C’est ce qu’on peut appeler une relation récente, rencontrée au fil de mes promenades dans le campo périgourdin.
 
Avant, je ne savais rien de lui.
 
Maintenant, c’est un compañero et je commence à suffisamment le connaître pour en parler un peu.
 
Tout d’abord, son patronyme.
 
Le nom avec ce tréma sur le i pourrait laisser croire qu’il est suédois ou islandais, mais il n’en est rien sachant cependant qu’avec l’origine des noms il faut faire attention.
 
La preuve c’est que François Hollande n’est pas né au pays de l’Edam, qu’Albert Londres ou Jack London ne sont ni l’un ni l’autre originaires de la ville éponyme, que George Washington est originaire de Virginie, Rosa Luxembourg de Zamosk et Andrés Segovia de Linares.
 
Quant à Eddie Constantine, il ne vient nullement de la ville qui eut le privilège de ma naissance et de celle d’Enrico Macias.
 
A l’inverse, aucune hésitation pour le pays dans lequel Charles De Gaulle a ouvert les yeux comme pour la ville où est né Sebastian Palomo Linares.
 
En réalité, il est de souche américaine mon copain maïs.
 
Un matin, au campo, il m’a raconté son histoire :
 
Ses ancêtres, originaires d’Amérique centrale, d’Amérique du Sud et du Nord y habitaient bien avant l’arrivée de Christophe Colomb, du bagel, des spare-ribs, de John Fulton, de Carlos Arruza, César Rincón ou de Rodolfo Rodríguez « El Pana ».
 
Introduit en Europe au XVIe siècle, son nom viendrait de l’espagnol maíz, emprunté lui-même à la langue des indiens Taínos de Haïti.
 
Donc, une procedencia on ne peut plus établie et attestée par les dix chromosomes de sa génétique.
 
Un Veragua du végétal.
 
Pourtant, on confond souvent son nom avec la conjonction de coordination mais.
 
Sans parler de la banalité de son étymologie, la conjonction qui ne jouit à l’évidence d’aucun sang bleu dans son ascendance ne devrait pas à ces motifs engendrer la moindre confusion dans l’esprit de ceux qui l’utilisent, m’expliquait à juste titre mon ami.
 
Il est vrai que, lorsqu’on s’intéresse à la lexicologie, on constate que les deux noms marquent pourtant bien des différences.
 
Par exemple, dans ce qu’on appelle les convenances.
 
En la matière, on remarquera que ce parvenu de mais indique souvent une opposition, une exception, une différence ; par exemple, lorsque De Paula dit : « Juan Belmonte es mi dios profesional, pero yo toreo mejor que él. »
 
De la même façon, on constatera que ce roturier de mais veut, la plupart du temps, rendre raison de quelque chose, par exemple lorsqu’un aficionado arrogant demande à Simon : « Mais, pourquoi n’avez-vous pas mis « El Chihuahua » à Nîmes ? » 
 
Souvent encore, on remarquera que ce manant de mais introduit une restriction dans le propos, genre « Je n’oublie jamais un visage, mais pour vous je ferai une exception » comme aurait pu dire un maleducado à Alice Sapritch ou encore le « Quiero a mis hijos, pero me cansan » de Luis Miguel.
 
En outre, dans la conversation, ce prétentieux de mais est assez fier d’avoir quelque rapport à ce qui a précédé comme ce fut le cas du « Mais vous avez tout à fait raison, Monsieur le Premier ministre. » du 28 avril 1988.
 
Continuons dans le registre de l’histoire sociale.
 
Malgré ses origines aristocratiques, mon tovaritch maïs est, à l’image de Domingo Dominguín ou de José Luis Parada, politiquement ancré du côté qui va bien.
 
Voulant se tenir à l’écart de sordides spéculation sur ses cours et rester loin des marchés financiers, il s’inscrit comme un résistant farouche aux multinationales qui veulent le réduire en touchant à sa génétique.
 
Plus près de Sánchez de Ibargüen que de Juan Pedro Domecq.
 
Ecologiste d’un autre calibre que Greta Thunberg malgré sa soif gargantuesque digne d’Ernest le barbu, de Bukowski, cosmopolite comme un chiste de Zocato et œcuménique comme un muletazo de Morante, mon bon maïs est invincible car près du peuple.
 
Un « El Soro » de la graminée.
 
Ses galettes nourrissent les déshérités d’Amérique centrale, ses dérivés les bantous du Gabon, du Soudan, de la Namibie et les falashas d’Ethiopie, ses grains les poules du mazet, les canards de la grand-mère du « Pato » de Tyrosse, les vaches de Paimpol et les landais de Tartas.
 
Sa distillation qui remplissait les verres de Manolito González aide aussi les chômeurs à vivre leur détresse, embaume les landes écossaises de Laphroaig ou de Bowmore, les prairies irlandaises de Galway et les immensités du Kentucky.
 
Ami des bisons d’Amérique et des loups de Russie, frère nourricier des Roms du campement de Caissargues, des gitans de la Placette et des indiens d’Amazonie, militant des Black Muslims de Malcom X, du front anti Podemos de Calatrava de Arzobispo et dévot de la Hermandad « Cristo del Maiz y Aguacate » de Bolullos de la Mitación , sa générosité productive que chantaient les tribus de Cochise, réjouit le campesino et ses tiges amoureuses se nouent autour du front des jeunes crétoises.
 
Zapata en avait fait sa bannière, Rousseau écrit avoir dormi un soir dans un de ses champs, Georges Marchais l’invita pour accompagner les merguez de la fête de «L’Huma », les cailles s’abritent dans son ombre, le millas enchante les fins de repas périgourdins et la polenta accompagne parfaitement une gardiane.
 
Ses épis sont des totems de gloire et sa vie un chant d’espérance dont les paroles s’étouffent dans le balancier de la faux.
 
Et en Equateur, une feria l’honore : « La fiesta del “Maíz y del Turismo”, se celebra todos los años desde 1960 en Sangolquí, para mostrar al mundo la tradición, gastronomía y el folklore que brinda la gente del Cantón Rumiñahui. Los dueños de las haciendas en agradecimiento a la buena cosecha del sector ofrecían a los campesinos la corrida de toros. Esta tradición continúa reflejándose hasta la actualidad. »
 
Aussi, amis de mon cœur, lorsque vous viendrez me faire coucou dans mon trou, si vous apercevez mon compère en train de toréer au soleil, ne manquez pas de lui donner un abrazo con afecto y cariño.
 
Il vous en sera reconnaissant et vous serrera dans ses feuilles…
 
Patrice Quiot