Ce samedi, c’est le dernier jour du stage. Nous devions retourner chez Don Íñigo Sepúlveda, mais, cette fois-ci, pour tuer des becerros. Le Maestro Le Sur devait désigner ceux qui pourraient tuer aujourd’hui.
Il met un point d’honneur à offrir une « première épée » à chaque fin de stage, il en est fier, et l’élève s’en souviendra toute sa vie.
 
Il lui fallait prendre en compte de nombreux critères, bien sûr le niveau de l’élève, sa progression, mais aussi ses rendez-vous à venir… En essayant de ne léser personne, ce qui n’était pas toujours évident.
 
Pendant ce temps, je m’amusais à observer les petits chevreaux nouvellement nés. Un, en particulier, m’avait attiré l’œil, un petit bicolore noir et blanc. Il tentait de faire comme sa mère, voulant se coucher confortablement, dans l’herbe bien verte, sous les chênes. Il était minuscule, juché sur quatre trop longues pattes, disproportionnées et une queue tout aussi longue qu’inutile. Il mettait du cœur à l’ouvrage pour plier et coordonner tout cela, mais ça ne fonctionnait pas. Il restait donc debout, à courir un peu partout, youkaïdi, youkaïda, caracolant au milieu du groupe des mamans, toutes couchées tranquilles, avant de donner la tétée aux petits. Nous étions au bord de l’A62, qui mène vers le Portugal et pourtant, on se serait crus au beau milieu de nulle part, tant cette vision était reposante.
 
cft05c
 
Nos chauffeurs avaient déjà calculé comment organiser le minibus, les montagnes de capes devant être rangées dans un coin, après la séance d’entraînement, les valises de l’autre. Ils souhaitaient décaler à 7h demain matin. Mais, pour la dernière soirée, un peu plus festive, nous savions que les petits allaient se coucher plus tard, il y aurait très probablement de la colle sur l’oreiller ! 
 
Clément, Simon et Gauthier nous avaient envoyé un petit message, tôt ce matin, après leur voyage de retour : »7h07, bien arrivés ! ». Nous étions rassurés de les savoir « à la maison ». De bonnes nouvelles du bolsín de l’Aficion Cheminote nous arrivaient, depuis le Mas de Font Mounière. Aux dires des organisateurs, c’était aujourd’hui la meilleure séance du cycle, la plus complète par la qualité du bétail et des toreros. Nos élèves avaient été remarqués, face à du bétail de Barceló.
 
À l’hôtel, ça sentait le week-end, les petits enfants commençaient à envahir la salle de jeux, comme lors de notre arrivée, une semaine plus tôt. Les familles déjeunaient tranquillement.
 
Ana voulant, comme toujours, faire les choses bien, venait voir comment organiser le repas d’Adios de ce soir. Nous avions convié les ganaderos Don Íñigo Sepúlveda et Don Andoni Rekagorri et leurs épouses, Luis était convié ainsi que Nino et le Maestro Tibo Garcia.
 
Pour déjeuner, Ana nous avait fait préparer une excellente Fabada, ce n’est pas très régime, mais les petits allaient se dépenser dans l’après-midi.
 
 cft05a
 
Nous partons à 14h28 vers la ganadería.
 
Finalement, l’A62 était très empruntée, surtout par des camions de transport portugais et quasiment autant de coches de toreros !
 
14h56 : Arrivée chez Sepúlveda, soleil d’hiver très chaud, peu de vent, petite ambiance frisquette à l’ombre mais agréable.
 
1ère vache (32ème vache du stage) : 15h17, rousse, très noble pour le Maestro Tibo García. Très élégant, très doux, suave. 
Nino pour un quite.  
 
Juste le bruissement des bûches dans la cheminée, derrière moi…
 
Tibo torée bien, doucement, la vache est un peu faible, mais prend toutes les passes.
 
Pour Sacha, c’est plus compliqué, mais il s’accroche. Robin aussi !
 
Séance de peluquero et Adios !
 
15h38 :  sortie en trombe de la placita vers le campo. Tibo lui court derrière pour continuer à la toréer. Et elle en redemande.
A tel point que 5 minutes après, Tibo est toujours dans le clos pour continuer. Le ganadero demande qu’on la laisse reprendre son souffle ! 
 
