On n’a pas tous les jours 20 ans… Aujourd’hui, Robin a 20 ans. Quoi de plus sympa que de vivre ce jour-là en compagnie de ses copains, avec des Maestros pour le faire progresser dans sa passion. Robin est un garçon discret, un peu timide, mais très attachant, qui a beaucoup de force de caractère. C’est un plaisir de partager ce moment symbolique avec lui. Pour ma part, très sincèrement, je n’ai aucun souvenir de ce jour-là, mais je lui souhaite que la suite de sa vie soit au moins aussi belle que la mienne.
 
Depuis lundi, Luis Murillo nous avait fait le plaisir de venir assister aux tentaderos. Nous étions heureux de passer du temps avec lui. Nous l’avions connu, voici plus de 10 ans. C’est une personne merveilleuse, il est connu par tous les taurins comme étant un honnête homme, extrêmement efficace dans son métier de mozo de espadas. Discret, il sait beaucoup de choses, connaît tous les potins, mais ne dit jamais rien et surtout, a le cœur sur la main. Il n’a pas son pareil pour aider, rendre service à un torero, qu’il soit connu ou non. Tous les carnets de professionnels de tous nos élèves, durant toutes ces années, c’est lui qui nous les a demandés au Ministère. C’est un homme qui a eu de graves problèmes de santé et comme tous ceux qui ont tutoyé la mort, en a gardé une sagesse et une humilité certaines. Il vit entre Zaragoza où il s’occupe de sa maman avec son frère et Salamanca où il vit sa passion au beau milieu des élevages.
 
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Il avait logiquement intégré le conseil d’administration du CFT, pour le représenter en Espagne et y faire le relais.
Et comme toujours, lorsque le Maestro Le Sur proposa d’inscrire Clovis à l’école de Salamanca, Luis avait répondu présent, effectuant toutes les démarches administratives sur place.
La petite communauté des anciens du CFT, de Nino à Tibo, s’était mobilisée pour accueillir Clovis, car il n’a pas 15 ans. Quand il devait se rendre dans une ganaderia, à l’école taurine, ou faire le voyage entre la France et l’Espagne, il y en avait toujours un qui répondait présent. Clovis avait fait beaucoup de progrès, très vite. Il était temps pour lui de se confronter à d’autres garçons, tous très compétents, dans une des meilleures structures, lui permettant de toréer du bétail, quasiment toutes les semaines. Enfin, il allait aussi apprendre l’espagnol, car l’immersion totale, il n’y a pas meilleur professeur.
 
Dehors, par la fenêtre de ma chambre, j’écoutais les bédigues, dans le clos voisin de l’hôtel. Il y avait eu beaucoup de naissances cette nuit, m’avait dit Jean-Luc. Les petits chevreaux se plaignaient, couinaient, braillaient, tapaient dans les mamelles maternelles sans aucun ménagement, pour téter leur petit dèj… Au loin, une poule caquetait, fière d’avoir pondu son œuf, alors que, bon, pas de quoi en faire tout un plat !
Ceci me fit penser immédiatement à mes poulettes, laissées à Caissargues et à Guillaume II mon coq. Je l’avais baptisé comme ça car, il était arrivé après Guillaume, mon premier coq. Avant de le baptiser, je l’avais beaucoup observé. Deux choses m’avaient marquée : d’abord, j’avais l’impression qu’il ne faisait pas grand mal aux poules et ensuite, lorsque je donnais du grain à tous ces volatiles, mon Guillaume s’écartait immédiatement, pour que ses poulettes puissent mieux s’installer « à table ». Cela m’avait fait immanquablement penser à ce film « Guillaume et les garçons, à table ! ».
Le poulailler où je les avais installés était une petite maison en dur, avec un patio entouré de jasmins qui transformaient ce lieu en un endroit délicat, avec un parfum si subtil, dès le début du printemps. Enfin, pour éviter qu’elles aient froid la nuit, comme moi à Salamanque, je leur avais installé deux lampes chauffantes qui donnaient une lumière orange, dans une ambiance assez psychédélique. Par leur fenêtre, on aurait pu croire apercevoir une petite boîte de nuit ! Tchikboum… tchikboum… tchikboum… Qui sait ce qu’il se passait quand je n’étais pas là ?
 La séance de sport avait du mal à démarrer, dégénérant en partie de football clandestine.
Apprenant cela, le Maestro Le Sur dut pousser une bonne « gueulante », estimant que le CFT n’était ni une colonie de vacances, ni un centre footballistique : « Qui voulez-vous devenir ? Roca Rey ou M’Bappé ? » soulignant qu’ils avaient la chance exceptionnelle d’avoir avec eux le Maestro Juan Leal, pour diriger la séance de toreo de salon. Il y en a bien un qui tenta,  » M’Bappé, car il gagne plus d’argent ! », mais ça ne fit rire personne ! Les Maestros se chargèrent de prendre les opérations en mains. Du coup, les jeunes, il leur fallut s’y mettre : Course en arrière, toreo de salon, saute-mouton, mais, un accessoire avait fait son apparition, c’était le balai. Il permettait de simuler la tête du toro et de s’exercer à ne pas se faire accrocher la muleta. Pour s’entraîner au temple, ça pouvait le faire. Moi, j’avais bien eu l’idée d’emmener Pasha, mon jeune berger allemand, mais, il aurait plutôt été intéressé par les biquettes et n’aurait pas eu l’efficacité escomptée. Mauvaise idée !
 
