CLEMENTE
Jusqu’à maintenant, la soirée des partenaires se déroulait durant la Feria, mais cette année, l’organisation a préféré innover avec une rencontre dominicale dans un élevage, en l’occurrence celui de Jean-Luc Couturier, sur le plateau de Coste-Haute. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que tout le monde s’est retiré apparemment très satisfait de cette initiative. Nous y reviendrons en détails rapidement, mais dans un premier temps, place à l’invité du jour, Clemente, très attendu au Palio, notamment après son récent triomphe arlésien devant les Victorino…
Après la visite du campo en charrettes, tous les invités, environ 250, se sont retrouvés sur les gradins de la placita pour assister au tentadero de deux vaches de Valverde, ave Mathias sur le cheval et Mehdi Savalli pour la brega, Juan de Morena, de l’école d’Arles, sortant de second.
Face à deux vaches au comportement différent, plus allègre la première qui n’a pas hésité une seconde à partir de loin au cheval puis plus exigeante la seconde, mais avec des qualités, Clemente a pu étaler diverses facettes de son talent. Quiétude, aisance, élégance, douceur, aplomb, entrega, tout ça au service d’aptitudes techniques évidentes, lui ont permis de tirer le meilleur des deux Valverde, certainement promises à se consacrer désormais à la reproduction…
Un peu plus tard, après les agapes sous forme d’une succulente faena de Don Miguel, loin d’être un inconnu dans le mundillo, j’ai pu m’entretenir un moment avec le maestro, comme je le reproduis ci-dessous.
« Je pense que la temporada passée m’a apporté de la confiance en moi. De par notamment leurs difficultés, les toros m’ont permis de prendre conscience de mon potentiel, ce qui représente une réelle force pour un torero. De voir que j’étais capable de faire des efforts face à des toros compliqués, tout en gardant mon corte, ça m’a fait beaucoup de bien et je dirais même que ça m’a fait grandir !
Le déclic a vraiment commencé avec le premier toro des Saintes. A un moment précis dans la faena, il y a eu comme un déclin où je me suis imposé sur ce Victorino et ça m’a fait comprendre que j’étais capable de me produire devant plusieurs types de toros !
Concernant mon apoderamiento, j’étais arrivé à un moment où j’avais besoin de changement pour faire un pas en avant avec l’intention de montrer que j’étais capable. Avec Romain Perez, dès le début de la saison dernière, on a fait un bilan, avec comme point de départ que Clemente n’était pas indispensable. A partir de là, il fallait bien comprendre qu’il y avait des corridas que l’on pouvait accepter, de celles où peut-être avant, j’aurais dit non ! Je me suis donc mentalisé pour prouver qu’en fait, j’étais capable pour aller lidier un type de corridas plus difficiles, tout en gardant mon esthétique particulière et ma personnalité devant les toros.
Ça s’est avéré payant puisqu’il y a eu des triomphes et à partir de cette année, effectivement, Romain continue sur la même lancée. Il y a des corridas où l’on sait qu’il va falloir faire des efforts et d’autres représentant la récompense de l’année dernière. C’est très positif et par rapport au travail que l’on fait au campo, parce qu’il m’a énormément suivi, il y a une évolution positive dans le sens d’une meilleure compréhension de l’animal. C’est quelque chose de primordial dans la mesure où je ne suis pas perdu le cas échéant devant le toro. Certains me poussent à bout et me demandent une forte réflexion, mais d’un autre côté, je ne me sens pas dépourvu devant et ça, c’est le travail du campo, des entrainements, et donc, je suis très satisfait du virage amorcé dans ma carrière !
Romain a une conception très bonne de la manière de gérer un torero, aller partout, je ne pense pas, car il y a des endroits qui ne me correspondent pas du tout, mais en revanche, être plus ouvert d’esprit qu’avant, oui, c’est sûr. Gamarde, ça me paraissait normal d’y retourner parce que l’an dernier, j’y ai senti un bon soutien. J’ai été bien sans pouvoir triompher et cette année, revenir à Gamarde, ça a été un vrai plaisir. Même si ce n’est pas une arène importante, c’était la première corrida de l’année en France et voir qu’on triomphe au premier toro de l’année, c’est toujours important…
A Istres l’an dernier, j’ai peut-être eu le toro qui m’a fait le plus peur de ma carrière car je me voyais pris à chaque passe ! Il a fallu le mettre peu à peu dans la muleta et c’est ce toro-là qui m’a fait comprendre que je pouvais aller toujours plus loin. Il était très compliqué et il a fallu beaucoup d’abnégation devant, en oubliant que j’avais peur, que je pouvais me faire prendre et surtout, il fallait que je reste sûr de moi. C’est ce qui s’est passé et j’en reste fier, coupant une belle oreille et après, avec mon second, plus facile et qui m’a permis de montrer un autre visage, les gens m’ont remercié avec deux oreilles. Un final de temporada très encourageant pour moi.
