« Une peinture rupestre mise au jour à Cnossos en Crète, datant de 2000 av. J.-C., montre des hommes et des femmes acrobates saisissant un taureau alors qu’il charge et sautant par-dessus son dos.
 
Dans la Grèce antique, notamment en Thessalie, des représentations religieuses comportent des scènes de tauromachie.
 
A Rome, des gladiateurs spécialisés, les taurarii, luttent avec une lance ou un épieu contre un taureau excité par les aiguillons du succursor.
 
Mais c’est dans la péninsule ibérique que la corrida prend réellement son essor : parce que les troupeaux de taureaux sauvages y sont nombreux et aussi parce que les cultes païens y ont mieux résisté, se fondant plus intimement qu’ailleurs, sinon en Sicile, dans le rituel chrétien.
 
Les Maures, originaires d’Afrique du Nord, qui ont envahi l’Andalousie en 711, modifient considérablement les règles de la course de taureaux. Le spectacle bestial et non codifié que pratiquaient les Wisigoths avant l’invasion devient un rituel de jours de fête au cours duquel les Maures, montant des chevaux spécialement entraînés, affrontent et tuent des taureaux.
 
En 815, lors de fêtes royales données par Alphonse II des Asturies, ont lieu les premières courses de taureaux de l’Histoire.
 
Au début du Moyen Age, il existe deux sortes de combat tauromachique en Espagne : la chasse aux taureaux, sans règle ni rituel et le combat à cheval, pratiqué par les nobles organisant entre eux des joutes au cours desquelles ils attaquent le taureau à la lance. 
 
Une légende veut même que le premier à affronter ainsi un taureau soit, au XIe siècle, le Cid Campeador, cher à Corneille. A la fin du XIIIe siècle, les 2 types fusionnent lorsque la noblesse organise les fêtes publiques de taureaux à l’occasion de solennités importantes.
 
Selon une chronique de 1124 : « Alors qu’Alphonse VII se trouvait à Saldaña avec la jeune Doña Berenguela, fille du comte de Barcelone, entre autres divertissements, il y eut des fêtes de taureaux ».  
 
Dès 1289, un arrêté des échevins bayonnais réglemente la course (encierro) des bœufs, des vaches et des toros dans les rues de la ville. C’est le plus vieil écrit taurin du monde. 
 
Le 3 septembre 1332, sous le pontificat de Jean XXII siégeant à Avignon, se déroule au Colisée de Rome, une unique corrida, sur le modèle de celles qui se faisaient en Espagne ou chez les Maures. Des champions de plusieurs grandes familles romaines affrontent des taureaux, les uns après les autres, munis seulement d’une lance : il y a 18 morts et 9 blessés pour 11 taureaux tués. 
 
Les paladins tombés dans le combat sont inhumés en grande pompe, dans les églises de Sainte-Marie-Majeure et de Saint-Jean-de-Latran.
 
En 1489, Tomás de Torquemada, le grand Inquisiteur condamne la corrida comme spectacle immoral et barbare, inique et cruel.
 
Une peinture du musée San Fernando de Madrid, datée de 1506, œuvre d’un anonyme et intitulée « Course de taureaux à Benavente » en l’honneur de Philippe le Beau, est la plus ancienne représentation d’une corrida connue à ce jour.
 
César Borgia (1475-1507), fils du pape Alexandre VI, introduit la corrida en Italie pour la mettre au programme de ses divertissements favoris.
 
L’Empereur Charles-Quint (1500-1558) est si heureux de la naissance, le 21 mai 1527, de son premier enfant, Philippe, qu’il descend dans l’arène de Valladolid pour y combattre et tuer un taureau sauvage.
 
1547 : premières courses landaises.
 
Par sa bulle « De salute Gregis dominici » du 1er novembre 1567, le pape Pie V interdit formellement et pour toujours les courses de taureaux ; il décrète la peine d’excommunication immédiate contre tout catholique qui les autorise et y participe et ordonne le refus d’une sépulture religieuse aux catholiques qui pourraient mourir des suites d’une participation à quelque spectacle taurin quel qu’il fût : « Pour nous donc, considérant que ces spectacles où taureaux et bêtes sauvages sont poursuivis dans l’arène ou sur la place publique sont contraires à la piété et à la charité chrétienne et désireux d’abolir ces sanglants et honteux spectacles dignes des démons et non des hommes et d’assurer avec l’aide divine, dans la mesure du possible, le salut des âmes : à tous et à chacun de princes chrétiens, revêtus de n’importe quelle dignité aussi bien ecclésiastique que profane, même impériale ou royale, quels que soient leurs titres ou quelles que soient la communauté ou république auxquelles ils appartiennent, Nous défendons et interdisons, en vertu de la présente constitution à jamais valable, sous peine d’excommunication ou d’anathème encourus ipso facto, de permettre qu’aient lieu dans leurs provinces, cités, terres, châteaux forts et localités, des spectacles de ce genre où l’on donne la chasse à des taureaux et à d’autres bêtes sauvages. Nous interdisons également aux soldats et aux autres personnes de se mesurer, à pied ou à cheval, dans ce genre de spectacle, avec les taureaux et les bêtes sauvages.« 
 
 
Cependant, à la demande de Philippe II d’Espagne, Grégoire XIII revient sur cette décision dès 1575 en levant l’interdiction pour les laïcs.
 
 
En 1585, Sixte V rétablit les sanctions.
 
Clément VIII les lève définitivement en 1596. »
 
A suivre…
 
Patrice Quiot