Passage des bédigues, en rang serré.
 
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Mais, le clou du spectacle fut lorsque Simon, se transformant en tortureur, proposa l’exercice de la chaise. Comme toujours, c’est le genre de truc qui semble anodin au départ, mais se révèle très vite être une véritable tuerie. Tous, le dos appuyé contre le mur, position assise, genoux pliés à 90 degrés mais sans chaise bien-sûr. Le but : simple, mais terriblement efficace, tenir le plus longtemps possible !
À ce petit jeu, les deux Maestros participent.
1 minute, 2 minutes, 3 minutes, Jean-Luc, avec le balai, contrôle que les 90 degrés sont bien tenus, 4 minutes, les premiers lâchent, on voit les jambes trembler, les muscles tétanisent, plus le temps passe, plus c’est une hécatombe… 5 minutes. Durant tout ce temps, le Maestro Le Sur, fort de son passé d’escrimeur, tient bon, 6 minutes… puis comme les autres, se relève. Il ne reste plus que Manuel, Clément et le Maestro Leal. 7 minutes, Manuel tricote des pieds et s’arrête, 8 minutes…9 minutes… Clément s’accroche. Juan est littéralement assis sur sa chaise virtuelle, souriant. Il propose à Clément de rajouter des mouvements de cape avec les bras, histoire d’agrémenter le plaisir. D’ailleurs, il prend son blouson en main et commence à le faire virevolter autour de lui, façon capote. 9’30… 9’45… 9’55… tous ses collègues encouragent Clément, qui commence vraiment à trembler, 10’15… il s’arrache… Juan inébranlable continue, proposant 20 petites minutes, sans problème ! Trop fort le Juan !
 
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Une série de squats et sauts de la grenouille permettent de remettre les jambes en mouvement. Fin de la séance.
 
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Après ces émotions, le petit groupe rentre au coin du feu, pour une petite « cerveza sin alcohol », puis Queue de toro d’anthologie.  Quand Ana nous propose de nous resservir, certains craquent, mais Jean-Luc résiste, quelle force de caractère décidément ! 
 
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Le Maestro Tibo García nous rejoint.
 
14h30 : départ du convoi.
 
1ère vache : 15h20, noire, brave et noble.
Tito Sandoval à l’œuvre : « Eh bonita… mira hey hey.. .eh bonita… mira hey hey… »
Rafael. Gauthier. Clément.
Les efforts commencent à porter leurs fruits !
15h45. Portail – Spider Man – portail.
 
2ème vache : 15h50 : petite noire, excellente.
Nino, Manuel. Matthieu. Robin pour son anniversaire. Sacha.
Progression visible pour tous.
16h10. Portail – Spider Man – portail.
 
Gérard – « Papou » distribue de l’eau durant la pause.
 
3ème vache : 16h15, petite noire, 1er tour en sauts de cabri. Très noble.
Clément. Baptiste. Clovis. Simon.
Tito :  » Mira, bonita,  hey hey… »
Matthieu et Baptiste ont demandé à mettre la vache en suerte, ils ne l’avaient jamais fait de leur vie. Ils ont remarquablement réussi. Du coup, ils seront récompensés en mettant en suerte la suivante.
L’intensité du stage permet à chacun de réaliser des progrès notables.
 
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16h37. Portail – Spider Man – portail.
 
Pause, conseils croisés des Maestros.
 
4ème vache : 16h44, noire, petit arrêt sur le pas du portail, puis fusée. Brave et noble. Puis se met en querencia aux planches, devient distraite, cherche les jambes… doit être toréée au ras des planches.
Manuel. Baptiste. Matthieu. Le Maestro Leal, tout en douceur. Valentin. Sacha.
 
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17h04. Portail – Spider Man – portail.
 
À côté de la petite arène, de gros et beaux toros prennent le temps et mangent le foin déposé par le vacher à notre arrivée. Quiétude.
 
Petites leçons particulières.
 
5ème vache : 17h09, belle, noire, impétueuse, répondant à toutes les sollicitations, excellente au cheval, très noble.
Matthieu. Baptiste. Rafael. Robin. Gauthier. Clovis. Simon.
17h12, sortie du picateur.
 
17h33 portail, Tibo à la cape, Gauthier à la porte, Spider Man. Fin de la journée. Lumière sensationnelle sur le campo.
 
Nous retournons à notre querencia. Le Maestro Leal doit repartir vers Séville, ce soir. Nous nous quittons, en nous promettant de nous revoir très vite. « Prends soin de toi ! », lui dis-je. Au vu de ses rendez-vous prévus en 2023, il faudra que toutes les bonnes ondes nous le protègent bien…
(Chanquete – Photos : Chanquete et Jean-Luc Jouet)