En dehors des arènes, je ne suis pas très expressif, j’ai parfois du mal à aller vers les autres et ce que je ressens, c’est que c’est sur le sable que je dois passer mon message. Si tu me dis que les gens m’apprécient et m’attendent, tant mieux, je fais à chaque course de mon mieux pour exprimer mon toreo et après Arles, je compte beaucoup sur Istres samedi prochain avec les toros de Jandilla. Après le passage difficile et mouvementé d’Arles, il y a eu un mois et demi où la préparation a continué avec un objectif très clair, arriver à Istres dans les meilleures conditions. Je suis allé pas mal en Espagne et aujourd’hui, je fais mon dernier tentadero chez Valverde avec des vaches qui m’ont permis de rester dans le rythme, avec des caractéristiques proches, étonnamment, des toros que l’on peut avoir samedi. Je pense que ce sera la corrida la plus forte et après les Valverde l’an dernier, venir cette année toréer les Jandilla avec un maestro comme Miguel Ángel Perera et un autre grand torero français Juan Leal, je pense que je suis bien entouré et qu’il va falloir tirer mon épingle du jeu de par ma personnalité et mon ambition.
La base de ma préparation est toujours la même, mais quand on se rend compte de ce qu’est un toro de Victorino, il y a une préparation pour comprendre ce toro. Il est important de voir des vidéos et de discuter avec l’éleveur pour mieux s’adapter à ce bétail. Après, celle de Jandilla, je suis conscient que je vais en toréer deux cette saison, je suis allé à la ganadería et j’ai vu aussi les corridas de ce fer qui ont été lidiées en ce début de temporada et effectivement, à quelques jours de la corrida, il y a de petits détails qui font dire que ce toro-là peut aller a más grâce à ça. J’aime bien le faire avant chaque corrida, être conscient de quel toro je vais affronter et quelles sont les lignes directrices pour mieux le comprendre au moment de le lidier.
A propos de ma temporada, outre Gamarde et Arles, je dois me produire à Istres puis La Brède avec un cartel 100% français avant un mois de préparation pour Mont de Marsan avec les La Quinta et le lendemain, je serai à Châteaurenard. Le vendredi des fêtes, je serai à Bayonne puis en août, je suis engagé aux Saintes avec Rafi pour combattre les Adolfo, encore une corrida importante et normalement, la clôture de ma saison devrait avoir lieu à Dax pour Toros y Salsa. En définitive, je suis convaincu que si je prends les tardes les unes après les autres, toros après toros, les empresas commenceront à parler de moi et peu à peu, d’autres chemins s’ouvriront, notamment celui de l’Espagne. Pour l’heure, il est donc essentiel de marquer la différence en France pour montrer que je peux être un torero important. Je pense que c’est le genre de succès comme celui d’Arles, s’il se répète, qui pourrait m’ouvrir des portes outre-Pyrénées. Maintenant, est-ce que ce sera cette année ou l’an prochain, je ne le sais pas. Mais en tout cas, je persiste dans ma régularité et mon exigence afin de pouvoir ouvrir les portes d’une grande arène, peut-être avec une confirmation, je l’ignore, mais il faut toujours regarder devant !
J’ai eu la chance d’aller voir des corridas à Madrid récemment, et effectivement, mon succès face aux Victorino à Arles a eu une certaine répercussion, avec un autre regard. Je sais que l’éleveur a bien parlé de moi, des matadors et des imprésarios étaient au courant, mais de là à faire le pas en avant en m’engageant, ça ne s’est pas encore concrétisé. En revanche, il y a un vrai run-run dans le mundillo pour me voir toréer… »
Après ce dernier entrainement avec du bétail qui a permis à tous les présents de constater l’état avancé de la préparation de Clemente, on lui souhaite à quelques jours à peine de sa corrida de Jandilla de confirmer la bonne impression laissée déjà l’an dernier sur le sable du Palio. Pour aller encore plus haut. Suerte, Clemente !!!
Suivront plus tard les prises de parole de plusieurs protagonistes, Bernard Marsella, Jean-Luc Couturier, ainsi que le maire d’Istres François Bernardini, tous allant dans le sens de l’importance du partenariat pour monter des cartels de catégorie à Istres…