1er becerro : 15h45 : roux très beau, assez fort, extraordinaire becerro.
Manuel pour le recevoir et le mettre à mort.
 
cft05f
 
Matthieu ensuite pour un quite.
Manuel tente des pendules.
Nino toujours à la brega et donnant d’excellents conseils.
Rafael et Manuel aux banderillas.
Muleta pour Manuel.
« Jette les banderilles en torero, tu es dans une arène ! » lui lance le Maestro Tibo Garcia.
Le becerro est très noble, sans mauvaise réaction. Pourtant, tenter plus de 2 derechazos semble difficile pour lui. Attention, il faut aussi penser aux bons terrains durant la lidia.
Nino se met en colère car il voudrait que Manuel en fasse plus !
1 fois, 2 fois, 3 fois, 4 fois, la cinquième entrée à matar.
Après plusieurs tentatives, le becerro tombe. 16h15.
A ce moment-là, Verónica, l’épouse du ganadero, nous dit : « C’est toujours un moment difficile pour nous, mais c’est plus digne pour nos animaux de mourir dans l’arène – en su cama – que dans un abattoir ! ». Elle a tellement raison.
 
2ème becerro : 16h21, un noir aussi fort, excellent, très noble pour Matthieu qui est déjà élégant à la cape.
Puis, Baptiste enchaîne un quite à la cape, élégant lui aussi.
Rafael aux Banderilles. 
Et Matthieu prend la muleta et va nous faire un concerto, une faena sensationnelle, le novillo répond à toutes ses invitations. Il torée avec douceur, c’est parfait. Les olés fusent dans l’assistance, le novillo est aussi bon que le torero. C’est un vrai plaisir. Cela semble facile !
 
cft05g
 
« Régale-toi ! » lui lancent alternativement le Maestro Garcia et Nino, ravis de voir ce jeune faire tout ce que ce bon novillo mérite.
Verónica, très philosophe me lance : « Finalement, c’est comme dans la vie, il a touché un excellent novillo, comme on trouve quelqu’un de bien pour se marier ! ».
Pour couronner le tout, Matthieu réalise une estocade, du premier coup, très belle estocade. 16h42. Il mérite 2 oreilles !
Pour son premier becerro, c’est une réussite !
 
 cft05b
 
3ème becerro : 16h53, roux, aussi fort que ses congénères, avec les yeux cernés de blanc, ojo de perdiz.
Pour Baptiste dont c’est pour lui, comme pour Mathieu, une « première épée », qui se montre élégant à la cape.
Rafael fait un quite à la cape, élégant aussi.
Clovis aux banderilles.
Le novillo est excellent, Baptiste aussi.
« Ressens les choses, tu es dans une arène ! » lui lance Nino.
 
cft05h
 
Puis, le novillo le serre un peu, devient plus compliqué.
Les choses vont a menos, le rythme est perdu.
2 fois, 3 fois.
Après plusieurs tentatives, le becerro est mis à mort. 17h09. 1 oreille.
 
La question que se pose tout le monde, à laquelle doit répondre le Maestro Le Sur : « Qui va toréer le dernier ? ». On consulte Le Maestro Garcia, Nino, le ganadero, grand conciliabule… Il ne faut pas gâcher un animal, ni une chance de corriger ou de récompenser…
 
4ème becerro. 17h17, pour Baptiste.
Le ganadero annonce avant sa sortie que son animal a des notes fantastiques, dans sa généalogie : 10 la mère, 10 la grand-mère, 10 les tantes… « Mais on ne peut présumer de rien ! ». Mon dieu qu’il dit vrai…
 
C’est un beau becerro noir, fort.
Baptiste au capote.
Quite pour Matthieu – le capote lui pèse.
 
Muleta pour Baptiste. Il débute à genoux, effectuant des passes en rond de rodillas, certainement inspirées par le Maestro Juan Leal ! Il est élégant. Le becerro est muy bueno, venant de loin.
Il réalise une bonne faena, des 2 côtés. Le becerro est excellent.
Baptiste est souriant. Il tente beaucoup de gestes, pour sortir de sa zone de confort, c’est méritoire. C’est totalement ce qui est recherché durant ce type de stage.
1fois, 2fois, quelques pinchazos…
Mise à mort un peu laborieuse. 17h45. Fin de la séance.
Nous félicitons le ganadero de la qualité de son bétail. Nous en discuterons dans la soirée autour d’un bon cochinillo asado.
 
cft05k
 
18h15, nous retournons vers notre bercail salmantino, pour une soirée officielle de despedida, où nous avons bien l’intention de passer de bons moments de détente, avant le trajet vers la France.
Au bilan de ce stage : pour nos 12 élèves : – 32 vaches – 4 becerros – Des Maestros formidablement attentionnés pour encadrer nos jeunes toreros qui repartent avec des beaux souvenirs dans la tête et plein d’étoiles dans le cœur !
 
(Chanquete – Photos : Chanquete et Jean-Luc Jouet)