, muuu buena persona et ami de toute la vie. (Patrice Quiot)